Cet article est le trente-et-unième d’une série consacrée à la logique classique (ou aristotélicienne, c’est-à-dire développée par Aristote). Dans le trentième, j’ai présenté les différentes choses impossibles à définir. Dans cet article, j‘explique la différence entre jugement, proposition et phrase (semblable à celle entre concept, terme et mot). Si vous avez du mal à la comprendre, ne vous inquiétez pas, cette précision technique n’est pas très importante (et donc cet article non plus). Comme d’habitude, je reprendrai énormément le contenu du livre Socratic Logic de Peter Kreeft (page 138 à 139) et aussi celui de cet article.
I. Les Jugements
Le jugement est une action de notre esprit qui consiste à affirmer ou nier quelque chose de quelque chose (ex : j’effectue un jugement quand je pense à cette affirmation dans ma « tête », « Laurent est chinois »). En gros, à dire que quelque chose est quelque chose, ou quelque chose n’est pas quelque chose.
Cet acte a lieu dans notre esprit (et non pas dans la réalité extérieure, dans la nature), d’où son nom de deuxième opération de l’intelligence (humaine). Dans ce sens là, il est « privé » : si je ne dis rien ou ne laisse passer aucun signe qui me trahit, personne ne peut savoir ce à quoi je pense. Il a sa place en épistémologie (la discipline de la philosophie qui étudie la connaissance).
II. Les Propositions
La proposition, c’est le produit (résultat) du jugement : c’est dire « X est1 Y » ou « X n’est pas Y » où X est un sujet et Y le prédicat (une qualité). Par exemple, notre esprit produit la proposition « Laurent est chinois » où « Laurent » est le sujet et « chinois » le prédicat quand nous affirmons que Laurent est chinois. Plus intuitivement, une proposition est le sens commun aux phrases (déclaratives) de toutes les langues différentes qui affirment ou nient la même chose. Dit autrement, plusieurs phrases en plusieurs langues qui ont le même sens expriment une seule et unique proposition.
Par exemple, les phrases Laurent est chinois (en français), Laurent is Chinese (en anglais), Laurent ist chinesisch (en allemand) et « Laurent 是中國人 » (en chinois) sont une seule proposition mais sous différentes formes (langues). Contrairement aux jugements, les propositions sont publiques : ce sont des déclarations des jugements réalisées dans notre esprit.
III. Les phrases
Comme dit précédemment, les phrases (déclaratives2) sont les différentes formes que peut prendre une proposition. Une phrase est donc une expression linguistique d’une proposition (qui elle est une expression logique). Chaque proposition peut être exprimée par plusieurs phrases. Par exemple, le proposition associée (et qui découle du) au jugement « Laurent est chinois » s’exprime par les phrases Laurent est chinois en français, Laurent is Chinese en anglais, « Laurent 是中國人 » en chinois ou Laurent ist chinesisch en allemand. Évidemment, les phrases varient en fonction des langues.
Contrairement aux propositions qu’elles expriment, elles sont artificielles, conventionnelles, muables et des réalités sensibles et physiques. Tout comme les propositions qu’elles expriment, elles sont publiques : audibles ou lisibles par n’importe qui (et non pas inaccessibles comme les jugements, connus seulement de la personne qui les réalise).
Réalités sensibles parce qu’accessibles à nos oreilles (quand on entend une phrase), par nos yeux (quand nous lisons les phrases) ou par le toucher (quand les aveugles touchent une écriture en braille). Réalités physiques car si j’écris une phrase, elle est bien physique comme elle se trouve sur une feuille, elle prend de la place sur un support physique et elle est composée d’atomes (les atomes de l’encre du stylo ou du crayon à papier). Mais même si je la prononce à l’oral, elle est encore une réalité physique : c’est une suite d’ondes physiques qui se répandent dans l’air.
Dans la suite de cette série d’articles, j’utiliserai « proposition » et « phrase » comme des synonymes. En effet, cette distinction ne me paraît pas importante pour notre but3: apprendre à raisonner dans la vie de tous les jours. Les distinctions qu’il faut retenir par contre, ce sont celles entre les trois opérations de l’intelligence : l’appréhension/conception, le jugement et le raisonnement et celles entre leurs produits : les concepts, les propositions et les arguments.
Résumé
- Ce qui importe, c’est qu’on a le verbe être qui attribue une qualité à un sujet, peu importe la langue. Je n’ai pas mis un signe égal « = » à la place de « est » parce que = implique une équivalence, si X = Y alors Y = X. Ce qui ne convient pas à notre cas donné plus bas où Laurent (X) est bien chinois (Y) mais chinois (Y) n’est pas Laurent (X).[↩]
- Je précise déclaratives étant donné que toutes les phrases ne sont pas des propositions. Par exemple, les phrases interrogatives comme « Où est Laurent ? » et exclamatives comme « Donne-moi mon verre » ne sont ps des propositions.[↩]
- Par contre, cette distinction semble vitale en linguistique et en épistémologie par exemple.[↩]
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