Sommes-nous souverains sur notre propre corps ?
23 janvier 2024

Cet article est l’extrait d’une conférence que je donnerai pour le camp de Foi et vie réformées, du 1er au 3 mars 2024 qui s’intitule : « Dieu est Seigneur de notre âme, qui est seigneur de notre corps ? ». Je vous recommande tout ce cycle de conférence, et j’espère bien vous y trouver.

La sagesse actuelle quand on se pose la question de la souveraineté sur le corps de chacun, c’est le proverbe mon corps, mon choix. Il semble donc que la doctrine officielle de notre époque, c’est l’autorité strictement individuelle de chacun sur son propre corps (sauf lorsqu’il s’agit de vaccination…). On exclut ainsi qu’un mari puisse décider pour sa femme, qu’une femme puisse décider de quoi ce que ce soit pour le corps de son enfant, qu’un supérieur hiérarchique puisse décider quoi que ce soit sur la santé, les habitudes de vie d’une personne qui lui est sujette. À dire vrai, le proverbe mon corps, mon choix ne s’applique que dans un seul cas : rejeter l’autorité du mari sur la femme. Mais l’autorité des parents sur le corps de l’enfant est complètement assumée en matière de santé et d’éducation, où l’on ne peut pas faire une sortie scolaire sans que les parents aient donné par écrit leur accord. Voilà déjà un signe que ce proverbe est faux et que les individus n’ont pas autorité sur leur propre corps.

Je vais maintenant développer pourquoi il n’y a pas de souveraineté individuelle sur le corps.

1. L’individu n’existe pas

Tout d’abord, si l’on est rigoureux, « individu » désigne une personne à laquelle on retire toute ses relations : c’est un atome d’humain, une abstraction la plus complète. Ce qui existe dans la réalité, ce sont des personnes concrètes, qui sont liées à d’autres personnes par des alliances, des accords, des coutumes et des droits. Il est possible de dire qu’un individu est souverain sur son propre corps, puisqu’un objet platonique, une pure idée n’est reliée à rien. Mais dire la même chose d’une personne concrète n’est pas si simple : que deviennent toutes ces relations qu’elle a avec d’autres ? On ne peut pas si simplement distinguer entre « son domaine » et celui des autres. Dans le mariage par exemple, il y a un droit aux relations sexuelles, où l’on attend que chacun les réserve à une seule personne. Où est la limite nette qui délimite la souveraineté du mari et celle de la femme ?

Notre réaction a souvent été de mutiler la réalité, et forcer « les individus » à exister sous un mode concret. C’est avec cette idée que la République a :

  • brisé nos associations, même lorsqu’elles étaient la seule manière d’avoir nos retraites et caisses maladie (loi Le Chapelier 1791) ;
  • combattu les syndicats (la loi Waldeck-Rousseau de 1884 a été hautement combattue par les républicains) ;
  • affaibli le mariage et la liberté d’éducation. (gouvernement d’Émile Combes ; loi de 2015 du « mariage pour tous » ; régime d’autorisation pour l’instruction en famille en 2021)

Loin de se calmer, cette tendance à mutiler la personne pour qu’existent les individus s’est accelérée au cours de la dernière décennie. Ainsi, la dernière loi bioéthique qui a autorisé la « PMA sans père » procède de la vision que chaque parent est un objet platonique qui peut, s’il le désire, engendrer un autre objet platonique qui n’a pas besoin de relation avec son père, ni de savoir avec précision qui est sa mère. C’est hélas un mensonge qui n’apportera rien de bon.

2. Qui applique ce principe ?

Si vraiment il était naturel que notre corps ne fût dirigé que par nous-mêmes, alors nous n’aurions pas même besoin de lois pour « protéger » cette souveraineté : il nous serait aussi naturel d’avoir la souveraineté sur notre propre corps que de marcher sur le sol. Point n’est besoin de magistrat pour faire ce qui est naturel.

Or, c’est à grand renfort de lois que, dans notre pays, la souveraineté de chacun sur son corps est faite. L’entrave à l’IVG, c’est-à-dire empêcher une femme d’exercer sa souveraine autorité sur son utérus, est punie de deux ans de prison et trente mille euros d’amendes. Au Canada, un père a été condamné à six mois de prison pour s’être opposé au changement de sexe de sa fille. Pas la peine de multiplier les exemples, mais cela montre que les actes du corps ne sont pas naturellement du domaine de l’individu : si c’était le cas, il n’y aurait pas de conflit possible, avec l’intervention nécessaire du magistrat. Le fait que les juges doivent rendre des jugements sur des conflits d’usage de notre corps montre où se trouve le véritable souverain du corps ici-bas : le magistrat.

3. La nécessité d’un tiers agent

Je reviens un peu en arrière : j’ai dit que ce qui existait réellement, ce sont des personnes, c’est à dire un individu plus ses relations. Or le fait même qu’il y ait des relations implique que nous ne sommes pas souverains, mais qu’il faut une tierce personne pour faire l’arbitre en cas de conflit d’usage. Si une femme accuse son mari de ne pas avoir les relations sexuelles auxquelles elle a droit, que se passe-t-il ? On ne peut pas dire « le mari est souverain sur son corps, il peut retenir ses relations s’il en a envie ». Le contrat de mariage stipule qu’il les doit à sa femme. Et justement, parce que c’est un contrat qui a été passé devant les autorités, ce sont les autorités judiciaires qui viennent trancher la querelle.

Je récapitule : nos corps n’existent pas dans une bulle platonique, ils sont impliqués dans un monde réel. Dans ce monde réel, ils sont liés par nos relations à toute sorte de relations, alliances et contrats, qui contraignent la jouissance de notre corps.

  • Exemple d’alliance : Si nous sommes mariés, nous ne pouvons pas avoir de relations sexuelles avec qui nous voulons ;
  • Exemple de relation naturelle : Si nous sommes un enfant, nous ne pouvons pas avoir une opération chirurgicale à notre seule demande, ce sont nos parents qui sont souverains ;
  • Exemple de contrat : si nous sommes salariés, nous nous sommes engagés à être physiquement présents sur tel site à telle période.

Or, dans toute société, lorsqu’il y a un conflit dans une relation, c’est à un tiers agent que les deux parties s’adressent, et que j’appellerai par la suite : le magistrat. C’est lui qui est le garant des alliances, le gardien des relations naturelles et l’arbitre des contrats. C’est donc lui qui administre la souveraineté sur les corps.

Bien évidemment, une telle chose ne peut pas être dite sans préciser la fondation de ce pouvoir, ses limites et sa fin. C’est ce que nous allons faire lors de la conférence.

Rendez-vous au camp de Foi et vie réformées, le 1er mars 2024 !

Étienne Omnès

Mari, père, appartient à Christ. Les marques de mon salut sont ma confession de foi et les sacrements que je reçois.

1 Commentaire

  1. Laurence

    Excellente analyse, précieuse pour débrouiller ce qui se met actuellement en place en occident.
    En espérant que ceux qui ne pourront se rendre à la conférence trouveront bientôt à lire la suite sur ce site… merci

    Réponse

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