Irénée de Lyon sur la Loi naturelle
21 avril 2018

Voici quelques extraits de Contre les Hérésies 4.16 qui nous laisse penser que les pères faisaient déjà une distinction au sein de la Loi mosaïque et que Thomas D’Aquin n’en est pas l’inventeur :

Les préceptes naturels de la Loi — c’est-à-dire ceux par lesquels l’homme est justifié et qu’observaient, même avant le don de la Loi, ceux qui par leur foi étaient justifiés et plaisaient à Dieu —, ces préceptes- là, le Seigneur ne les a pas abolis, mais étendus et accomplis. C’est ce que prouvent ces paroles : « Il a été dit aux anciens : Tu ne commettras pas d’adultère. Mais moi, je vous dis : Quiconque regarde une femme pour la convoiter a déjà commis l’adultère avec elle dans son cœur. » Et encore : « Il a été dit : Tu ne tueras pas. Mais moi, je vous dis : Quiconque se met en colère contre son frère sans motif sera justiciable du jugement. » Et : « Il a été dit : Tu ne feras pas de faux serments. Mais moi, je vous dis de ne faire aucune sorte de serments. Que votre oui soit oui, et votre non, non ! » Et ainsi de suite. Tous ces préceptes n’impliquent ni la contradiction ni l’abolition des précédents, comme le vocifèrent les disciples de Marcion, mais leur accomplissement et leur extension. Comme le Seigneur le dit lui-même : « Si votre justice ne dépasse celle des scribes et des Pharisiens, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux. » En quoi consistait-il, ce dépassement ? D’abord, à croire non plus seulement au Père, mais aussi à son Fils dorénavant manifesté, car c’est lui qui mène l’homme à la communion et à l’union avec Dieu. Ensuite, à ne pas dire seulement, mais à faire — car ils disaient et ne faisaient pas —, et à se garder non seulement des actes mauvais, mais même de leur désir. En enseignant cela, il ne contredisait pas la Loi, mais il accomplissait la Loi et enracinait en nous les prescriptions de la Loi. Contredire la Loi, c’eût été d’ordonner à ses disciples de faire quoi que ce fût que défendait la Loi. En revanche, leur prescrire l’abstention non seulement des actes défendus par la Loi, mais même de leur désir, ce n’était pas le fait de quelqu’un qui contredisait et abolissait la Loi, ainsi que nous l’avons déjà dit, mais de quelqu’un qui l’accomplissait et l’étendait.

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C’est pourquoi le Seigneur nous a donné pour mot d’ordre, au lieu de ne pas commettre d’adultère, de ne pas même convoiter; au lieu de ne pas tuer, de ne pas même nous mettre en colère ; au lieu de payer simplement la dîme, de distribuer tous nos biens aux pauvres ; d’aimer non seulement nos proches, mais aussi nos ennemis ; de ne pas seulement être «généreux et prompts à partager », mais encore de donner gracieusement nos biens à ceux qui nous les prennent : « A qui prend ta tunique, dit-il, abandonne aussi ton manteau ; à qui prend ton bien, ne réclame pas ; et ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le pour eux» : de la sorte, nous ne nous attristerons pas comme des gens qu’on aurait dépossédés contre leur gré, mais nous nous réjouirons au contraire comme des gens qui auraient donné de bon cœur, puisque nous ferons un don gratuit au prochain plus que nous ne céderons à la nécessité. « Et si quelqu’un, dit-il, te contraint à faire un mille, fais-en avec lui deux autres », afin de ne pas le suivre comme un esclave, mais de le précéder comme un homme libre, te rendant en toutes choses utile à ton prochain, ne considérant pas sa méchanceté, mais mettant le comble à ta bonté et te configurant au Père « qui fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons et pleuvoir sur les justes et sur les injustes». Tout cela, nous l’avons dit plus haut, n’était pas le fait de quelqu’un qui abolissait la Loi, mais de quelqu’un qui l’accomplissait et l’étendait chez nous. Autant dire qu’est plus considérable le service de la liberté et qu’une soumission et une piété plus profondes ont été implantées en nous à l’égard de notre Libérateur. Car celui-ci ne nous a pas libérés pour que nous nous détachions de lui — nul ne peut, placé hors des biens du Seigneur, se procurer la nourriture du salut —, mais pour que, ayant reçu plus abondamment sa grâce, nous l’en aimions davantage et que, l’ayant aimé davantage, nous recevions de lui une gloire d’autant plus grande quand nous serons pour toujours en présence du Père.

«Je ne vous appelle plus esclaves, mais je vous ai appelés amis »

Ainsi donc, tous les préceptes naturels sont communs à nous et à eux, ayant eu chez eux leur commencement et leur origine et ayant reçu chez nous leur accroissement et leur extension : car obéir à Dieu, suivre son Verbe, l’aimer par-dessus tout et aimer son prochain comme soi-même — et c’est l’homme qui est le prochain de l’homme —, s’abstenir de tout acte mauvais, et ainsi de suite, tout cela est commun aux uns et aux autres. Par là, ces préceptes naturels manifestent un seul et même Seigneur. Et celui-ci n’est autre que notre Seigneur, le Verbe de Dieu, qui a d’abord engagé les hommes dans une servitude à l’égard de Dieu et qui a ensuite libéré ceux qui lui étaient soumis.

>> Lisez : Clément d’Alexandrie sur la division de la loi de Moïse.

Maxime Georgel

Maxime est interne en médecine générale à Lille. Fondateur du site Parlafoi.fr, il se passionne pour la théologie systématique, l'histoire du dogme et la philosophie réaliste. Il affirme être marié à la meilleure épouse du monde. Ils vivent ensemble sur Lille avec leurs trois enfants, sont membres de l'Église de la Trinité (trinitelille.fr) et sont moniteurs de la méthode Billings.

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