Récemment, André Pinard a sorti un article sur les fameux « 5 points du calvinisme ». Bien que je n’aime pas cette expression et que je ne l’utilise plus, je pense que l’article est plutôt bon et j’y ai réagi en commentaire en particulier sur la façon dont l’expiation définie est souvent… définie justement. Je reproduis mon commentaire ici puisqu’il peut être utile dans la discussion.
Salut ! Bon article, il y a en effet une unité organique entre les « 5 points » et une vraie incohérence à en accepter un tout en rejetant les autres. Comme je le disais ailleurs, je pense néanmoins que le débat autour de l’expiation limitée est un faux débat.
Si on lit les Canons de Dordrecht et le Catéchisme de Heidelberg, nous voyons explicitement (surtout dans le catéchisme) que l’expiation n’était pas définie en terme de quantité d’individus sauvés mais en terme de nature. C’est comme demander si Christ a revêtu la nature des élus ou celle de tous les hommes, ça n’a pas de sens, une nature n’est pas un individu : Christ a revêtu la nature humaine.
Il en est de même pour l’expiation : c’est en tant qu’homme qu’il s’est offert car c’est dans la nature humaine que la faute a été commise.
Ainsi, une formulation plus exacte de l’expiation dira par exemple que l’expiation objective sur la croix était une offrande de la nature humaine pour satisfaire la justice divine tandis que l’application subjective qu’en fait le Saint-Esprit ne concerne que les élus, puisque c’est à eux que l’expiation est destinée.
Autrement dit, il faut distinguer l’intention et le moyen. L’intention était bien de sauver les élus et uniquement eux, et Christ n’a pas échoué ici pour une seule de ses brebis. Le moyen a été de revêtir la nature humaine et de payer en elle à la croix.
Ceci n’est pas de l’Amyraldianisme (ou calvinisme-4-points) car ces derniers soutiennent que Christ avaient l’intention de sauver tous les hommes, ce que je ne crois pas. Le point de vue que je défends est celui qui fut majoritaire chez les réformés (calvinistes), comme le montre Richard A. Muller, avant que John Owen ne reformule l’expiation définie en termes subjectifs.
Cette conception de l’expiation est aussi plus en continuité avec la théologie médiévale de l’expiation telle que développée par Anselme dans Cur Deus Homo ou avec la théologie luthérienne. Mais surtout, cette formulation me semble faire justice à un grand nombre de textes de l’Ecriture qui souligne de la caractère universel de la rédemption, tout en ne faisant pas l’impasse sur ceux qui proclament clairement l’intention derrière la croix : racheter les élus. Finalement, je pense que cette formulation a une force de persuasion plus grande que la formulation classique, précisément parce qu’elle est plus proche du langage de l’Écriture. Or, en tant que calvinistes, nous devons toujours chercher à communiquer ces précieuses vérités de la meilleure manière afin de convaincre les arminiens.
Aujourd’hui, il est quelque peu compliqué de comprendre cette question de nature humaine puisque la notion de nature se fait rare dans les discussions théologiques, sauf en christologie et théologie propre quand nous définissons l’incarnation et la Trinité. Pourtant, et c’est bien là l’apport principal d’Anselme à la théologie, il y a un lien indissoluble entre incarnation et expiation : c’est parce que Christ devait payer dans la nature humaine qu’il l’a revêtu. Ne séparons pas ce que Dieu a unit !
Alors, je profite simplement de la publication de cet article pour faire ces quelques remarques et je vous laisse avec la section du catéchisme à laquelle je fais référence :
Q. 12: Puisque nous avons donc mérité, selon le juste jugement de Dieu, une peine temporelle et éternelle, comment pourrions-nous y échapper et rentrer à nouveau en grâce?
Dieu veut que sa justice soit satisfaite (Exode 20.5; 23.7). C’est pourquoi nous devons lui faire un entier paiement, soit par nous-mêmes, soit par un autre (Romains 8.3-4).
Q. 13: Mais pouvons-nous faire ce paiement par nous-mêmes?
Nullement. Nous augmentons au contraire journellement notre dette (Job 9.1-3; 15.15; Matthieu 6.12).
Q. 14: Mais une créature quelconque peut-elle payer pour nous?
Aucune. Car d’abord Dieu ne veut punir aucune autre créature d’une faute dont l’homme s’est rendu coupable (Hébreux 2.14ss.); ensuite, aucune simple créature ne peut supporter le poids de la colère éternelle de Dieu contre le péché, ni en délivrer d’autres (Psaumes 130.3).
Q. 15: Quel médiateur et libérateur devons-nous alors chercher?
Quelqu’un qui soit un vrai homme (1 Corinthiens 15.21) et qui soit juste (Jérémie 33.16; Esaïe 53.9; 2 Corinthiens 5.21; Hébreux 7.16), et qui cependant soit plus fort que toutes les créatures, c’est-à-dire qui soit en même temps vrai Dieu (Esaïe 7.14; Romains 9.5; Jérémie 23.5s.).
Q. 16: Pourquoi doit-il être un vrai homme et qui soit juste?
Parce que la justice de Dieu exige (Romains 5.12, 15) que la nature humaine, qui a péché, paie pour le péché; mais un homme qui serait lui-même pécheur ne pourrait pas payer pour les autres (1 Pierre 3.18; Esaïe 53.3-5, 10-11).
Q. 17: Pourquoi doit-il être en même temps vrai Dieu?
Pour que, par la puissance de sa divinité (Esaïe 53.8; Actes 2.24; 1 Pierre 3.18), il puisse supporter le poids de la colère de Dieu dans son humanité, et nous acquérir (Jean 3.16; Actes 20.28) et nous rendre la justice et la vie (Jean 1.4).
Q. 18: Mais qui est ce Médiateur qui est à la fois vrai Dieu et un vrai homme qui soit juste?
Notre Seigneur Jésus-Christ (Matthieu 1.23; 1 Timothée 3.16; Luc 2.11), qui nous est donné pour notre délivrance et notre justice parfaites (1 Corinthien 1.30).
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