Est-ce qu’un chrétien doit nécessairement être pour ou contre l’immigration ?
13 mai 2024

Est-ce qu’un chrétien doit nécessairement être pour ou contre l’immigration ? Comme beaucoup de questions : cela dépend. Selon le contexte, le chrétien peut tout-à-fait être pour ou contre l’immigration.

C’est ce qu’explique très bien le philosophe catholique Edward Feser dans son très bon livre All One in Christ sur le racisme, l’immigration et le wokisme. À un moment, il mentionne la position officielle et équilibrée de l’Eglise catholique sur l’immigration et le patriotisme. Il montre que le débat sur l’immigration n’est pas aussi simple (comme c’est souvent le cas pour plein d’autres sujets).

Dans cet article, je ferai donc un résumé du chapitre où il en parle. Je partagerai principalement des citations des papes, de l’Église catholique et de Thomas d’Aquin, à part des citations du théologien et philosophe réformé Johannes Althusius. C’est parce que je n’ai pas trouvé chez les protestants de ressources récentes équilibrées sur l’immigration à part l’excellent article en anglais Theology of Immigration du théologien réformé Bradford Littlejohn (dont nous avons traduit beaucoup d’articles sur notre blog). Le seul article que j’ai trouvé en français « Pourquoi laissons-nous mourir les migrants ? » sur le blogue chrétien Foi en questions m’a semblé trop simpliste. J’ai l’impression qu’il dit qu’être contre l’immigration, c’est être « méchant ».

C’est dommage mais au fond, pas d’inquiétude. L’Église catholique à travers ses papes reprend essentiellement l’argumentation de Thomas d’Aquin que les protestants (en particulier les réformés et les luthériens) ont reprise sur beaucoup de points : la foi et la raison, les preuves de l’existence de Dieu, ses attributs, la Trinité, l’Incarnation, la prédestination, etc. Comme on pourrait la retrouver chez d’autres chrétiens d’avant et d’après (si vous avez des sources, je suis intéressé), les protestants peuvent aussi accepter la position officielle très équilibrée de l’Église catholique sur l’immigration, et plus généralement sur le patriotisme. De même pour les positions des catholiques sur d’autres sujets de société comme l’avortement et l’euthanasie, très bien formulées par exemple dans l’encyclique Evangelium vitae de Jean-Paul II.

Je ne parlerai pas des arguments bibliques à proprement parler, comme nous avons déjà publié un bon article très détaillé là-dessus. Par contre, je vais expliquer pourquoi dans la logique et par principe, à certains moments, un chrétien peut (et même doit) être pour l’immigration, mais qu’à d’autres moments, il peut (et même doit) être contre l’immigration.

Dans le reste de l’article, être pour l’immigration voudra dire « penser qu’un pays doit accueillir beaucoup de réfugiés ou de migrants » et être contre l’immigration voudra dire à l’inverse « penser qu’un pays doit accueillir moins de réfugiés ou de migrants ». Je trouve que ces expressions ne sont pas claires mais je les garde comme on les utilise souvent tous les jours.

Le chrétien peut (ou même doit) être à certains moments pour l’immigration

D’un côté, les pays qui en ont la capacité doivent accueillir des immigrés dans le besoin. Ils doivent traiter avec amour et humanité ceux qu’ils accueillent, et ne pas se montrer racistes envers eux, ni les stigmatiser, ni faire injustement d’eux la source de tous les problèmes (comme des boucs émissaires). Ils doivent lutter contre ceux qui profitent de la misère des migrants et des réfugiés pour les réduire en esclavage ou faire du trafic d’êtres humains.

Pour dire les choses autrement, les pays doivent éviter le vice (ou défaut) par excès lié au patriotisme qui est une vertu. Ce défaut par excès, c’est être raciste ou mépriser les autres peuples. Feser en parle plus en détails dans cet article.

Thomas d’Aquin, et l’Église catholique avec lui, dans ses documents officiels et à travers les derniers papes (surtout le pape François), affirment cela clairement .

Avec les étrangers, le peuple peut entretenir deux sortes de rapports : dans la paix et dans la guerre. Pour régler les uns et les autres, la loi comportait les préceptes qu’il fallait. Dans la paix, une triple occasion s’offrait aux Juifs d’entrer en contact avec les étrangers : tout d’abord quand des étrangers en voyage traversaient le pays ; ou bien quand des étrangers venaient dans le pays pour s’y installer en qualité d’immigrés. Dans ces deux cas, les prescriptions légales ont un caractère d’humanité ; ce sont les maximes de l’Exode : Tu ne brimeras pas l’hôte étranger (22,21), et : Tu ne seras pas cruel pour le voyageur étranger (23,9).

Thomas d’Aquin, Somme théologiqueI-II, q. 105, A. 3.

Les nations mieux pourvues sont tenues d’accueillir autant que faire se peut l’étranger en quête de la sécurité et des ressources vitales qu’il ne peut trouver dans son pays d’origine. Les pouvoirs publics veilleront au respect du droit naturel qui place l’hôte sous la protection de ceux qui le reçoivent.

Catéchisme de l’Église catholique, § 2241.

La nation possède un « droit […] » […] à « mener sa vie suivant ses traditions propres, en excluant naturellement toute violation des droits humains fondamentaux et, en particulier, l’oppression des minorités ».

Compendium de la doctrine sociale de l’Église, 157.

D’autres obstacles encore s’opposent à la formation d’un monde plus juste et plus structuré dans une solidarité universelle: Nous voulons parler du nationalisme et du racisme. Il est naturel que des communautés récemment parvenues à leur indépendance politique soient jalouses d’une unité nationale encore fragile et s’efforcent de la protéger. Il est normal aussi que des nations de vieille culture soient fières du patrimoine que leur a livré leur histoire. Mais ces sentiments légitimes doivent être sublimés par la charité universelle qui englobe tous les membres de la famille humaine. Le nationalisme isole les peuples contre leur bien véritable.

Paul VI, Populorum Progressio, 62.

La situation d’irrégularité légale n’autorise pas à négliger la dignité du migrant, qui possède des droits inaliénables, qui ne peuvent être ni violés ni ignorés.

Migrants en situation irrégulière, message du pape Jean-Paul II pour la Journée mondiale des migrants.

Ce sont surtout les situations où la migration n’est pas seulement forcée, mais même réalisée à travers diverses modalités de traite des personnes et de réduction en esclavage qui causent préoccupation.

Pape François, message pour la 106e Journée mondiale du migrant et du réfugié 2014.

Dans ce contexte, les migrants, les réfugiés, les personnes déplacées et les victimes de la traite des personnes sont devenus l’emblème de l’exclusion car, au-delà des malaises que comporte en soi leur condition, on fait peser sur eux un jugement négatif qui les considère comme cause des maux de la société.

Pape François, message pour la 105e Journée mondiale du migrant et du réfugié 2019.

Son intégrité doit être toujours promue, en favorisant le regroupement familial – y compris des grands-parents, des frères et sœurs et des petits-enfants – sans jamais le soumettre à des capacités économiques.

Pape François, message pour la 104e Journée mondiale du migrant et du réfugié 2017.

Le pape François encourage les pays riches à ouvrir leurs cœurs aux « réfugiés qui fuient la faim, la guerre, d’autres graves dangers » :

En chacun d’eux, Jésus est présent, contraint de fuir pour se sauver, comme à l’époque d’Hérode. Sur leurs visages, nous sommes appelés à reconnaître le visage du Christ affamé, assoiffé, nu, malade, étranger et prisonnier, qui nous interpelle (cf. Mt 25,31-46). Si nous le reconnaissons, c’est nous qui le remercierons d’avoir pu le rencontrer, l’aimer et le servir.

Pape François, message pour la 106e Journée mondiale du migrant et du réfugié 2020.

Pour résumer, les nations doivent venir au secours des opprimés (par exemple les gens qui fuient la misère à cause de la guerre, une catastrophe naturelle, etc.) et être prêtes à en accueillir si elles en ont la capacité (en particulier si elles sont prospères). Dans ce sens là, le chrétien peut donc être pour l’immigration à certains moments (quand son pays est capable d’accueillir).

Le chrétien peut (ou même doit) être à certains moments contre l’immigration

D’un autre côté, ce qu’on a dit avant (qu’un pays doit aimer et être prêt à accueillir des réfugiés) ne veut pas dire que les pays doivent accueillir sans exception absolument tous les étrangers qui veulent y entrer et sous aucune condition.

En effet, il est important pour les nations de privilégier le bien-être tout d’abord de ses citoyens (de « ceux qui sont proches » pour reprendre l’expression de Thomas d’Aquin dans son De Regno). Exactement comme chacun de nous doit d’abord bien s’occuper de sa famille avant des gens des autres familles (ses voisins, ses amis, ses camarades, ses collègues, etc.). Par exemple, ma femme aurait raison de s’énerver si j’utilisais mon temps et mon argent plus pour aider des amis ou des sans-abris que pour l’aider elle.

Les pays doivent accueillir les étrangers (« ceux qui sont plus loin » toujours selon l’expression de Thomas d’Aquin) seulement quand c’est possible pour eux. Concrètement, d’abord s’ils ont une situation économique qui leur permet de bien accueillir et intégrer les étrangers dignement et dans de bonnes conditions. Et ensuite si cela ne met pas en péril la sécurité de leurs citoyens. Par exemple s’il n’y aura pas ou peu de risques que cela provoque une guerre civile à cause d’une population qui ne respecte pas les coutumes locales et les lois du pays. Si on dit les choses dans l’autre sens, les étrangers accueillis ont le devoir de respecter les coutumes et les lois des pays qui les accueillent. Par contre, même si des pays “riches” ne sont plus capables d’accueillir et d’intégrer un nombre important d’étrangers, s’ils le peuvent, ils doivent aider les pays plus “pauvres” à se développer pour que leurs habitants ne soient plus obligés de les fuir. C’est ce que dit le pape François dans sont Message pour la Journée mondiale des migrants et des réfugiés (2014).

Pour le dire autrement, les pays doivent éviter le vice par défaut lié au patriotisme. Ce défaut par défaut, c’est mépriser, ne pas respecter et ne pas chercher en priorité le bien-être de son propre peuple. Ce vice peut se manifester dans un pays qui a une politiques migratoire qui favorise (à tort) trop l’immigration. Mais aussi à travers la haine de son pays (sa culture, son histoire, ses valeurs) et dans le fait de placer d’autres groupes ou communautés au-dessus de son pays. Par exemple une communauté internationale ou supranationale qui diminue ou enlève la souveraineté d’un pays, un groupe ethnique (ce que font les racistes), une classe économique (ce que fait le marxisme), des entreprises, les individus (ce que font ceux qui défendent l’anarchie) ; Feser en parle plus en détails dans l’article déjà mentionné.

Thomas d’Aquin et l’Église catholique expliquent très bien et clairement ces points évoqués dans son Catéchisme et à travers les derniers papes (surtout le pape Jean-Paul II).

L’homme est constitué débiteur à des titres différents vis-à-vis d’autres personnes, selon les différents degrés de perfection qu’elles possèdent et les bienfaits différents qu’il en a reçus. À ce double point de vue, Dieu occupe la toute première place, parce qu’il est absolument parfait et qu’il est, par rapport à nous, le premier principe d’être et de gouvernement. Mais ce titre convient aussi, secondairement, à nos parents et à notre patrie, desquels et dans laquelle nous avons reçu la vie et l’éducation. C’est pourquoi, après Dieu, l’homme est surtout redevable à ses parents et à sa patrie. En conséquence, de même qu’il appartient à la religion de rendre un culte à Dieu, de même, à un degré inférieur, il appartient à la piété de rendre un culte aux parents et à la patrie. D’ailleurs, le culte des parents s’étend à tous ceux de la même ascendance, comme le montre Aristote. Or, dans le culte de la patrie est compris le culte de tous les concitoyens et de tous les amis de la patrie.

Thomas d’Aquin, Somme théologique, II-II.101.1.

Avec les étrangers, le peuple peut entretenir deux sortes de rapports : dans la paix et dans la guerre. Pour régler les uns et les autres, la loi comportait les préceptes qu’il fallait. Dans la paix, une triple occasion s’offrait aux Juifs d’entrer en contact avec les étrangers : tout d’abord quand des étrangers en voyage traversaient le pays ; ou bien quand des étrangers venaient dans le pays pour s’y installer en qualité d’immigrés. […] Le troisième cas est celui d’étrangers désirant être reçus en pleine communauté de vie et de culte avec le peuple : à leur endroit on observait certaines formalités, et leur admission à l’état de citoyens n’était pas immédiate. De même, selon Aristote, c’était une règle chez certaines nations de réserver la qualité de citoyens à ceux dont l’aïeul, voire le trisaïeul, avait résidé dans la cité. Et cela se comprend, à cause des multiples inconvénients occasionnés par la participation prématurée des étrangers au maniement des affaires publiques, si, avant d’être affermis dans l’amour du peuple, ils entreprenaient quelque chose contre lui. C’est pourquoi, selon les dispositions de la loi, certaines nations plus ou moins liées avec les Juifs, comme les Égyptiens au milieu desquels ils étaient nés et avaient grandi, les Édomites descendants d’Ésaü, le frère de Jacob, étaient accueillis dès la troisième génération dans la communauté du peuple. D’autres au contraire qui avaient montré de l’hostilité pour les Juifs, comme les descendants d’Ammon et de Moab, n’y étaient jamais admis ; quant aux Amalécites qui leur avaient été particulièrement hostiles et ne leur étaient liés à aucun degré de parenté, on devait à jamais les traiter en ennemis, selon l’Exode : De génération en génération, Dieu sera en guerre avec Amalec (17,16).

Thomas d’Aquin, Somme théologiqueI-II, q. 105, A. 3.

Cependant, les étrangers et les gens du dehors sont différents des citoyens. Ils doivent s’occuper de leurs propres affaires, ne pas mener d’enquêtes suspectes, ni même se montrer curieux dans une consociation étrangère mais se plier, pour autant que leur conscience le permet, aux coutumes du lieu et de la ville où ils habitent afin de ne pas causer de scandales aux autres.

Johannes Althusius, Politica.

Les autorités politiques peuvent en vue du bien commun dont ils ont la charge subordonner l’exercice du droit d’immigration à diverses conditions juridiques, notamment au respect des devoirs des migrants à l’égard du pays d’adoption. L’immigré est tenu de respecter avec reconnaissance le patrimoine matériel et spirituel de son pays d’accueil, d’obéir à ses lois et de contribuer à ses charges.

Catéchisme de l’Église catholique, 2241.

Le quatrième commandement s’adresse expressément aux enfants dans leurs relations avec leurs père et mère, parce que cette relation est la plus universelle. Il concerne également les rapports de parenté avec les membres du groupe familial. Il demande de rendre honneur, affection et reconnaissance aux aïeux et aux ancêtres. Il s’étend enfin aux devoirs des élèves à l’égard du maître, des employés à l’égard des employeurs, des subordonnés à l’égard de leurs chefs, des citoyens à l’égard de leur patrie, de ceux qui l’administrent ou la gouvernent.

Catéchisme de l’Église catholique, § 2199.

L’amour et le service de la patrie relèvent du devoir de reconnaissance et de l’ordre de la charité.

Catéchisme de l’Église catholique, § 2239.

La nation possède un « droit fondamental à l’existence »; à « garder sa propre langue et sa culture, par lesquelles un peuple exprime et défend ce que j’appellerai sa “souveraineté” spirituelle originelle » ; à « mener sa vie suivant ses traditions propres […] »; à « construire son avenir en donnant une éducation appropriée à ses jeunes générations ».

Compendium de la doctrine sociale de l’Église, § 157.

Il semble toutefois que, comme la famille, la nation et la patrie demeurent des réalités irremplaçables. La doctrine sociale catholique parle en ce cas de sociétés « naturelles », pour indiquer le lien particulier, de la famille ou de la nation, avec la nature de l’homme, qui a une dimension sociale. Les voies fondamentales de la formation de toute société passent par la famille : sur ce point, il ne peut y avoir aucun doute. Mais il semble qu’une observation analogue s’applique aussi à la nation.

Pape Jean-Paul II, Mémoire et identité, p. 84.

Par le terme de nation, on entend désigner une communauté qui réside dans un territoire déterminé et qui se distingue des autres nations par une culture propre. La doctrine sociale catholique considère que tant la famille que la nation sont des sociétés naturelles et ne sont donc pas le fruit d’une simple convention. C’est pourquoi, dans l’histoire de l’humanité, elles ne peuvent être remplacées par rien d’autre. Par exemple, on ne peut remplacer la nation par l’État, bien que la nation, de par sa nature, tende à se constituer en État. […] On ne peut encore moins identifier la nation avec ce qu’on appelle la société démocratique, parce qu’il s’agit de deux ordres distincts, bien que reliés entre eux. Une société démocratique est plus proche de l’État que la nation. Toutefois, la nation est le terrain sur lequel naît l’État.

Pape Jean-Paul II, Mémoire et identité, p. 87.

Si l’on se demande quelle place occupe le patriotisme dans le Décalogue, la réponse ne laisse aucune hésitation : il se situe dans le cadre du quatrième Commandement, qui nous engage à honorer notre père et notre mère. Il s’agit en effet de l’un des sentiments que la langue latine désigne sous le terme pietas, soulignant la valeur religieuse qui sous-tend le respect et la vénération dus à nos parents. […] Patriotisme signifie amour pour tout ce qui fait partie de la patrie : son histoire, ses traditions, sa langue, sa conformation naturelle elle-même. C’est un amour qui s’étend aussi aux actions des citoyens et aux fruits de leur génie. Tout danger qui menace le grand bien de la patrie devient une occasion pour vérifier cet amour.

Pape Jean-Paul II, Mémoire et identité, pp. 82-83.

Les pays les plus développés ne sont pas toujours en mesure d’absorber tous ceux qui veulent immigrer […] Il est vrai que l’exercice d’un tel droit est à réglementer, car son application incontrôlée pourrait être dangereuse et préjudiciable au bien commun des communautés qui accueille les migrants.

Pape Jean-Paul II, message du saint-père pour la 87e Journée mondiale des migrants.

La migration est en train de prendre le caractère d’une urgence sociale, surtout en raison de l’augmentation des migrants en situation irrégulière qui, malgré les restrictions mises en place, apparaît incontrôlable. L’immigration illégale a toujours existé et a souvent été tolérée car elle favorise une réserve de personnel où l’on peut puiser au fur et à mesure que les migrants en situation régulière s’élèvent dans l’échelle sociale et s’insèrent de façon stable dans le monde du travail. […] L’immigration illégale doit être prévenue, mais il faut aussi combattre de façon énergique les initiatives criminelles qui exploitent l’expatriation clandestine. Le choix le plus approprié, destiné à porter des fruits importants et durables à long terme, est celui de la coopération internationale, qui vise à promouvoir la stabilité politique et à éliminer le sous-développement. Le déséquilibre économique et social actuel, qui alimente pour une grande part les courants de migration, ne doit pas être envisagé comme une fatalité, mais comme un défi au sens de responsabilité du genre humain. […] Aujourd’hui le phénomène des migrants en situation irrégulière a pris des proportions importantes, tant parce que l’offre de main d’œuvre étrangère devient disproportionnée par rapport aux exigences de l’économie qui a déjà du mal à absorber l’offre interne, qu’en raison de l’amplification des migrations forcées. […] Lorsqu’aucune solution n’est envisageable, ce sont ces institutions elles-mêmes qui devraient orienter leurs assistés, en leur fournissant éventuellement aussi une aide, soit matérielle, soit pour chercher accueil dans d’autres pays ou pour reprendre le chemin du retour dans leur patrie.

Migrants en situation irrégulière, message du pape Jean Paul II pour la Journée mondiale des migrants.

Si l’on favorise une intégration graduelle entre tous les migrants, toujours dans le respect de leur identité, en préservant dans le même temps le patrimoine culturel des populations qui les accueillent, on court moins le risque que les immigrés se concentrent en formant de véritables “ghettos”, où ils s’isolent du contexte social, en finissant parfois même par nourrir le désir de conquérir graduellement le territoire.

Migrations dans une vision de paix, message du pape Jean Paul II pour la 90e Journée mondiale du migrant et du réfugié (2004).

En outre, les immigrés ont le devoir de s’intégrer dans le pays d’accueil, en respectant ses lois et l’identité nationale.

Une seule famille humaine, message du pape Benoît XVI pour la 97e Journée mondiale du migrant et du réfugié (2011).

Celui qui arrive […] est tenu de ne pas se fermer à la culture et aux traditions du pays d’accueil, en respectant avant tout ses lois.

Discours du pape François aux participants au forum international « Migrations et paix », 21 février 2017.

De fait, la présence des migrants et des réfugiés interpelle sérieusement les diverses sociétés qui les accueillent. Elles doivent faire face à des faits nouveaux qui peuvent se révéler délétères s’ils ne sont pas correctement motivés, gérés et régulés.

Message du pape François pour la Journée mondiale des migrants et des réfugiés, 2016.

Il est important, ensuite, de souligner comment cette collaboration commence déjà par l’effort que chaque pays devrait faire pour créer de meilleures conditions économiques et sociales chez lui, de sorte que l’émigration ne soit pas l’unique option pour celui qui cherche paix, justice, sécurité, et plein respect de la dignité humaine. Créer des possibilités d’embauche dans les économies locales, évitera en outre la séparation des familles, et garantira les conditions de stabilité et de sérénité, à chacun et aux collectivités.

Message du pape François pour la Journée mondiale des migrants et des réfugiés (2014).

Ensuite, qu’est-ce que je pense des pays qui ferment leurs frontières ? Je crois qu’en théorie, on ne peut pas fermer son cœur à un réfugié, mais les gouvernants doivent aussi être prudents  : ils doivent être très ouverts pour les accueillir, mais également analyser comment pouvoir les installer, car il ne s’agit pas seulement de recevoir un réfugié, il faut aussi l’intégrer. […] Ici, on le paie en politique ; de même que l’on  peut faire les frais, en termes politiques, d’une imprudence, dans les calculs, en recevant plus de personnes qu’il n’est possible d’en intégrer. Car, quel est le danger quand un réfugié ou un migrant — cela vaut pour tous les deux — n’arrive pas à être intégré, n’est pas intégré ? Permettez-moi ce terme — c’est peut-être un néologisme — il se ghettoïse, il entre dans un ghetto. Et une culture qui ne se développe pas au contact de l’autre culture, cela est dangereux. […] J’ai parlé avec un fonctionnaire du gouvernement suédois, ces jours-ci, qui me faisait part de certaines difficultés en ce moment […] , des difficultés parce qu’il en arrive tant, qu’ils n’ont pas le temps de les installer, de leur trouver une école, une maison, du travail, de leur faire apprendre la langue. Etre prudent, c’est faire ce calcul.

Conférence de presse du pape François au retour de la Suède, 1er novembre 2016.

Pour résumer, les nations doivent faire preuve de prudence dans leurs politiques migratoires et chercher en priorité le bien-être et la sécurité de leurs citoyens. Elles ne doivent pas non plus accueillir des étrangers si c’est pour les exploiter ou les traiter dans de mauvaises conditions. Dans ce sens là, le chrétien peut donc être contre l’immigration à certains moments (quand son pays n’est plus capable d’accueillir pour des raisons économiques et/ou liées à la sécurité de ses citoyens).

Pour aller plus loin

Vous pouvez lire cet article : « La vertu du patriotisme » de Feser. Il présente dedans des arguments inspirés de Thomas d’Aquin et de philosophes catholiques pour défendre que le patriotisme (aimer son pays) est une vertu qui tient le juste milieu entre deux vices extrêmes opposés (la thèse traditionnelle d’Aristote reprise par les philosophes du Moyen Âge), entre le vice par excès qu’est le nationalisme1 (et le racisme, le mépris des étrangers) et le vice par défaut qu’est le fait de ne pas (assez) aimer son pays.

Vous pouvez aussi lire notre article « Aimer les nôtres avant les autres ? » qui défend d’un point de vue biblique qu’il faut aimer en priorité ceux qui nous sont proches (notre famille et notre pays).


Illustration : David Teniers le Jeune, Énée fuyant Troie, huile sur bois, 1655-1656 (Londres, Institut Courtauld).

  1. Il est vrai que ce terme nationalisme n’a pas toujours de connotation négative, mais dans cet article on considérera que c’est le cas, qu’il signifie trop aimer son pays au point de haïr l’étranger.[]

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