Les décrets rendent-ils les choses futures nécessaires ? Nous l’affirmons.
La question est soulevée entre nous et les pélagiens et semi-pélagiens (anciens et nouveaux) qui, pour établir plus facilement l’idole du libre arbitre, nie que les choses décrétées et préconnues soient nécessaires (ce que les orthodoxes maintiennent).
François Turretin, Institut de théologie élenctique, 4.4.1
Pour rappel, une chose nécessaire est une chose qui ne peut pas être autrement. Étymologiquement, il vient de non cedere « ne pas cesser ».
Il y a différentes sortes de nécessité, celle qui concerne le sujet de cette question est en gras sur le diagramme suivant :
Les deux autres sortes ne s’appliquent pas : Dieu n’a pas besoin de nous appliquer une contrainte extérieure pour obtenir ce qu’il veut, et tous les objets décrétés ne sont pas de nature nécessaire. Beaucoup d’entre eux sont contingents, et notamment nos décisions.
Argumentation (§§ 4-5)
Tout d’abord, toute chose décrétée par Dieu l’est par un conseil (ou « réflexion ») éternel et immuable. Elle arrive donc nécessairement, puisque le conseil de Dieu ne peut pas changer, ainsi que nous l’apprennent ces passages :
- Ésaïe 46,10 : J’annonce dès le commencement ce qui doit arriver, et longtemps d’avance ce qui n’est pas encore accompli ; je dis : mes arrêts subsisteront, et j’exécuterai toute ma volonté.
- Éphésiens 1,9 : Il nous a fait connaître le mystère de sa volonté, selon le bienveillant dessein qu’il avait formé en lui-même.
Ensuite, les Écritures affirment clairement cette nécessité :
- Matthieu 18,7 : Il est nécessaire qu’il arrive des scandales.
- Matthieu 26,54 : Comment donc s’accompliraient les Écritures, d’après lesquelles il doit en être ainsi ?
- Luc 22,22 : Le Fils de l’homme s’en va selon ce qui est déterminé.
- Actes 2,23 : Cet homme, livré selon le dessein arrêté et selon la préscience de Dieu.
- Actes 4,28 : pour faire tout ce que ta main et ton conseil avaient arrêté d’avance.
- 1 Corinthiens 11,19 : Il faut qu’il y ait aussi des sectes parmi vous.
Ensuite, même des choses contingentes et fortuites arrivent de façon nécessaire, d’après les Écritures :
- Une mort accidentelle ; Exode 21,12-13 : Celui qui frappera un homme mortellement sera puni de mort. S’il ne lui a point dressé d’embûches, et que Dieu l’ait fait tomber sous sa main, je t’établirai un lieu où il pourra se réfugier.
- Le tirage au sort ; Proverbes 16,33 : On jette le sort dans le pan de la robe, mais toute décision vient de l’Éternel.
- Les moineaux et la chute des cheveux ; Matthieu 10,29-30 : Ne vend-on pas deux passereaux pour un sou ? Cependant, il n’en tombe pas un à terre sans la volonté de votre Père. Et même vos cheveux sont tous comptés.
- La préservation des os du Christ ; Jean 19,36 : Ces choses sont arrivées, afin que l’Écriture soit accomplie : aucun de ses os ne sera brisé.
- Sa mort ; Actes 4,28 : Hérode et Ponce Pilate se sont ligués dans cette ville avec les nations et avec les peuples d’Israël, pour faire tout ce que ta main et ton conseil avaient arrêté d’avance.
Ensuite, toute chose qui arrive est connue d’avance infailliblement. Donc elles arrivent nécessairement. L’infaillibilité de la connaissance de Dieu est présentée ici :
- Actes 15,18 : dit le Seigneur, qui fait ces choses, et à qui elles sont connues de toute éternité.
- Hébreux 4,13 : Nulle créature n’est cachée devant lui, mais tout est nu et découvert aux yeux de celui à qui nous devons rendre compte.
Enfin, quand les choses sont prédites, les Écritures affirment qu’elles arriveront avec certitude, sinon l’autorité des Écritures est en jeu. Elles arrivent donc nécessairement non parce qu’elles sont nécessaires en elles-mêmes (elles peuvent arriver de façon contingente ou fortuite) mais parce que leur existence est nécessaire.
Réponses aux objections (§§ 6-11)
§ 6 : Si une chose arrive de façon nécessaire, alors elle n’est pas libre. Or la Bible décrit qu’elles arrivent librement. Donc elles n’arrivent pas de façon nécessaire.
→ Cf. le diagramme ci-dessus : il existe une nécessité hypothétique qui ne supprime pas la liberté comme le fait la nécessité de « coaction ». C’est de cela dont on parle. La chose est libre et contingente, mais son existence et sa venue sont nécessaires et décrétées.
§ 7 : Alors, en rendant le péché nécessaire, Dieu en est l’auteur !
→ Non, car la cause du péché n’est toujours pas le décret de Dieu, mais la décision de l’homme. Le décret n’aboutit pas à la chose, ni n’est efficace pour faire le mal, il n’est que permissif et directif.
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