De l’image de Dieu — Turretin (5.10)
17 avril 2024

En quoi consiste l’image de Dieu dans laquelle l’homme fut créé ?

La question n’est pas polémique ici, il s’agit d’un petit traité sur l’imago Dei telle que l’enseigne le protestantisme scolastique du XVIIe siècle.

Généralités (§§ 1-3)

On notera d’abord qu’il y a quatre « images de Dieu » possible dans les Écritures :

  • Le fils de Dieu lui-même, Colossiens 1,15 : Le Fils est l’image du Dieu invisible, le premier-né de toute la création. Il s’agit de l’image essentielle de Dieu, parfaitement égale et identique à Dieu. L’archétype de Dieu, et toutes les autres qui suivent ne sont que des ectypes, c’est à dire une chose faite à la ressemblance, tout comme une photo en 10 x 15 cm est dite être à l’image d’un humain de 1 m 80.
  • Adam quand il fut créé à l’image de Dieu, celle dont on traite le plus souvent. Turretin précise que c’est l’image accidentelle et analogique de Dieu, avec une similitude inadéquate et imparfaite. Encore une fois, songez à la photo, petit carré de papier qui ne ressemble pas à proprement parler à son modèle, tout en le représentant.
  • L’image de Dieu que nous portons après notre régénération. Colossiens 3,10 : l’homme nouveau, qui se renouvelle, dans la connaissance, selon l’image de celui qui l’a créé. Il s’agit de l’image spirituelle, c’est à dire des dons surnaturels reçus.
  • L’homme (masculin) en opposition avec la femme image de l’homme. 1 Corinthiens 11,7 : L’homme ne doit pas se couvrir la tête, puisqu’il est l’image et la gloire de Dieu, tandis que la femme est la gloire de l’homme. Ici, Turretin précise qu’il s’agit de l’image d’autorité. Si l’homme est plus à l’image de Dieu que la femme, ce n’est pas à cause d’une différence de nature, mais parce que sa fonction de chef de famille le rend un petit peu plus semblable à Dieu.

Négations (§§ 4-5)

L’image de Dieu n’est pas :

  • Une participation à l’essence divine (ce que prétendent les orthodoxes). Notre nature toute entière n’est pas un morceau de celle de Dieu. Nous l’affirmons à partir de Colossiens 1,15, déjà cité, où Jésus-Christ est le seul être étant à l’image essentielle de Dieu. Donc c’est que notre essence n’est pas à l’image de Dieu.

Objection : il est écrit en 2 Pierre : 1,4 afin que par [les promesses de Dieu] vous deveniez participants de la nature divine.
Il ne s’agit pas d’une participation essentielle, formelle et intrinsèque comme si notre nature fusionnait avec Dieu, mais d’une participation analogique, accidentelle, et extrinsèque dans le sens où nous sommes façonnés à l’image de Dieu par les dons surnaturels de l’esprit de Dieu.

  • La figure de notre corps, comme si Dieu avait un corps humain. Non parce que notre corps n’a aucune gloire ou aucune participation à l’œuvre divine ; mais le siège de l’image de Dieu est dans notre âme, puisque c’est elle qui contemple et connaît Dieu.

Thèses positives (§§ 6-23)

L’image de Dieu consiste dans des dons naturels faits à l’homme à sa création :

  • L’homme a reçu l’image de Dieu dans sa substance : il est spirituel et immortel, comme son origine ; c’est l’antécédent.
  • L’homme a reçu l’image de Dieu, dans le sens où il est juste ; c’est la forme de cette image.
  • L’homme a reçu l’image de Dieu dans le sens où il domine sur les créatures ; c’est la conséquence de cette image.

Dans la substance immortelle et spirituelle de notre être

L’homme est immortel et spirituel, tout comme Dieu est immortel et spirituel. Dans cette constitution est incluse aussi l’intellect et la volonté, les éléments du libre-arbitre. Turretin fonde cette nature spirituelle de l’image de Dieu dans l’Écriture :

  • Jacques 3,9 : Par elle nous bénissons le Seigneur notre Père, et par elle nous maudissons les hommes faits à l’image de Dieu. Si même après la Chute, et en ayant perdu la justice, nous sommes toujours faits à l’image de Dieu, c’est que cette image est dans la nature même de l’homme.
  • Genèse 9,6 : Si quelqu’un verse le sang de l’homme, par l’homme son sang sera versé; car Dieu a fait l’homme à son image. Détruire la nature de l’homme est détruire l’image de Dieu, c’est donc que les deux sont équivalents.
  • Le fait que les Écritures mentionnent plus souvent la justice et la sainteté comme étant l’image de Dieu n’exclut pas ces éléments « antécédents ».

Dans la justice originelle, perdue en Adam. (§§ 8-21)

Adam fut créé moralement intègre et droit, plus que nous ne l’avons jamais été depuis. Sage quant à son intellect, saint quant à sa volonté, et droit et bien disposé dans ses affections. C’est cela qui était l’image de Dieu à proprement parler, et nous assurait un parfait libre-arbitre. C’est cela que nous avons perdu et n’avons plus.

Socin niait que nous fussions créés dans un état de justice originelle. Ils ne niaient pas qu’Adam fût juste, mais affirmait que ce n’était pas un don de Dieu. La justice d’Adam n’était qu’une simple disposition humaine. Il défendait que l’image de Dieu ne consistait que dans la domination de l’homme sur les créatures. Aujourd’hui, la même position est défendue par les évolutionnistes théistes, comme par exemple J. Richard Middleton1, auteur de The Liberating Image. L’intérêt pour les évolutionnistes théistes, c’est de pouvoir dire que Adam n’était pas historique, parce que l’image de Dieu peut très bien être attribuée à un animal élu par Dieu, vu qu’elle n’est qu’une mission ou une fonction.

Voici comment Turretin les réfute. Tout d’abord, les Écritures affirment que l’homme fut créé droit dès l’origine : ce n’est pas un développement accidentel d’Adam, mais une disposition créée par Dieu.

  • Genèse 1,31 : Dieu vit tout ce qu’il avait fait et voici, cela était très bon.
    Objection : Le mot bon (טוֹב ṭov) ne désigne qu’une disposition à la bonté d’une chose, pas le fait qu’elle est parfaite.
    Cela n’est pas dit en général, mais de chaque chose concrète qu’il a faite. Ainsi les choses brutes sont bonnes comme peuvent l’être des choses brutes. Mais pour ce qui concerne l’homme, créature morale et spirituelle, s’il est bon, c’est que sa moralité et sa spiritualité sont bonnes, et donc correctement orientées vers Dieu dès la création.
  • Ecclésiaste 7,29 : Dieu a fait les hommes droits ; mais ils ont cherché beaucoup de détours.
    Objection Le mot droit [יָשָׁר yashar] désigne une simple absence d’injustice, pas que l’homme a été créé positivement juste.
    En sens inverse, il affirme bien que l’homme a été créé juste, et c’est pour cela que les traducteurs de la Septante ont traduit ce mot par des termes désignant cette justice et perfection morale, comme δίκαιος (juste), καθαρός (pur), καλός (beau) et ἀγαθός (bon).

Deuxième argument, un syllogisme :

  • L’image qui est restaurée par l’Esprit par la grâce, et sera perfectionnée dans la gloire, est nécessairement cette image de nature que nous avons perdue, puisque notre régénération se fait à l’image de celui qui nous as créé (Colossiens 3,10).
  • Or, ce qui est régénéré en nous, c’est l’illumination de notre esprit et la sainteté de notre volonté. Cf. Romains 12,2 ; Colossiens 3,10 et Éphésiens 4,24.
  • Donc, c’est que l’image de Dieu originelle est la justice « originelle ».

Troisième argument : L’homme fut créé parfait, et la perfection d’une âme rationnelle est la sainteté. Donc il fut créé en état de justice et sainteté.

Quatrième argument : Il était demandé à l’homme au commencement d’honorer Dieu et exercer la domination sur les créatures. Or, il faut une justice originelle pour ce faire.

Il aborde ensuite les objections de Socin, mais je me contenterai de relever l’objection commune à Socin et Middleton, que j’ai personnellement lu : Genèse 1,26 affirme en effet que l’objet de l’image de Dieu est la domination sur les créatures, mais en quoi cela exclut-il la justice originelle ? Au contraire, pour dominer sur les créatures, l’homme doit être originellement juste, puisque l’exercice de cette domination requiert de la sagesse, des affections bien ordonnées et une sainteté de notre volonté, soit la justice originelle.

Voici qui clôt la question dans la question.

La domination sur les autres créatures (§§ 22-23)

Et enfin, la conséquence de notre image de Dieu : la domination (Genèse 1,26) et l’immortalité, qui ont été endommagées par la Chute. Turretin donne cette définition de la domination :

La domination est le pouvoir qui lui a été donné par Dieu en tant que chef sur toutes les créatures inférieures, par lequel il a le droit d’en user à volonté. Toutes sont astreintes à le servir comme leur maître et il doit les administrer pour son utilité, qui est une émanation de l’image divine et une impression de la dominance suprême du Créateur, dont la prééminence est en quelque sorte communiquée à l’homme.

5.10.22.

Elle est propre de façon commune à l’homme et à la femme, mais elle est encore plus propre à l’homme qu’à la femme (1 Corinthiens 11,7).

  1. Professeur de vision du monde biblique et d’exégèse au Northeastern Seminary.[]

Étienne Omnès

Mari, père, appartient à Christ. Les marques de mon salut sont ma confession de foi et les sacrements que je reçois.

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *