Le danger des richesses terrestres (1/3)
14 août 2022

Voici la première de trois nouvelles méditations sur l’épître de Jacques. Ces méditations suivront le plan suivant :

1/3 : Avertissements bibliques quant aux richesses terrestres

2/3 : Le pauvre et le riche face aux richesses terrestres

3/3 : Le pauvre et le riche face à l’Évangile


Avertissements bibliques quant aux richesses terrestres

Ces méditations porteront sur la péricope suivante :

Que le frère de condition humble se glorifie de son élévation. Que le riche, au contraire, se glorifie de son humiliation ; car il passera comme la fleur de l’herbe. Le soleil s’est levé avec sa chaleur ardente, il a desséché l’herbe, sa fleur est tombée, et la beauté de son aspect a disparu : ainsi le riche se flétrira dans ses entreprises.

Jacques 1,9-11

Pour rappel, dans nos précédentes méditations (ici et ), nous avons abordé le sujet des épreuves de la vie chrétienne, celui de la prière efficace, et cette fois-ci, dans les versets 9 à 11, nous allons parler d’un sujet très souvent abordé dans les Écritures et souvent tabou pour les Français : nous allons parler d’argent, et plus globalement, des richesses que nous pouvons accumuler dans cette vie sur terre.

Comment considérer ces richesses en tant que chrétien ? Comment parvenir à se satisfaire du peu et rester humble en possédant beaucoup ? Peut-on être riche et chrétien, ou bien les richesses sont-elles intrinsèquement mauvaises à tel point qu’être riche est mal aux yeux de Dieu ? À l’inverse, la pauvreté serait-elle une vertu chrétienne et le pauvre serait-il considéré supérieur au riche par Dieu ?

Toutes ces questions nous les aborderons dans ces trois articles, mais la question principale que nous allons nous poser face à ces versets est la suivante : En tant que chrétien, riche ou pauvre, comment préserver notre âme face aux richesses de ce monde ? L’enjeu de cette exhortation que Jacques nous adresse va bien plus loin que de dire “ne te plains pas d’être pauvre et ne te vante pas d’être riche”. L’enjeu ici est profondément spirituel, c’est notre âme qui est concernée par cette exhortation, c’est notre salut qui est en jeu, comme nous le verrons.

Le danger du Cœur partagé entre le monde et Dieu

Il n’aura échappé à aucun de ceux qui ont lu Jacques ne serait-ce qu’une fois qu’il n’a pas pour habitude de s’embarrasser avec de belles transitions entre les différents thèmes qu’il aborde. En l’occurrence, nous passons directement du thème de la prière au verset 8 à celui des richesses au verset 9. Toutefois, je pense que sans faire dire au texte ce qu’il ne dit pas, nous pouvons voir un lien entre les trois premiers thèmes abordés par Jacques.

Le chrétien ne peut persévérer dans l’épreuve s’il ne prie pas avec un cœur sincère et confiant en Dieu : c’est la transition que nous avions faite entre les versets 4 et 5 ; et la transition que nous pouvons faire ici entre les versets 8 et 9, c’est que le chrétien ne peut garder son âme face au manque ou à l’abondance de richesses s’il n’a pas ce cœur sincèrement confiant et entièrement attaché à Dieu. Ce même cœur nécessaire pour prier avec foi est nécessaire pour préserver notre âme face aux richesses terrestres.

Je le redis, l’enjeu de l’exhortation de Jacques ici, c’est le salut et la bonne santé de notre âme. Et la source d’une mauvaise conception et attitude face aux richesses, comme bien souvent, c’est un cœur hypocrite, un cœur partagé entre le monde et Dieu.

En effet L’homme dont le cœur est partagé, ou l’homme au cœur double dont il est question au verset 8 est exactement celui qui est concerné par cette exhortation sur les richesses. Un tel homme est sans cesse tiraillé entre les cieux et le monde. Il ne sait pas dans quelle direction marcher, il ne sait pas vraiment ce qu’il veut. Son cœur est double, car un jour il désire les choses du monde, l’admiration des hommes, l’argent, la gloire, la prospérité à tout prix, et le lendemain, il se consacre à nouveau à Dieu et marche dans la sainteté pendant quelques jours ou quelques semaines avant de rebasculer de l’autre côté.

Pourquoi cela ? Et bien parce que les affections de son cœur sont partagées entre Dieu et le monde, car sa prospérité ici-bas compte bien trop souvent plus à ses yeux que la prospérité éternelle de son âme. C’est dans un tel cœur partagé entre les cieux et le monde que les tentations liées à l’argent prennent racine.

Mise en garde contre l’argent dans les Écritures

L’argent est un thème récurrent dans les Écritures. Jésus a beaucoup enseigné sur ce sujet lors de son ministère terrestre, notamment pour nous mettre en garde contre les risques que les richesses comportent pour notre âme. On peut penser à cette discussion bien connue avec le jeune homme riche dont le cœur était devenu tellement attaché à ses nombreux biens qu’il ne pouvait plus les abandonner pour suivre Jésus. C’est face à la réaction de cet homme que Jésus enseigna à ses disciples la chose suivante :  Je vous le dis en vérité, un riche entrera difficilement dans le royaume des cieux. Je vous le dis encore, il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu.

Si Jésus-Christ a autant parlé d’argent, ce n’est pas parce qu’il était un communiste convaincu qui luttait contre le grand capitalisme, mais plutôt parce que personne ne savait aussi bien que lui à quel point l’argent est un révélateur de notre état de santé spirituelle. Un des passages les plus explicites de la Parole à ce sujet se trouve dans le fameux sermon sur la Montagne. Nous connaissons presque tous, j’en suis sûr, les béatitudes qui ouvrent ce sermon qui en réalité est très long, et dans lequel Jésus parle à plusieurs reprises des richesses de ce monde, et le passage qui nous intéresse en particulier se trouve en Matthieu 6 à partir du verset 19 :

Ne vous amassez pas des trésors sur la terre, où la teigne et la rouille détruisent, et où les voleurs percent et dérobent; mais amassez-vous des trésors dans le ciel, où la teigne et la rouille ne détruisent point, et où les voleurs ne percent ni ne dérobent. Car là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur. […] Nul ne peut servir deux maîtres. Car, ou il haïra l’un, et aimera l’autre; ou il s’attachera à l’un, et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon.

Comprenez-vous l’enjeu que Christ présente ici ? Il commence par faire appel à notre raison, en nous rappelant que ce monde passera, que tout ce que nous y auront accumulé sera détruit avec lui, et qu’il est donc beaucoup plus logique, intelligent, raisonnable, d’accumuler des richesses dans les cieux qui eux sont éternels.

Mais il n’est pas uniquement question de la destruction des richesses. Jésus Christ va beaucoup plus loin lorsqu’il fait le lien entre notre trésor et notre cœur. Car ce qu’il dit ici, c’est que la destinée de notre âme est indubitablement liée à celle de notre trésor, de ce à quoi nous sommes le plus attaché, de l’objet de nos affections les plus profondes. Si votre cœur est attaché aux richesses de ce monde, vous serez détruits avec elles lorsqu’elles-mêmes disparaîtront avec cette terre. Si au contraire votre cœur est attaché au plus grand trésor qui soit, Jésus-Christ, alors vous vivrez éternellement dans les nouveaux cieux et la nouvelle terre.

Le problème n’est pas la richesse en soit, puisque Jésus-Christ lui-même nous encourage à amasser des trésors. Le problème n’est pas même d’avoir beaucoup de trésors ici-bas, mais le problème survient lorsque ces trésors deviennent plus chers à nos cœurs que Jésus-Christ et l’héritage qu’il nous réserve dans les cieux.

Si le trésor de notre cœur est voué à la destruction, alors nous le sommes aussi. C’est pourquoi examiner ce à quoi nous sommes le plus attachés est un très bon indicateur pour savoir si nous marchons plutôt vers la vie éternelle ou plutôt vers la destruction éternelle. À nouveau, l’enjeu de cette mise en garde est spirituel et éternel.

Si le trésor de notre cœur est voué à la destruction, alors nous le sommes aussi.

Mammon

Jésus-Christ conclu cette partie du sermon en disant : Nul ne peut servir deux maîtres, vous ne pouvez servir Dieu et Mammon. L’argent en soit n’est pas mauvais, ce n’est après tout que du métal, du papier, ou même des valeurs numériques de nos jours. Mais Satan a une telle capacité à nous corrompre avec les promesses de l’argent que le Christ dans ses enseignements a personnifié l’argent sous les traits de Mammon. Si nous n’y prenons pas garde, nous pouvons tomber sous l’influence de cette idole, nous pouvons nous soumettre à Mammon plutôt qu’à Dieu. Mammon est un faux dieu extrêmement puissant, totalement opposé à Dieu, et aucun compromis n’est envisageable entre lui et l’Éternel, nous devons choisir entre servir et aimer Dieu, ou Mammon. Bien entendu, un seul chemin mène à la vie éternelle, l’autre mène à la destruction éternelle.

Cela est tellement important que Dieu, pour que n’oublions pas ce grand danger, a inscrit pour nous dans sa Parole un bien triste exemple de ce que produit ce cœur partagé au sein de l’Église. Vous pouvez lire, en Actes 5,1-11, le récit d’Ananias et de Saphira, qui cherchèrent à duper Dieu en mentant au Saint-Esprit, en voulant à la fois garder l’argent pour eux et se faire voir comme de généreux donateurs en exagérant le montant de leur offrande. Ce qui leur fut reproché ici, ce n’est pas de vouloir garder de l’argent pour eux, mais c’est la duplicité de cœur dont ils ont fait preuve devant Dieu et son Église, le fait d’avoir voulu servir Dieu et Mammon. Finalement, car cela est impossible, ils n’ont servi que Mammon et ils en sont morts.

Voici donc le cœur du problème : à qui avons-nous réellement fait allégeance ? Qui est le vrai maître de notre vie, celui qui règne et domine véritablement dans notre cœur ? À qui nos affections sont-elles réservées ? Dieu, ou Mammon ?

Mammon devient une idole pour nous lorsque nous ne considérons plus l’argent comme un outil au service du royaume de Dieu, mais comme une valeur en soit, lorsque cet argent, ou ce que nous pouvons acquérir grâce à lui, prend la place de ce que nous recevons de Dieu. Voici quelques exemples dont cette idolâtrie peut se manifester dans nos vies :

  • L’assurance et la sécurité. Le verset 7 du psaume 52 nous dit Voilà l’homme qui ne prenait point Dieu pour protecteur, mais qui se confiait en ses grandes richesses. Sommes-nous cet homme là ? Sur mon assurance du lendemain se base ultimement ? sur l’épaisseur de mon compte en banque ou bien sur le Dieu fidèle qui ne déçoit jamais ?
  • La reconnaissance personnelle. Ai-je besoin de posséder tel vêtement, telle voiture, telle maison pour me sentir bien dans ma peau et aux yeux des hommes, ou bien ma place d’enfant aimé de Dieu me suffit et me comble ? Si nous nous inquiétons du regard des hommes, selon leurs critères, et que nous basons notre valeur sur notre niveau de prospérité, cela est mauvais signe.
  • L’autonomie vis à vis de Dieu. Est-ce que je considère mon argent comme ma possession sur laquelle Dieu n’a pas droit de regard ? Ou bien est-ce que je le considère plutôt comme un prêt généreux de sa part, que je dois administrer fidèlement pour la promotion de son Royaume ?

Être riche n’est pas mauvais en soi, car n’oublions pas qu’il n’y a pas plus riche que Dieu, et qu’il nous encourage à nous enrichir, mais avec des richesses célestes et éternelles. Le problème ce n’est pas la richesse en soit, qui nous est présentée dans la Parole tantôt comme une pierre d’achoppement pour l’âme, tantôt comme une grande bénédiction de la part de Dieu. La question est de savoir de quel type de richesses parlons-nous, et quel attachement nous avons pour elles. Et si le riche peut être tout autant, voir plus saint que le pauvre, à l’image de Job, nous sommes obligés de reconnaître qu’à cause de la faiblesse de notre chair, plus de richesses ici-bas équivaut à plus de sources de tentation de tomber dans les péchés que nous avons cité plus haut. Ces richesses sont comme un énorme aimant qui nous attire vers la terre plutôt que vers les cieux. Plus nous en possédons, plus il est probable que nous nous y attachions, et que nous finissions par nous confier davantage en elles qu’en Dieu. Elles ne peuvent que nous donner une impression momentanée de sécurité, de pouvoir et de contrôle. Donc ce danger est réel et l’enjeu est grand encore une fois, car il s’agit du salut de notre âme, pour qui Mammon, le dieu de l’argent, représente une très grande menace.

Nous venons de considérer deux choses fondamentales pour la suite de notre étude. La première c’est que la source du problème de l’être humain face aux richesses terrestres, quel que soit son niveau de prospérité, c’est le manque de dévotion sincère et d’attachement total envers Dieu. C’est d’abord et avant tout un problème de soumission et d’affection envers Dieu. Le deuxième point fondamental, c’est la très grande menace que Mammon représente pour notre âme, menace à laquelle le chrétien au cœur partagé est très vulnérable, car c’est lui que Mammon vient détourner et éloigner toujours plus de Dieu, en l’entraînant dans ce cercle vicieux.

Maintenant que la nature de cette menace est plus claire pour nous, nous verrons dans les prochains articles à quels défis font respectivement face le pauvre et le riche pour la préservation de leur âme face au manque ou à l’abondance de richesses, avant de considérer la solution que l’Évangile représente pour eux deux.


Illustration : Ferdinand Bol, Cyrus rend le trésor qui avait été volé du temple de Jérusalem, huile sur toile, 1655-1669 (Amsterdam, Rijksmuseum).

Nathanaël Fis

Nathanaël est ancien en formation à l'Eglise Bonne Nouvelle à Paris. Il est l'heureux époux de Nadia et père de Louis. Il étudie la théologie à Thirdmill Institute ainsi qu'au Birmingham Theological Seminary.

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