La raison est pour Dieu – résumé (10/12) : L’histoire (vraie) de la croix
6 août 2021

Cette série d’articles propose un résumé des arguments donnés par Tim Keller en faveur du christianisme et contre les objections courantes contre la foi chrétienne dans son livre La raison est pour Dieu. C’est un très bon livre, assez généraliste dans ses réponses, dans le sens où n’entre pas dans les détails philosophiquement et ne se base pas sur une tradition philosophique particulière (thomiste par exemple).

Mais il reste très bon comme première lecture d’apologétique et ouvrage de référence accessible à tous (croyants et non-croyants). Keller sait attirer l’attention du lecteur, présenter des arguments tout en restant toujours humble et sympathique. Il est agréable à lire et très bien traduit.

Le but de cet article est résumer, regrouper les arguments de Keller mais aussi de les rendre plus compréhensibles. C’est pour ça que je les complèterai ou les expliquerai parfois un peu plus en détails. Bien sûr aussi de rendre accessible gratuitement ce que présente Keller mais aussi de vous donner envie de le lire quand vous en aurez les moyens.


Jésus est un personnage de l’histoire connu surtout pour sa mort, sa crucifixion pour permettre à Dieu de nous pardonner nos fautes. Dieu serait-il donc semblable aux dieux capricieux et jaloux de l’Antiquité dont on apaisait la colère par des sacrifices ? Dieu ne pouvait-il pas tout simplement nous pardonner ? Pourquoi Jésus devait forcément mourir ? C’est à toutes ces questions que nous allons répondre dans ce chapitre.

I. La première raison : le pardon

A. Le véritable pardon est une souffrance qui coûte cher

Dans beaucoup d’exemples de nos vies, on retrouve cette idée qu’une « offense » ne peut pas juste être ignorée. Il faut une réparation de la part du fautif.

1. L’exemple de quelqu’un qui rentre dans votre voiture

Par exemple, si quelqu’un rentre dans votre voiture et abîme le pare-chocs par exemple, vous n’allez probablement pas le laisser repartir comme s’il ne s’était rien passé ! Vous chercherez à faire un constat avec lui. Vous veillerez aussi à ce que quelqu’un paie les frais de réparation de votre voiture. Soit son assurance, soit lui s’il n’est pas assuré, soit vous s’il n’en n’a pas les moyens et que vous avez pitié de lui. Il y a quelque chose à réparer qui ne va pas se réparer tout seul. Il y a une dette à payer, et l’argent ne tombe pas du ciel.

2. L’exemple des offenses personnelles

Un deuxième exemple qui nous parle sûrement beaucoup plus, c’est le pardon qu’on accorde lorsque qu’on est offensé par quelqu’un. Encore une fois, l’offenseur nous doit une dette, même si elle n’est plus financière. Dans ce cas-là, il y a deux manières de réagir.

La première, c’est de chercher à se venger. Cela peut aller de faire directement du mal à la personne ou à ses proches à tout simplement lui souhaiter du mal. Le problème, c’est que la vengeance vous rendra triste, sans pitié et à vous dénigrer. Vous ferez aussi l’amalgame entre le responsable et tous ceux qui lui ressemblent. Si l’offenseur était proche de vous, vous vous méfierez de vos proches en général. S’il est d’une origine particulière, vous éviterez peut-être les gens d’une certaine origine. Enfin, cela donnera l’occasion à l’offenseur ou à ses proches de vous accuser eux, de vous faire du mal (de se venger à leur tour) et justement de ne pas vous demander pardon. Ainsi, le mal et la vengeance se propageront. Cela conduira au « cycle de la haine » que décrivent tant d’anime (Naruto, Shingeki No Kyojin, The Promised Neverland, Code Geass).

La deuxième solution, c’est le pardon : faire le choix de ne plus se souvenir de l’offense et ne plus en vouloir à l’offenseur. Si l’on reprend les termes de la dette, c’est accepter de payer soi-même et libérer l’offenseur de sa dette envers nous. C’est évidemment un choix très douloureux, qui vous humilie et vous met à nu. Comme le dit Keller, c’est « une sorte de mort ». Mais c’est libérateur : le pardon nous délivre de l’amertume, de la haine et nous remplit de paix, de joie et d’une sérénité incroyable. C’est une espèce de « résurrection ». Dans la démarche du pardon, il y a deux étapes. Il faut d’abord « pardonner intérieurement » : ne plus souhaiter son malheur. Et ensuite aller confronter la personne à son offense. Mais pas dans un esprit de vengeance, pour lui exprimer votre colère (car il n’y aura presque aucune chance qu’elle se repente) mais par amour pour elle. Pour lui faire prendre conscience de ses défauts, qu’elle puisse s’améliorer, et qu’il n’offense plus d’autres gens.

B. Le pardon de Dieu

Je rappelle la question que nous nous sommes posée : « Pourquoi a-t-il fallu que Jésus meure pour satisfaire Dieu et lui permettre de nous pardonner ?

D’après ce que nous venons de voir, il n’est jamais possible de « pardonner tout simplement ». Il y a toujours un prix à payer, qu’il soit matériel ou émotionnel. Dans le cas de notre péché, c’est-à-dire de notre offense envers Dieu, il y a également « un prix à payer ». Et ce qui est merveilleux, c’est que Dieu lui-même est venu payer cette dette en la personne de Jésus-Christ. Nous devions mourir, mais Christ est mort nous. La dette étant payée, Dieu peut maintenant nous pardonner au lieu de nous condamner. Notre pardon d’être-humain reflète le pardon infiniment plus grand et meilleur de Dieu. Dire que Dieu est comme un père cruel qui a maltraité injustement son Fils Jésus, c’est caricaturer ce en quoi croient les chrétiens. Voilà ce qu’en dit Keller et le résumé qu’il donne à propos du pardon de Dieu :

Il est essentiel, à ce stade, de se souvenir que la foi chrétienne a toujours considéré que Jésus est Dieu. Dieu n’a donc infligé de souffrance à personne, il a au contraire pris sur lui, à la croix, la douleur, la violence et le mal du monde. C’est pourquoi le Dieu est de la Bible est différent des divinités primitives qui réclamaient le sang des humains pour apaiser leur fureur. C’est un Dieu devenu homme qui offre sa propre vie afin que la justice morale triomphe et qui accorde son amour miséricordieux afin de pouvoir détruire un jour le mal tout entier sans nous anéantir. […] Pourquoi Jésus devait-il mourir pour nous pardonner ? Il existait une dette et elle devait être réglée : Dieu l’a payée lui-même. Il existait une amende et il fallait que quelqu’un l’acquitte : Dieu s’en est chargé. Le pardon est toujours une forme de souffrance qui a un prix.

La raison est pour Dieu, p. 225-226

II. La deuxième raison : un échange personnel

A. Le véritable amour est un échange personnel

Dans notre expérience, aimer quelqu’un ce n’est pas seulement lui donner des choses (des cadeaux, des câlins, des bisous etc). C’est aussi faire preuve d’empathie, partager ce que la personne vit : ses joies, ses réussites, ses luttes et ses souffrances. Plus généralement, c’est se donner à l’autre, se rendre disponible pour lui, sacrifier notre temps et nos priorités pour nous consacrer à lui. Keller donne trois exemples :

  1. C’est d’abord le cas quand on essaye de consoler des amis qui traversent des périodes difficiles. Si on les aime vraiment, on prendra le temps nécessaire pour les écouter, pour nous mettre à leur place et porter leurs fardeaux avec eux. Nous partagerons leurs douleurs comme nous avons partagé leurs joies (leurs anniversaires, leurs mariages etc).
  2. Imaginons maintenant qu’un homme injustement condamné par la mort et traqué par des militaires arrive chez vous. Si vous avez pitié de lui et que vous le laissez se réfugier chez vous, vous devrez être prêts à prendre de grands risques. Vous serez probablement condamnés avec lui si vous êtes repérés. Vous partagez ainsi le sort de cet homme innocent.
  3. Le dernier exemple, c’est celui des parents et de leur enfant. Pour élever leur enfant dans de bonnes conditions, les parents doivent accepter de sacrifier leur temps et leur indépendance. Ils doivent se rendre en quelque sorte dépendants de leur enfant. Ils ne pourront plus aller au cinéma, se promener, faire du sport, jouer aux jeux-vidéo quand ils voudront mais leur emploi du temps sera modifié au moins un minimum.

Contrairement à ce que dit Keller, Dieu n’était pas obligé de manifester son amour de cette manière, en acceptant de souffrir pour nous et avec nous. Il est parfaitement juste et aurait très bien pu nous condamner sans nous offrir sa grâce, un cadeau immérité. Mais il l’a fait : il a choisi de prendre nos faiblesses, nos péchés et en échange, de nous donner son innocence, sa perfection. En Jésus, il est mort à notre place. C’est pour cela que les chrétiens parlent du sacrifice de Jésus comme une substitution : quelqu’un qui remplace quelqu’un d’autre (ici qui meurt à la place de quelqu’un). Vous ne trouverez aucune autre religion qui présente un Dieu qui nous aime prenant sur lui la punition de nos fautes.

B. La grande substitution

Il est important de noter que Jésus n’a pas seulement souffert pour nous à la croix. Mais dans toute sa vie il a vécu la souffrance, comme nous. Il a vécu l’exil (en Egypte), le mépris et le rejet des autres, la trahison (par Judas et Pierre, deux des douze apôtres), la haine, le manque de gratitude, la solitude, la tentation, les menaces, la torture et la mort. Il n’ignore donc pas toutes les souffrances que nous vivons tous les jours. Il est plein de compassion envers nous comme il a aussi souffert. Keller résumé bien la chose :

Dieu, qui détient le pouvoir ultime, échange sa place avec les exclus, les pauvres et les opprimés. Les prophètes ont toujours chanté des cantiques où Dieu était présenté comme celui qui a « précipité les puissants de leurs trônes, et […] élevé les humbles » (Luc 1.52), mais ils n’auraient jamais pu imaginer que Dieu lui-même descendrait de son trône de gloire pour souffrir avec les opprimés afin que ceux-ci puissent être élevés.

La raison est pour Dieu, p. 229

Keller n’en parle pas, mais si Jésus a pu souffrir en tant qu’homme parmi les hommes, c’est parce qu’il a choisi de devenir homme, sans pour autant arrêter d’être Dieu. On appelle ça l’incarnation : le Fils, la deuxième personne de la Trinité qui est éternellement Dieu s’est incarnée, s’est faite homme. Et ça, il n’était absolument pas obligé de le faire. Mais il l’a quand même fait par amour !

Il faut rajouter que Jésus a aussi changé l’échelle des valeurs. D’habitude, c’est celui qui est le plus fort que l’on respecte le plus. Mais Jésus, lui, gagne en « perdant », il vainc la mort en mourant. C’est dans une grande faiblesse et l’humilité qu’il gagne contre le diable (Satan) et les forces du mal. Cet événement renverse notre manière habituelle de réfléchir, c’est en quelque sorte une « nouvelle culture » :

Dans cette nouvelle contreculture, les chrétiens voient l’argent comme un bien à distribuer. Ils considèrent que le pouvoir doit être strictement réservé au service. La supériorité raciale ou sociale, l’accumulation aux dépends d’autrui des richesses et du pouvoir, la soif de popularité et de reconnaissance, tous ces signes normaux de la vie humaine sont à l’opposé de l’état d’esprit de ceux qui ont compris la croix et en ont fait l’expérience. Le Christ crée un ordre entièrement nouveau. Ceux dont la vie a été remodelée par l’inversion des valeurs opérée à la croix n’ont plus besoin de trouver leur raison d’être dans l’argent, une position sociale, une carrière, l’orgueil d’appartenir à une ethnie ou à une classe. La croix crée ainsi une contreculture dans laquelle le sexe, l’argent et le pouvoir cessent de nous dominer mais sont utilisés pour donner la vie, construire une communauté et non pour amener la destruction. »

La raison est pour Dieu, p. 229-230

Pourquoi Jésus devait-il mourir (même si nous l’avons vu il aurait pu ne pas le faire et nous laisser en enfer) ? Pour partager notre souffrance et la conséquence la plus grave et malheureuse du péché : la mort.

C. L’histoire de la croix

Pour essayer de mieux nous faire comprendre la mort de Jésus ou au moins de mieux la retenir, Keller raconte plusieurs histoires.

  1. Tout d’abord, le sacrifice héroïque de Rocky Sullivan dans le vieux film Les anges aux figures sales. Rock Sullivan est un criminel très admiré par les jeunes, par sa grande influence, il les excite à suivre son mauvais exemple. Sauf qu’il est condamné à mort. Pour que ces gamins arrêtent de faire le mal, le prêtre Jerry supplie Rock peu avant son exécution de faire semblant de paniquer. Ainsi, ses fans seront dégoûtés et ne voudront plus suivre son exemple (mauvais). Au départ, il refuse car cela reviendrait pour lui à sacrifier sa dignité. Mais il finit par accepter, et peu avant son exécution, il se fait passer pour un lâche. En sacrifiant sa fierté, en s’humiliant, il a pu sauver de nombreux jeunes de la débauche.
  2. Ensuite, le sacrifice de Sidney pour son frère Charles dans le roman Le conte des deux villes écrit par Charles Dickens. Sidney prend l’initiative de se faire passer pour Charles en secret, qui doit bientôt être exécuté à cause de son statut d’aristocrate lors de la Révolution française. Son acte héroïque impressionne tellement une couturière elle aussi condamnée à mort, qu’elle trouve la paix et la sérénité.

Ces deux histoires sont bien évidemment touchantes. Mais l’Evangile, la bonne nouvelle concernant Jésus mort pour nous est encore meilleure. Les deux histoires précédentes (et toutes les autres du monde entier) peuvent nous interpeller mais ne pourront jamais changer les habitudes profondes inscrites dans nos cœurs (notre tendance naturelle à sans cesse faire le mal).

Au contraire, l’Evangile nous transforme. Nous ne sommes plus esclaves de l’égoïsme, de chercher à être reconnu et accepté par tout le monde. Que ce soit à travers des exploits sociaux (bonne carrière, bon diplôme, bon vie amoureuse) ou par un profil insta, tiktok ou facebook très connu. Nous sommes libres car nous sommes acceptés inconditionnellement par notre Créateur et nous trouvons toute notre valeur en lui. Rien ne peut nous remplir de peur et de crainte comme avant. L’Evangile est une histoire à laquelle nous pouvons participer et nous transforme !

Laurent Dv

Informaticien, époux et passionné par la théologie biblique (pour la beauté de l'histoire de la Bible), la philosophie analytique (pour son style rigoureux) et la philosophie thomiste (ou classique, plus généralement) pour ses riches apports en apologétique (théisme, Trinité, Incarnation...) et pour la vie de tous les jours (famille, travail, sexualité, politique...).

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