Apprendre à raisonner (55) : Des schémas pour représenter les arguments
17 février 2023

Cet article est le cinquante-cinquième d’une série consacrée à la logique classique (ou aristotélicienne, c’est-à-dire développée par Aristote). Dans le cinquantequatrième, j’ai présenté plusieurs manières de classer les arguments. Dans cet article, j’expliquerai comment représenter les arguments avec des schéma intuitifs. Comme d’habitude, je reprendrai énormément le contenu du livre Socratic Logic de Peter Kreeft, pp. 206-210.


Les schémas pour les arguments linéaires

Un exemple simple

Considérons l’argument suivant : « Tous les hommes sont mortels, or Socrate est un homme, donc Socrate est mortel. » On a alors ce schéma :

Exemple d’un schéma d’un argument linéaire simple (avec une seule étape).

Il a la forme d’un arbre généalogique où :

  1. Les prémisses (« Tous les hommes sont mortels » et « Socrate est un homme ») sont les parents.
  2. La conclusion (« Socrate est mortel ») est l’enfant.

Le fait qu’il n’y ait qu’une seule et unique flèche qui provient des deux prémisses montrent que ce n’est que prises ensemble qu’elles donnent cette conclusion. Si par exemple on avait seulement pris la première (« Tous les hommes sont mortels »), on n’aurait pas pu avoir la conclusion (« Socrate est mortel »).

Un exemple complexe

Pour les arguments linéaires plus complexes en plusieurs étapes, il suffit de répéter le même principe plusieurs fois. Prenons comme exemple cet argument : « Tous les chiens savent nager. Les chihuahuas sont des chiens. Donc les chihuahuas savent nager. Tout être vivant qui sait nager peut survivre dans l’eau. Donc les chihuahuas peuvent survivre dans l’eau. » On obtient ce schéma :

Exemple d’un schéma d’un argument linéaire complexe (avec plusieurs étapes).

On a toujours un arbre généalogique mais à la différence que celui-ci comporte maintenant plusieurs générations au lieu d’une dans le cas précédent. Une première génération où la conclusion « Les chihuahuas savent nager. » est le fils et une seconde où « Les chihuahuas peuvent survivre dans l’eau. » est le fils.

Les schéma pour les arguments cumulatifs

Prenons l’argument suivant : « Il est évident que Laurent aime manger du riz. En effet, non seulement il est chinois, mais sa mère lui en fait très souvent depuis qu’il est tout petit, et en plus il trouve que c’est très facile à faire. » Il va être représenté de cette façon :

Exemple d’un schéma d’un argument cumulatif

À la différence des schémas des arguments linéaires, on a maintenant plusieurs flèches différentes (et non plus une seul et unique flèche) qui sortent chacune d’un rectangle différent jusqu’à la conclusion. On n’a plus de « mariage entre parents, père et mère » comme avant mais plusieurs chemins différents et indépendants (les prémisses/arguments derrière) pour arriver à la même destination (la conclusion) Cela montre en fait qu’on utilise maintenant trois prémisses différentes et indépendantes pour prouver la même conclusion.

Bien sûr, il faudra des arguments pour justifier chacune d’entre elles : mais ils seront eux aussi indépendants les uns des autres. Si par exemple on apprend que la prémisse « Laurent est chinois » est fausse, alors ce n’est pas grave. On pourra employer l’une des deux prémisses qui restent, par exemple « sa mère lui en fait souvent » pour justifier la conclusion.

Les schéma pour des arguments plus complexes

On peut bien évidemment combiner les schémas qu’on vient de voir pour représenter des arguments qui contiennent à la fois des arguments linéaires et des arguments cumulatifs. Par exemple, si l’on considère l’argument1 « Les animaux sont malins parce que par exemple certains singes le sont. En effet, ils sont capables d’élaborer des stratagèmes ingénieux, comme attendre que vous passiez avant de voler vos lunettes ou votre smartphone. Il aussi mentionner qu’ils arrivent à récupérer des canettes de soda avec un distributeur. De plus, les hérissons le sont aussi : quand ils nous voient la nuit, ils se replient et se mettent en boule, croyant que cela les cache de notre vue. »

On voit qu’il s’agit d’un argument cumulatif comme il y a plusieurs arguments : l’argument de l’instinct (un argument déductif2) et l’argument des singes (un argument inductif). Ces deux arguments sont des arguments linéaires, à la différence que le second comporte plus d’étapes que le premier. On a alors le schéma correspondant :

Exemple d’un schéma d’un argument complexe (mélangeant arguments cumulatifs et arguments linéaires).

À quoi servent ces schémas ?

En dessinant ces schémas, on est sûr de réaliser les trois étapes nécessaires pour étudier un argument (surtout quand il est complexe : quand il est long et contient beaucoup d’étapes) :

  1. Identifier chaque argument (le « localiser »).
  2. Déterminer à chaque fois de quel type d’argument il s’agit : inductif ou déductif, syllogisme simple ou syllogisme complexe, etc.
  3. Évaluer l’argument comme étant logiquement valide ou invalide à l’aide de règles spécifiques au type d’argument3 qu’on aura trouvé à l’étape précédente.

Illustration : Éducation d’Alexandre par Aristote, gravure de Charles Laplante, publiée dans le livre de Louis Figuier, Vie des savants illustres – Savants de l’antiquité (tome 1), Paris, 1866, pp. 134-135.

  1. Qui est, je le reconnais, stupide et incorrect, mais je n’ai pas trouvé pour l’instant un autre exemple simple et concret.[]
  2. On verra dans le prochain article en détails la distinction entre arguments déductifs et arguments inductifs.[]
  3. Cette précision est importante étant donné que les règles seront différentes par exemple pour les arguments déductifs que pour les arguments inductifs. Si l’on mélange les règles, notre évaluation sera fausse.[]

Laurent Dv

Informaticien, époux et passionné par la théologie biblique (pour la beauté de l'histoire de la Bible), la philosophie analytique (pour son style rigoureux) et la philosophie thomiste (ou classique, plus généralement) pour ses riches apports en apologétique (théisme, Trinité, Incarnation...) et pour la vie de tous les jours (famille, travail, sexualité, politique...).

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