La Pâque comme festin — Jean Mestrezat
1 mai 2022

Jean Mestrezat (1592-1657), né dans une grande famille de Genève, est un des plus célèbres prédicateurs de la France de l’édit de Nantes. Étudiant puis professeur à l’académie de Saumur, il devient pasteur à Paris (et prêche à Charenton) après un stage sous la direction de Pierre du Moulin. Il a laissé de nombreux traités et sermons, ces derniers étant disponibles sur le site dvarim.fr1. Nous publions ici la suite et fin d’un sermon sur la Pâque chrétienne (lire la première partie ici).

Le sermon peut aussi être lu en version originale dans l’édition d’époque (facsimilé au format PDF, à télécharger ici ; la partie publiée ici commence p. 251, p. 18 du fichier PDF).


Alors il leur dit, j’ai grandement désiré manger cet agneau de Pâque avec vous avant que je souffre ; car je vous dis que je n’en mangerai plus jusqu’à ce qu’il soit accompli au royaume de Dieu.

Luc 22,15-16.

Deuxième point : la Pâque comme festin

Et voilà, mes frères, les divers degrés de l’accomplissement de la Pâque considérée en tant que passage : il nous faut maintenant la considérer en tant que banquet et festin. Et ici nous trouverons deux degrés de son accomplissement, à savoir l’un en cette vie par l’Évangile et le sacrement de la Sainte-Cène, et l’autre en la félicité du siècle à venir.

Premier degré : Le repas de la Pâque annonce la délivrance

Je dis en cette vie par l’Évangile, car tout manger corporel des cérémonies anciennes était figure d’un manger spirituel. Et de fait la manducation est une fonction de la vie animale pour la sustentation et récréation du corps, d’où résulte qu’il faut qu’à cette manducation réponde quelque action de la vie spirituelle pour la sustentation et la réjouissance de l’âme : car ici la chair ne sert de rien, c’est l’esprit qui vivifie2. Et le temps est venu où ce qui se faisait jadis charnellement doit se faire en esprit. Pourtant, mes frères, le premier degré de l’accomplissement du festin de la Pâque est que notre âme par la foi des promesses et consolations de l’Évangile se sustente3 de Dieu, c’est-à-dire des sentiments de son amour en Jésus-Christ : ici l’âme qui a faim et soif de justice, voyant Christ être l’agneau de Dieu qui ôte les péchés du monde, se rassasie de lui, trouvant en lui la rémission de ses péchés et sa réconciliation avec Dieu ; cet agneau sacrifié sur la croix, sa chair et son sang qui sont la rançon des péchés, sont notre restaurant et nos délices.

Vous voici donc, fidèles, déjà jouissant de la vérité de la Pâque en tant que festin ; et de fait, n’entendez-vous pas Jésus-Christ vous dire : bienheureux sont ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés4; si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et boive5; qui vient à moi n’aura point de faim, et qui croit en moi n’aura jamais soif6. Ouvre seulement ta bouche, pécheur, et ici elle sera remplie de nourriture, c’est-à-dire, ouvre ton cœur à Dieu par les soupirs de repentance, et regardant la croix de Jésus-Christ, tu y trouveras que son corps rompu est vraiment nourriture et son sang répandu vraiment breuvage7. Oui, vraiment nourriture et breuvage pour ton âme, et plus vraiment encore que le pain et le vin ne sont nourriture et breuvage à ton corps, vu que ces choses ne soutiennent que pour quelques heures ton corps, et ne sauraient finalement l’empêcher de mourir ; mais le corps de Jésus-Christ et son sang offerts à Dieu sur la croix, si tu y as ton refuge d’un cœur repentant, rempliront ton âme de consolation et de vie éternelle, selon que disait Jésus-Christ touchant la manne matérielle : Vos pères ont mangé la manne au désert et sont morts, c’est ici le pain descendu du ciel, afin que si quelqu’un en mange, il ne meure point ; qui croit en moi a la vie éternelle8.

Et nous pouvons vous faire voir la vérité de cette manducation, sa qualité et son excellence par les rayons de la Pâque ancienne, car on ne peut nier que, puisque la Pâque était un sacrement et un mystère de religion, elle était plus pour repaître l’esprit que le corps. Et pourtant, outre le manger de la bouche, il y avait quelque sainte et religieuse méditation par laquelle les âmes devaient être rassasiées en même temps que le corps prenait sa nourriture. Ce manger de l’âme était la méditation de la grâce et bonté de Dieu qui avait délivré leurs pères du glaive de l’ange destructeur en Égypte au moyen d’un agneau, et qui les avait amenés de la misère et la servitude de l’Égypte à la liberté et à la félicité de la terre de Canaan : et par cela leur âme savourait combien Dieu était bon, selon que disait jadis le Prophète : goûtez combien le Seigneur est bon9. Les herbes amères portaient en leur esprit l’amère servitude d’Égypte, et les douceurs de l’agneau la douceur des miséricordes de Dieu en leur délivrance.

La Cène commémore la délivrance

Or remarque, chrétien, que Jésus-Christ en substituant la Cène à la Pâque, ne fait que changer d’objet à ton âme : au lieu d’un agneau qui rappelait l’agneau occis en Égypte, il institue du pain et du vin pour commémoration de son corps et de son sang offerts à la croix, afin que maintenant tu viennes savourer tout autrement les bontés et les miséricordes de Dieu, en ce qu’il t’a délivré d’une mort éternelle par le sang de son propre Fils. Et c’est comme si Jésus-Christ eut dit à ses disciples : Voici un festin très au-dessus de celui de vos pères ; vos pères ont savouré la bonté de Dieu, en ce que Dieu les avait délivrés d’Égypte par un agneau, savourez-la désormais infiniment plus grande, en ce que c’est mon corps et mon sang qui est votre rédemption, et que par ma mort vous échappez à la vengeance éternelle de la justice de Dieu, et entrez dans la Canaan céleste. Chrétiens, je ne vous institue point un agneau, mais du pain rompu et du vin répandu, afin que vous ayez désormais devant vos yeux non pas l’agneau occis en Égypte, mais — chose infiniment meilleure — mon corps et mon sang offerts à la croix, et afin que vos âmes y aient un plein rassasiement, y trouvant le salut éternel par les richesses de la grâce et miséricorde de Dieu, qui est tout à fait inénarrable.

Voilà, mes frères, le premier degré de l’accomplissement de la Pâque considérée comme festin, à quoi nous rapportons tout ce que vous recevez de paix et de joie par l’Évangile, et d’avancement en sanctification, car le manger de l’âme n’est autre chose que ce qu’elle a de paix et de force spirituelle. Or en ce festin il ne faut pas que nous oublions de vous y faire remarquer le mystère des herbes amères : c’est que sans la préalable amertume du ressentiment de nos péchés et de notre misère, nous sommes incapables de savourer les douceurs de la grâce de Dieu en Jésus-Christ. Jésus-Christ n’offre de soulager sinon ceux qui sont travaillés et chargés10, et il dit : Bienheureux ceux qui pleurent, d’autant qu’ils seront consolés11.

Viens donc, pécheur, quiconque tu sois, qui es en amertume de cœur d’avoir péché contre Dieu ! Viens, c’est pour toi qu’est cet agneau ! Il est offert aux cœurs froissés et brisés, il est donné pour les vivifier.

Second degré : le banquet des noces de l’agneau

De ce festin spirituel de la Pâque chrétienne, nous passons à celui qui se fera au royaume de Dieu, où se tiendra l’entier accomplissement de la Pâque, et auquel Jésus-Christ regarde proprement en notre texte quand il dit qu’il ne mangera plus la Pâque avec ses disciples, jusqu’à ce qu’elle soit accomplie au royaume de Dieu ; car, parlant de manger, il regarde la Pâque comme un festin qui figurait le festin céleste, c’est-à-dire, les délices du royaume des cieux. Vous savez en effez que l’esprit de Dieu par les termes de délices terriennes et corporelles a l’habitude d’exprimer les délices spirituelles et célestes, quoique ces délices là surpassent tout entendement, c’est-à-dire, sont par-dessus tout ce que nous pensons, et par conséquent ne consistent point en boire et en manger ; car le manger et le boire du corps étant, commme nous l’avons dit ci-dessus, des fonctions de la vie animale, sont des actions trop basses et chétives pour les délices d’une vie angélique et divine. Et toutefois Jésus-Christ, pour s’accomoder à notre portée, en prend la comparaison, et ayant pris la coupe, dit : Je ne boirai plus de ce fruit de la vigne jusqu’à ce jour-là où je le boirai nouveau, avec vous, au royaume de mon Père12. Et dans ce même chapitre 22 de saint Luc, il dit à ses disciples : Je vous dispose le royaume comme mon Père me l’a disposé, afin que vous mangiez et buviez à ma table en mon royaume13. N’est-ce pas dans le même sens qu’il est dit en Matthieu 8,11 que plusieurs viendront d’Orient et d’Occident et seront assis à table au royaume des cieux avec Abraham, Isaac et Jacob14? Comme pour ce festin il est dit au chapitre 19 de l’Apocalypse que bienheureux sont ceux qui sont appelés au banquet des noces de l’agneau15. Remarquez le mot agneau, pour vous montrer un rapport à la Pâque. C’est à ce banquet céleste que regardait le Prophète au psaume 16, quand il parlait de rassasiement, disant : Ta face, Seigneur, est un rassasiement de joie, et il y a plaisir à être à ta droite à jamais16 ; et au psaume 65, Ô que bienheureux est celui que tu auras élu et que tu auras fait approcher afin qu’il habite en tes parvis ; nous serons rassasiés des biens de ta maison et du saint lieu de ton palais17, comme au psaume 36 : Nous serons rassasiés tant et plus de la graisse de ta maison, et tu nous abreuveras du fleuve de tes délices18. C’est en ce banquet, mes frères, que n’auront plus de lieu les herbes amères et qu’il n’y aura que douceurs.

Van Eyck, L’Adoration de l’agneau mystique, retable, 1426-1432 (cathédrale Saint-Bavon de Gand).

Toi donc qui envies les potées de viande de l’Égypte et la présente félicité des mondains qui remplissent leur ventre de biens, que ne regardes-tu à ce grand festin de la Pâque céleste qui t’est préparé, pour dire avec David (psaume 17), pendant que par ta pauvreté tu peux avoir faim et soif : Délivre-moi, Seigneur, des gens du monde dont la portion est en la vie présente, et tu remplis leur ventre de tes provisions, tellement que leurs enfants en ont leur saoul, et laissent le demeurant à leurs petits enfants ; mais moi, je verrai ta face en justice et serai rassasié de ta ressemblance quand je serai réveillé19. Et sur cette façon de parler employée par Jésus-Christ, qu’il mangera la Pâque avec ses disciples au royaume de Dieu, remarquez le style de l’Écriture contre les grossières et charnelles pensées de nos adversaires, au sujet de manger la chair de Jésus-Christ : car n’est-il pas vrai, je vous le demande, que Jésus-Christ mangera la Pâque au ciel ? Certes, cela est vrai, puisqu’il le dit ; mais cela n’est pourtant pas vrai à la lettre et charnellement, s’agissant d’un manger de l’âme et d’une nourriture ainsi nommée par comparaison. Et n’est-ce pas cette sorte de nourriture et de manducation que Jésus-Christ a enseignée au sujet de manger sa chair, quand il a dit en Jean 6 la chair ne profite de rien, c’est l’esprit qui vivifie, les paroles que je vous dis sont esprit et vie2? Les choses spirituelles et divines sont véritables ce que sont les terriennes et temporelles, quoiqu’elles ne le soient pas matériellement et corporellement. Par exemple, Jésus-Christ est appelé lumière20, et il l’est vraiment, et plus véritablement que celle du soleil, car le soleil n’éclaire que les corps, mais Jésus-Christ illumine les âmes. Et toutefois il n’est pas lumière corporelle à recevoir des yeux du corps. Jésus-Christ est notre fondement21, voire vrai fondement, et meilleur fondement que ne sont ceux des édifices terriens que l’injure du temps va consumant, car édifiés sur lui, les portes de l’enfer ne peuvent prévaloir contre nous22 ; et toutefois il n’est pas fondement à la lettre et matériellement. Ainsi Jésus-Christ, par son corps et son sang, est vraiment nourriture, et vraiment breuvage, mais il n’est pas pourtant nourriture et breuvage à la bouche et au gosier, mais à l’âme par la foi.

Dernières remarques

Et voilà, mes frères, les degrés de l’accomplissement de la Pâque. De là vous pouvez juger avec combien de raison Jésus-Christ dit qu’il avait eu grand désir de la manger avec ses disciples ; dans la langue originale, il y a j’ai désiré de désir manger cette Pâque avec vous23, c’est-à-dire, j’ai grandement désiré, comme nous disons aimer d’amour pour grandement aimer. Remarquez d’ailleurs que Jésus-Christ ne dit pas simplement qu’il a grandement désiré manger la Pâque, mais cette Pâque-là. J’ai grandement désiré de manger cette Pâque, ici ; Jésus-Christ avait autrefois célébré la Pâque, mais il parle de celle-ci qui, étant la dernière, serait son passage au Père. C’est que, comme la Pâque fut la sortie des enfants d’Israël hors d’Égypte pour passer en Canaan, cette Pâque devait être pour lui la fin de son séjour dans le monde, pour passer au Père.

Il faut aussi remarquer que Jésus-Christ dit : j’ai grandement désiré de manger cette Pâque avec vous, avant que je meure, faisant comme un père qui, sachant que la mort approche, désirerait voir sa famille assemblée autour de lui pour la dernière fois. Et de fait cette Pâque fut célébrée à la veille de sa Passion ; et ce que Jésus-Christ ajoute, car je n’en mangerai plus jusqu’à ce qu’elle soit accomplie au royaume de Dieu, montre qu’il contemplait en esprit le passage qu’il allait faire des travaux et misères du monde à la félicité du royaume des cieux.

Ajoutez que cette Pâque que Jésus-Christ désirait si ardemment célébrer devait être la dernière Pâque de l’Ancien Testament, aucune ne pouvant être légitime depuis la mort de Jésus-Christ, parce que la mort de Jésus-Christ qui était l’oblation du vrai agneau de Dieu mettait fin à tous les types et figures institués dans l’Ancien Testament. Aussi Jésus-Christ, à l’issue de cette Pâque et alors qu’ils étaient toujours à table, institua la Sainte-Cène, parce que la Pâque ne pouvait plus être justement célébrée. Et à la mort de Jésus-Christ, le voile du Temple qui représentait les cérémonies légales se rompit de haut en bas, pour montrer que les cérémonies légales étaient abolies. Ainsi Jésus-Christ, lors de cette dernière Pâque, signifiait le grand passage de l’Ancien Testament au Nouveau, des ombres et figures à la vérité, et d’un service charnel à un service simple et spirituel. Or toutes ces méditations étaient une consolation convenable à Jésus-Christ en cette dernière Pâque, à la veille de sa mort ; car s’il est dit qu’un ange vint le consoler24, n’était-ce pas une consolation pour lui que de contempler, en cet agneau qui était devant ses yeux, sa vocation à expier par son sacrifice les péchés du monde et à racheter les pécheurs du glaive de la vengeance de Dieu par ses souffrances, selon son immense charité et le bon plaisir du Père ? Oui, c’est ici qu’étaient les délices de Christ, et ses grands et ardents désirs, comme il disait ailleurs : ma nourriture est que je fasse la volonté de celui qui m’a envoyé25.

Venez maintenant, fidèles, profiter de ces grands et ardents désirs de Jésus-Christ ; voyons-y quels doivent être les nôtres. En général, apprenons que nos grands désirs ne doivent être que pour les choses du royaume de Dieu. Je dis nos grands désirs : Dieu nous permet d’avoir des désirs pour les choses de cette vie, mais nos grands désirs, il les demande pour lui, c’est-à-dire pour ce qui concerne son règne et sa justice. Mais nous faisons le contraire, nous avons nos grands désirs pour le monde, et pour les choses du ciel nos désirs sont petits et ont peu d’intensité26 ; à raison de quoi Jésus-Christ nous exhorte à chercher le royaume des cieux et sa justice par-dessus toutes choses, promettant que toutes autres choses y seront données en plus27.

Péroraison

Et particulièrement pour la fin de notre propos, nous avons à apprendre de ces grands désirs de Jésus-Christ avec quelle affection nous devons participer aux sacrements. Toi qui es si froid et si lâche lorsque tu participes au sacrement de la Sainte-Cène, viens réchauffer ton zèle dans ces grands désirs de Jésus-Christ. S’il y contemplait son offrande, et s’en réjouissait par sa charité envers nous, quoiqu’elle dût lui être si grave et douloureuse, avec combien plus de joie et de désir dois-tu la contempler, toi qui en reçois tout le bien et qui n’en souffres point ? Jésus-Christ s’est réjoui d’y voir la rédemption d’autrui ; toi, tu y vois la tienne propre. Si Jésus-Christ a savouré dans la Sainte-Cène les délices de la charité divine en l’offrande de son corps et de son sang, en rémission de nos péchés, et a rassasié son âme de cette méditation, toi, avec combien plus de liesse dois-tu vaquer à rassasier ton âme par la foi en ce corps et en ce sang offerts pour la rémission de tes péchés ? Ici, nous requérons toutefois de vous quelque goût d’herbes amères, car si Jésus-Christ au banquet de la Pâque a savouré les herbes amères des péchés que nous avions commis, et des peines qu’il avait à en souffrir, avec combien d’amertume devons-nous venir à ce banquet, par le sentiment de nos propres péchés et la contemplation de la malédiction que nous avions méritée ? De plus, mes frères, que le corps de Jésus-Christ ait dû être rompu pour nous, n’est-ce pas là sujet de rompre nos cœurs d’une sainte tristesse, afin qu’à l’instant nos os brisés se réjouissent par la contemplation des infinies compassions de Dieu, et que prenant la coupe de délivrance, nous remplissions nos âmes d’une sainte liesse, comme abreuvés du vin de Dieu ?

Arrière, pécheurs qui gardez en vos cœurs les désirs du vice et du péché ! Ces désirs sont incompatibles avec cet agneau, qui n’est que pureté. Arrière les désirs de vengeance, la haine et l’inimitié ! Ces désirs sont incompatibles avec cet agneau qui n’est que douceur et bonté. Le cœur de tigre ou de lion aurait-il part à cet agneau ? Arrière les désirs de l’avarice et de la rapine, et les manquements de charité et d’aumône ! Ces dispositions peuvent-elles s’accorder avec les désirs de Jésus-Christ d’offrir sa vie pour nous et de nous donner son corps et son sang ? Quelle part as-tu à cette Pâque, si tu refuses du pain et quelque soulagement à celui à qui Jésus-Christ n’a pas refusé sa vie propre ? Arrière d’ici, les désirs d’ambition et de vanité ! Peuvent-ils s’accorder avec l’humiliation de la croix de Jésus-Christ ? Arrière d’ici, les désirs de paillardise et de souillure de la chair, et de gourmandise et ivrognerie ! Car quelle ressemblance y a-t-il entre ces désirs et la pureté de cet agneau sans tache ? Aurais-tu quelques accès à lui avec un cœur et des désirs de pourceau ? Ô chrétien, si des désirs de telle sorte ont occupé ton cœur auparavant, quitte-les maintenant, et tu seras admis : car voici le banquet de la Pâque, c’est-à-dire du passage du péché à la justice, de la souillure à la sainteté, et de la mort à la vie. Passe donc par l’amour de la pureté et de la sainteté de Christ qui t’est ici proposée, à sa ressemblance. Si tu crois en lui, tu te plairas à passer à son image ; voilà ce que nous requérons de toi. Que tardes-tu, pourquoi désires-tu demeurer en Égypte et dans le péché, là où le glaive de l’ange destructeur est prêt à te frapper et à te détruire ? Viens donc et arrose ta conscience du sang de Jésus-Christ, par foi et par repentance, et Dieu verra par ces choses le sang de son agneau appliqué à ton âme ; et en le voyant, il t’exemptera de sa colère, comme jadis Dieu vit le linteau des portes des enfants d’Israël arrosé du sang de l’agneau, et à cause du sang les exempta du glaive de son ange. Bref, mes frères, prenons pour objet de nos désirs et notre grande joie cela même que Jésus-Christ prit en la célébration de la Pâque : que la méditation du royaume de Dieu et de notre passage au ciel surmonte en nos esprits tous les maux que nous pouvons être appelés à souffrir. Jésus-Christ, par cette Pâque, entrait dans ses souffrances, mais, parce qu’il contemplait qu’il passait de là à son Père et à la félicité céleste, sa joie surmontait la tristesse ; ainsi, mes frères, que la méditation de notre passage de ce monde au ciel nous fasse passer par-dessus les appréhensions et les craintes. Qu’elle nous remplisse de joie à l’entrée et au milieu de nos travaux, car cette vie n’est rien et n’est qu’un passage ; l’affliction légère ne fait que passer, dit l’Apôtre28, et le monde passe, dit saint Jean29. Qu’il nous suffise que nous allons au Père, au repos et à la joie du royaume des cieux. Veuille le Seigneur nous faire la grâce de passer ainsi à lui, commençant dès maintenant ce passage par le renoncement à nous-mêmes et à nos convoitises mondaines, afin que, de degré en degré, sa Pâque aille en s’accomplissant en nous, jusqu’à ce qu’en vienne la perfection et le souverain degré, en la paix et joie de son paradis céleste.

Ainsi soit-il.


Illustration de couverture : Lucas Cranach l’Ancien, Le Dernier Repas, retable, 1530 (église Sainte-Marie, Wittemberg).

  1. Avec l’accord du propriétaire de Dvarim, nous travaillons actuellement à l’intégration de ces ressources numériques au sein de Par la foi.[]
  2. Jean 6,63.[][]
  3. Est sustentée.[]
  4. Matthieu 5,6.[]
  5. Jean 7,37.[]
  6. Jean 6,35.[]
  7. Jean 6,55[]
  8. Jean 6,49.[]
  9. Psaume 34,8.[]
  10. Matthieu 11,28.[]
  11. Matthieu 5,4.[]
  12. Matthieu 26,29, plutôt que Luc 22,18 que Mestrezat croit ici citer.[]
  13. Luc 22,29.[]
  14. Matthieu 8,11.[]
  15. Apocalypse 19,9.[]
  16. Psaume 16,11.[]
  17. Psaume 65,4.[]
  18. Psaume 36,8 ; Mestrezat réécrit le verset à la première personne.[]
  19. Psaume 17,14-15.[]
  20. Jean 1,4 sq.[]
  21. 1 Corinthiens 3,11.[]
  22. Matthieu 16,18.[]
  23. Ἐπιθυμίᾳ ἐπεθύμησα, Luc 22,15.[]
  24. Luc 22,43.[]
  25. Jean 4,34.[]
  26. De violence.[]
  27. Matthieu 6,33.[]
  28. 2 Corinthiens 4,17.[]
  29. 1 Jean 2,17.[]

Arthur Laisis

Linguiste, professeur de lettres, étudiant en théologie à la faculté Jean Calvin et lecteur dans les Églises réformées évangéliques de Lituanie. Principaux centres d'intérêts : ecclésiologie, christologie, histoire de la Réforme en Europe continentale. Responsable de la relecture des articles du site.

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