La prophétie de l’irrésistible conquérant
11 avril 2023

Ceux d’entre nous qui suivent notre plan de lectures bibliques ont à la fois Zacharie 9 et Matthieu 21 parmi leurs lectures de la semaine : c’est l’occasion de réfléchir au sens initial de la prophétie et à son accomplissement historique.

En Matthieu 21, Jésus entre triomphalement à Jérusalem, où il est reconnu par la foule comme le « Fils de David », le roi d’Israël tant attendu. Pour faire cette entrée, Jésus réclame à ses disciples d’aller lui chercher une ânesse et son ânon afin de faire son entrée dans Jérusalem sur celui-ci. La raison pour laquelle Jésus veut entrer sur Jérusalem sur un ânon est très clairement énoncé par Matthieu : « 4Or, ceci arriva afin que s’accomplisse ce qui avait été annoncé par le prophète : “5Dites à la fille de Sion : ‘Voici, ton roi vient à toi, plein de douceur, et monté sur un âne, sur un ânon, le petit d’une ânesse comme le roi d’Israël'”.»

Jésus, en prenant un ânon pour entrer dans Jérusalem, revendique ainsi le fait d’être le roi d’Israël prophétisé par le prophète Zacharie dans le passage que nous allons étudier maintenant. L’objet de cet article est de lire la prophétie de Zacharie et d’essayer de comprendre ce qu’elle voulait dire pour ses premiers destinataires, afin de mieux saisir ce que Jésus revendique exactement lorsqu’il se dépeint lui-même, volontairement, comme le roi d’Israël annoncé par Zacharie.

Commençons par lire le passage en question, en Zacharie 9,1-10 :

1Oracle, parole de l’Éternel sur le pays de Hadrac. Elle s’arrête sur Damas, car l’Éternel a l’œil sur les hommes comme sur toutes les tribus d’Israël ; 2elle s’arrête aussi sur Hamath, à la frontière de Damas, sur Tyr et Sidon, malgré toute leur sagesse. 3Tyr s’est bâti une forteresse ; elle a amassé l’argent comme la poussière, et l’or comme la boue des rues. 4Voici, le Seigneur s’en emparera, il précipitera sa puissance dans la mer, et elle sera consumée par le feu. 5Askalon le verra, et elle sera dans la crainte ; Gaza aussi, et un violent tremblement la saisira ; Ekron aussi, car son espoir sera confondu. Le roi disparaîtra de Gaza, et Askalon ne sera plus habitée. 6L’étranger s’établira dans Asdod, et j’abattrai l’orgueil des Philistins. 7J’ôterai le sang de sa bouche, et les abominations d’entre ses dents ; lui aussi restera pour notre Dieu ; il sera comme un chef en Juda, et Ekron sera comme les Jébusiens. 8Je camperai autour de ma maison pour la défendre contre une armée, contre les allants et les venants, et l’oppresseur ne passera plus près d’eux ; car maintenant mes yeux sont fixés sur elle. 9Sois transportée d’allégresse, fille de Sion ! Pousse des cris de joie, fille de Jérusalem ! Voici, ton roi vient à toi ; il est juste et victorieux, il est humble et monté sur un âne, sur un âne, le petit d’une ânesse. 10Je détruirai les chars d’Éphraïm, et les chevaux de Jérusalem ; et les arcs de guerre seront retranchés. Il annoncera la paix aux nations, et il dominera d’une mer à l’autre, depuis le fleuve jusqu’aux extrémités de la terre.

Zacharie, dans ces versets, se projette dans un avenir un peu plus lointain, comme l’avait fait avant lui Daniel.

Daniel avait décrit à l’avance le temps des quatre empires, qu’on pourrait aussi appeler le « temps des nations » : l’empire babylonien, l’empire perse, l’empire grec et l’empire romain.

Zacharie est prophète au début de la période perse, à une époque où le peuple juif est clairement protégé par des empereurs comme Cyrus ou comme Darius Ier. Comme cela avait été déjà le cas par le passé, il était inévitable que, par la suite, se lèveraient des rois perses qui n’auraient connu ni Daniel, ni Mardochée ni Néhémie, et qui ne protègeraient plus le peuple de Dieu aussi bien qu’ils auraient dû continuer à le faire.

Zacharie, dans notre passage, prédit un avenir plus lointain que celui de son horizon immédiat. Il se projette à la fin de la période perse, à une époque où les cités araméennes de Hadrac, de Hamath et de Damas, les cités phéniciennes de Tyr et de Sidon et les cités philistines d’Askalon, de Gaza, d’Ekrôn et d’Asdod allaient obtenir suffisamment de libertés pour exercer de diverses manières une oppression sur les Juifs sans que les occupants perses n’intervinssent.

Nous pouvons diviser le message du prophète dans ce passage en deux parties. L’Éternel s’y présente premièrement, dans les vv. 1-7 comme le Dieu qui délivrera son peuple de ses oppresseurs, et deuxièmement, dans les vv. 8-10, comme le véritable roi d’Israël qui vient pour établir enfin la paix.

I. L’Éternel, le Dieu qui délivrera son peuple de ses oppresseurs (v. 1-7)

L’oppression exercée sur Juda par les Araméens, les Phéniciens et les Philistins ne restera pas impuni. Zacharie annonce à l’avance que le Seigneur va leur envoyer une armée pour les ravager et délivrer ainsi son peuple de l’oppression de ces nations. Voici une carte de la région sur laquelle plusieurs des villes citées dans notre passage sont situées :

A. Contre les cités araméennes (vv. 1-2a)

1Oracle, parole de l’Éternel sur le pays de Hadrac. Hadrac avait été la capitale d’un royaume syrien (ou araméen), assez loin, au nord, du royaume d’Israël. L’expression pays de Hadrac sert ici à désigner une région lointaine, au nord.

Elle s’arrête sur Damas. Damas est aussi une ville araméenne, mais bien plus proche de la frontière nord d’Israël, et parfois passée sous le contrôle des rois d’Israël. La justification donnée pour le fait que la parole de jugement du Seigneur vient sur cette ville est que l’Éternel a l’œil sur les hommes comme sur toutes les tribus d’Israël. L’Éternel est celui qui veille sur Israël et qui surveille tout ce qui se passe sur la terre : il sait bien ce que ces Araméens vont encore faire du mal à son peuple, et il va le voir, et il va juger ses peuples araméens pour cela.

La parole de jugement de la part de l’Éternel s’arrête aussi sur Hamath, à la frontière de Damas. Il s’agit d’une autre ville araméenne, au nord d’Israël, également parfois passée sous le contrôle des rois araméens. Le pays de Hadrac, Damas et Hamath sont surveillés par le Seigneur : les cités araméennes devront répondre de leurs crimes.

B. Contre les cités phéniciennes (vv. 2b-4)

La fin du verset 2 introduit un nouveau groupe de villes. La parole de jugement de la part de l’Éternel est aussi sur les villes phéniciennes de la côte, au nord-ouest d’Israël : sur Tyr et sur Sidon, malgré toute leur sagesse. Les Phéniciens étaient humainement très habiles : des marchands remarquables qui se sont considérablement enrichis et qui ont construit une forteresse quasi-imprenable, la ville de Tyr.

Notre verset 3 en parle ainsi : 3Tyr s’est bâti une forteresse ; elle a amassé l’argent comme la poussière, et l’or comme la boue des rues. Cette ville est riche à n’en savoir que faire : elle a amassé des trésors comme ce n’est pas permis ! Il y a ici une certaine ironie, parce que le nom de la ville de Tyr, en hébreu (צֹר ṣor), est un mot qui veut dire « rocher » lorsqu’il ne désigne pas cette ville. La ville de Tyr est un « rocher » imprenable, une forteresse qui a amassé des trésors incalculables. Cette ville, qui a l’apparence d’un rocher, est toutefois seulement construite sur le sable de la sagesse humaine : toute son habileté commerciale et militaire ne lui servira à rien au jour de la détresse. Il est vrai que le roi assyrien Salmanazar V, au VIIIe, avait assiégé Tyr pendant cinq années sans réussir à la prendre ; et que le roi babylonien Nabuchodonosor, au siècle suivant, après avoir détruit Jérusalem, fit de même treize années durant avec un résultat mitigé. Mais cette fois-ci, déclare le Seigneur, Tyr tombera définitivement. Ce qui faisait sa force (la mer, car les Phéniciens étaient d’excellents navigateurs) deviendra la cause de sa perte, d’après le v. 4 : 4Voici, le Seigneur s’en emparera, il précipitera sa puissance dans la mer, et elle sera consumée par le feu. La ville finira brûlée.

C. Contre les cités philistines (vv. 5-7)

Après avoir réglé son compte aux peuplades araméennes et aux orgueilleuses cités phénicienne, le Seigneur se tournera vers les quatre villes des Philistins, toujours sur la côte méditerranéenne, à l’ouest du pays d’Israël : Askalon, Gaza, Ekron et Asdod.

5Askalon le verra, et elle sera dans la crainte ; Gaza aussi, et un violent tremblement la saisira ; Ekron aussi, car son espoir sera confondu. Le roi disparaîtra de Gaza, et Askalon ne sera plus habitée. 6L’étranger s’établira dans Asdod, et j’abattrai l’orgueil des Philistins. Le Seigneur annonce la fin de l’oppression philistine marquée par une idolâtrie manifeste chez eux, selon ce qu’en dit le verset 7 : 7J’ôterai le sang de sa bouche, et les abominations d’entre ses dents.

Mais à ce stade, le ton change. Depuis le début du verset 1, cet oracle n’était que parole de jugement contre les nations limitrophes de Juda — celles qui dans l’avenir entrevue par Zacharie allaient lui faire du mal. Mais les Philistins, s’ils allaient être eux aussi jugés, bénéficient toutefois d’une promesse. Et quelle promesse ! Il est dit en effet que lui aussi restera pour notre Dieu ; il sera comme un chef en Juda, et Ekron sera comme les Jébusiens. Les Jébusiens étaient les anciens habitants de Jérusalem, ceux qui y avaient habité jusqu’à ce que David prennent la ville. Ceux-ci, au moment de la prise de la ville, n’avaient pas tous été exterminés et, apparemment, ceux qui s’étaient convertis avaient été intégrés à la tribu de Juda. Et donc, en Zacharie 9,7, le Seigneur promet une inclusion du reste des Philistins au peuple juif : il va intégrer ses rescapés à la tribu de Juda, au terme de l’invasion qu’il va néanmoins leur imposer.

C’est ainsi que l’Éternel se présente comme le Dieu qui délivrera son peuple de ses oppresseurs, qu’ils soient Araméens, Phéniciens ou Philistins.

Dans les versets 1 à 7, nous trouvons donc une parole menaçante du Seigneur contre les peuples limitrophes, lequel descend depuis le nord, et se rapproche de plus en plus de Juda. La prochaine étape de cette armée du Seigneur qui ravage tout sur son passage pourrait bien être Jérusalem… Ces envahisseurs vont-ils prendre la ville et la détruire comme l’ont fait les Babyloniens avant eux ?

Eh bien non, pas cette fois-ci ! C’est la deuxième partie du message de la prophétie :

II. L’Éternel, le véritable roi qui apportera la paix à Israël (vv. 8-10)

8Je camperai autour de ma maison pour la défendre contre une armée, contre les allants et les venants, et l’oppresseur ne passera plus près d’eux ; car maintenant mes yeux sont fixés sur elle. Au début du livre de l’Exode se trouve un verset dans lequel il est dit que les yeux de l’Éternel virent la souffrance de son peuple sous l’oppression des Égyptiens (Exode 3,9). De même Zacharie, dans ce verset, annonce plusieurs dizaines d’années à l’avance que les yeux de l’Éternel verront à nouveau la souffrance de son peuple sous l’oppression des Araméens, des Phéniciens et Philistins, à la fin de la période perse, et qu’il établira son campement autour de Jérusalem, de sorte à ce que les oppresseurs n’y passent plus, parce qu’ils auront été détruits.

La délivrance apportée par l’Éternel suscitera la joie de son peuple. Celui-ci, après s’être emparé de Tyr et avoir dévasté les villes des Philistins, établira son campement autour de sa maison et rentre en vainqueur dans sa ville sous les cris de joie : 9Sois transportée d’allégresse, fille de Sion ! Pousse des cris de joie, fille de Jérusalem ! Le grand conquérant qui a dévasté toute la région vient pour apporter à Jérusalem la paix : Voici, ton roi vient à toi ; il est juste et victorieux, il est humble et monté sur un âne, sur un âne, le petit d’une ânesse. Dans la Bible, l’âne ou le mulet, en tant que montures royales, sont associés à l’idée de justice et de paix, par contraste avec le cheval, qui est une monture royale pour la guerre. Bibliquement, l’âne, c’est la monture royale qui signifie la paix, alors que le cheval est la monture royale qui signifie la guerre. Et donc, dans le verset 9, l’Éternel se présente comme le roi de ce peuple qui vient apporter la paix à ce peuple. C’est ce que la mention de l’ânon signifie ici.

Le verset 10 confirme cette lecture : 10Je détruirai les chars d’Éphraïm, et les chevaux de Jérusalem ; et les arcs de guerre seront retranchés. Plus besoin de chars, de cheveaux, d’arcs de guerre ! Ce sera la fin de la guerre : Israël n’aura plus besoin d’avoir une armée en bonne et due forme, parce que ce sera un temps de paix. Et non seulement ce sera la paix en Israël, mais la fin du verset déclare : Il annoncera la paix aux nations, et il dominera d’une mer à l’autre, depuis le fleuve jusqu’aux extrémités de la terre. L’expression d’une mer à l’autre désigne certainement un territoire qui va de la Mer méditerranée à la Mer morte. Quant à l’expression Depuis le fleuve jusqu’aux extrémités de la terre, elle désigne presque aussi certainement un territoire qui va de l’Euphrate (très loin au nord d’Israël) à très loin au Sud, vers l’Égypte et vers les confins de l’Arabie. En bref, est annoncée une période de paix pour toute la région au sein de laquelle se situe la Judée.

Il faut noter que cette promesse est une reprise quasiment à l’identique des versets 7-8 du Psaume 72, un psaume qui décrit les jours du grand roi messianique à propos duquel nous lisons ceci : 7En ses jours le juste fleurira, et la paix sera grande jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de lune. 8Il dominera d’une mer à l’autre,et du fleuve aux extrémités de la terre. Zacharie annonce ainsi qu’il y un roi qui vient, qui va accomplir la prophétie du Psaume 72, et qui va établir la paix. Et l’impression qu’il laisse au terme de ce passage est, semble-t-il, que le Seigneur lui-même va venir en personne régner sur son peuple et établir un règne de justice et de paix sans précédent.

Voilà ce que prophétise Zacharie. Voilà ce que promet le Seigneur : il verra la souffrance de son peuple sous l’oppression des peuples alentours et viendra régler ses comptes. Il remettra les pendules à l’heure. Et en revenant à Jérusalem, le Seigneur deviendra le vrai roi de son peuple, établissant un règne de justice et de paix.

Comment cette prophétie, faite plus de 500 ans av. J.-C., s’est-elle accomplie ?

C’est ce que je vous propose de voir maintenant.

III. L’accomplissement historique : un roi conquérant qui vient du nord

Presque 200 ans après le ministère prophétique de Zacharie, apparaît sur la scène internationale un jeune roi macédonien âgé de tout juste 20 ans et qui va devenir l’un des plus grands conquérants de tous les temps : Alexandre le Grand.

Partant de Grèce, qu’il contrôle presque entièrement, il débarque en Asie (en Turquie actuelle) au printemps 334. En moins d’une année, il conquiert les cités côtières d’Asie mineure, puis, au sud et au centre de la Turquie actuelle, la Pamphylie et la Pisidie. La bataille décisive a lieu en 333, à Issos, au nord de la Syrie, dans ce que Zacharie avait appelé dans notre texte le pays de Hadrac. La victoire qu’il obtient contre les armées de l’empereur Perse Darius III lui ouvre les portes du Proche-Orient : il descend alors vers les villes de la côtes phéniciennes et prend Sidon sans résistance, pendant que Parménion, son général en chef lors de la bataille d’Issos, se rend à Damas où Darius avait entreposé son trésor. Les cités araméennes et les villes phéniciennes se soumettent donc à l’envahisseur, mais pas Tyr, qui souhaite rester neutre et ne pas se soumettre à Alexandre. Celui-ci ne voit pas les choses de cette manière, et alors qu’il avait fallu 13 ans à Nabuchodonosor pour prendre la ville, Alexandre arrive à prendre Tyr, par la mer, en sept mois seulement en 332. Il massacre la population et brûle la ville.

Les étapes de la conquête d’Alexandre. Carte de L’Histoire (source).

Dans sa lutte contre Darius III, la prochaine grande étape est désormais pour lui l’Égypte, également sous domination perse, mais pour cela, il doit traverser la plaine côtière qui conduit en Égypte, mais dont plusieurs villes manifestent l’intention de ne pas se soumettre. C’est certainement le cas en Philistie, et notamment à Gaza, qui lui résiste deux longs mois. Alexandre massacre la garnison philistine et vend la population en esclavage.

L’historien antique juif Flavius Josèphe nous rapporte qu’au terme du siège de Gaza, Alexandre envoie des émissaires à Jérusalem pour obtenir sa reddition, mais le grand-prêtre de l’époque refuse, lié par un serment fait à Darius III. Alexandre vient alors de Gaza à Jérusalem pour la détruire, mais lorsqu’il voit le grand-prêtre Jaddua qui sort à sa rencontre, il se rend compte que c’est l’homme qu’il avait vu en songe quelques années plutôt et qui lui avait dit de venir en Asie. Pour honorer le Dieu qui réside à Jérusalem et qu’il reconnaît l’avoir appelé à venir combattre l’empire perse, il ne détruit pas la ville comme il l’avait initialement prévu, mais offre la paix à Jérusalem, où il entre pour offrir, en suivant les directives données par le grand-prêtre, un sacrifice à l’Éternel dans son temple. Le lendemain, il accorde aux Juifs la liberté de vivre suivant les lois de leurs pères et le privilège fiscal d’une exemption d’impôt tous les sept ans. Alexandre, puis il repart à la conquête de l’Égypte, puis, rapidement, du reste de l’empire perse.

Vous avez là, en 333-332, l’accomplissement stupéfiant de la prophétie de Zacharie 9,1-10 donnée par le prophète dans les années 510, presque deux cents ans avant les événements en question.

Voilà pour l’accomplissement historique de la prophétie. C’est par la conquête impériale menée par Alexandre le Grand que Dieu a historiquement rendu la monnaie de leurs pièces aux cités araméennes, phéniciennes et philistines. Et la manière dont l’Éternel est venu établir son campement autour de sa maison et offrir à Jérusalem une période de paix dans toute sa région, c’est encore par l’empire grec d’Alexandre le grand.

Conclusion : trois revendications du Christ

Il nous reste à voir ce que Jésus revendique exactement en demandant à ses disciples d’aller chercher un ânon pour son entrée triomphale dans Jérusalem afin que s’accomplisse ainsi, à nouveau, la prédiction de Zacharie 9,9. Il y a trois éléments que j’aimerais relever.

A. La messianité

Premièrement, l’Église ancienne et Jésus lui-même ont vu dans ce verset une prophétie messianique, c’est-à-dire qui annonce quelque chose de la venue du Messie, du fils de David promis par Dieu pour établir la justice et la paix, non seulement pour le peuple d’Israël mais en vérité aussi pour le monde entier. C’est assez facile de voir comment Jésus accomplit cette prophétie : en entrant dans Jérusalem comme il l’a fait, le dimanche qui précède sa crucifixion, il y est entré comme le roi pacifique qui vient non pour détruire mais pour servir et donner sa vie en rançon pour beaucoup. Il vient à Jérusalem pour établir la paix de Dieu qui surpasse toute intelligence, une paix qui garde nos cœurs et nos pensées en Jésus-Christ.

D’une manière générale, on peut dire non seulement que Zacharie 9,9-10 nous décrit l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem le dimanche des Rameaux, mais que c’est tout le ministère terrestre de Jésus avant sa résurrection qui est caractérisé par cette attitude pacifique, cette douceur et cette humilité de cœur. Le Jésus des Évangiles, de tous les épisodes des Évangiles jusqu’à la croix, c’est le roi humble monté sur un ânon de Zacharie 9. Le roi d’Israël vient à son peuple pour être reconnu par lui comme celui qui donne la paix. Jésus revendique ici la messianité. C’est l’aspect le plus évident.

B. La divinité

Deuxièmement, dans la prophétie de Zacharie 9.1-10, il apparaît que c’est le Seigneur qui fait toutes ces choses, et que le vrai roi d’Israël, c’est Dieu en personne lui-même. Et donc, lorsque Jésus se présente comme celui qui accomplit la prophétie, il s’identifie en fait, purement et simplement, à l’Éternel, qui est le seul vrai roi d’Israël. Jésus revendique donc également ici, plus subtilement, la divinité.

C. L’aspect irrésistible de la conquête qu’il a lancée

Troisièmement, parce que la prophétie de Zacharie 9,1-10 s’est d’abord accomplie historiquement dans le fait de la conquête par Alexandre le grand du Proche-Orient ancien, Jésus revendique aussi d’être non seulement celui qui vient offrir la paix à Jérusalem monté sur le petit d’une ânesse, mais d’être aussi un nouvel Alexandre qui vient pour conquérir le monde et instaurer un nouvel ordre mondial – le nouvel ordre mondial divin.

Il est celui qui, en Apocalypse 6,2 paraît sur un cheval blanc : Celui qui le montait avait un arc ; une couronne lui fut donnée, et il partit en vainqueur et pour vaincre. Celui qui en Apocalypse 19,11-13 apparaît de nouveau sur un cheval blanc : Celui qui le montait s’appelle Fidèle et Véritable, et il juge et combat avec justice. 12Ses yeux étaient comme une flamme de feu ; sur sa tête étaient plusieurs diadèmes ; il avait un nom écrit, que personne ne connaît, si ce n’est lui-même ; 13et il était revêtu d’un vêtement teint de sang. Son nom est la Parole de Dieu. Jésus n’est donc pas seulement qui vient offrir la paix sur un ânon à Jérusalem, il est aussi celui qui vient renverser tous les empires, celui, nous dit l’apôtre Paul en 1 Corinthiens 15,25, qui doit régner jusqu’à ce qu’il ait mis tous ses ennemis sous ses pieds.

Jésus-Christ, par sa résurrection d’entre les morts, a été intronisé fils de Dieu avec les pleins pouvoirs. Tout pouvoir, déclare Jésus à ses disciples après la résurrection, m’a été donné dans le ciel et sur la terre. Depuis bientôt 2 000 ans, Jésus est parti à la conquête du monde. Ses progrès sont plus irrésistibles encore que ceux des plus grands conquérants parmi lesquels Alexandre est évidemment compté. Mais de quelle manière Jésus conquiert-il le monde ? Il l’explique dans la suite du même passage : 19Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, 20et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit. C’est en faisant des disciples, en proclamant par l’intermédiaire des chrétiens l’Évangile de son royaume, le message que Jésus-Christ est Seigneur, que notre Seigneur est parti à l’assaut de l’humanité qui lui résiste encore gravement.

Le message que Jésus demande à ses disciples de porter au monde entier est toujours le même. Les paroles qui concluent le Psaume 2 résumaient déjà ce message : 10Et maintenant, rois, conduisez-vous avec sagesse ! Juges de la terre, recevez instruction ! 11Servez l’Éternel avec crainte, et réjouissez-vous avec tremblement.12Embrassez le fils, de peur qu’il ne s’irrite, et que vous ne périssiez dans votre voie, car sa colère est prompte à s’enflammer. Heureux tous ceux qui se confient en lui !

L’issue de ce conflit mondial ne fait pas de doute : un jour tout genoux fléchira, dans les cieux, sur la terre et sous la terre, un jour toute langue confessera que Jésus-Christ est Seigneur à la gloire de Dieu le Père. Mais en ce jour, il sera trop tard. Ce sera le jour du jugement dernier, le jour de sa colère.

Ce jour de colère n’est toutefois pas encore là : aujourd’hui est encore un jour où l’on peut se conduire avec sagesse en servant l’Éternel avec crainte, en se réjouissant de lui avec tremblement, en embrassant le Fils, tant que c’est encore possible, avant que sa colère de s’enflamme.

Alors, aujourd’hui, si vous entendez sa voix, n’endurcissez pas vos cœurs, mais venez au Fils, embrassez-le, saisissez l’offre de paix qu’il vous adresse : c’est encore le jour du salut. Voici, ton roi vient à toi ; il est juste et victorieux, il est humble et monté sur un âne, sur un âne, le petit d’une ânesse. Il est doux et humble de cœur, et il vient à toi. Ne soyez pas insensé. Ne construisez pas votre vie sur le sable de la sagesse humaine comme l’avait fait la ville de Tyr qui se croyait imprenable. Mais construisez votre vie sur le roc de sa parole, du royaume de Dieu et de sa justice. Jetez-vous dans les bras du Fils de Dieu, tant que l’on peut encore dire aujourd’hui. Oui, 12Embrassez le fils, de peur qu’il ne s’irrite, et que vous ne périssiez dans votre voie, car sa colère est prompte à s’enflammer. Heureux tous ceux qui se confient en lui !


Illustration de couverture : Alexandre chevauchant Bucéphale à la bataille d’Issos, détail de la mosaïque d’Alexandre dans la Maison du Faune à Pompéi.

Pierre-Sovann Chauny

Pierre-Sovann est professeur de théologie systématique à la Faculté Jean Calvin, à Aix-en-Provence. Il s'intéresse particulièrement à la doctrine des alliances, à l'interprétation des textes eschatologiques, à la scolastique réformée, aux prolégomènes théologiques et aux bons vins. Il est un époux et un père heureux.

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