Une défense exégétique de la Loi Naturelle (1/5) : Introduction – Andrew Fulford
3 juillet 2019

Cet article est une traduction du premier article de la série “An exegetical case for natural law” d’Andrew Fulford publiée sur The Calvinist International. Vous pouvez retrouver l’ensemble des articles de cette série ici.


Même si la loi naturelle est beaucoup associée aux moines guindés et aux philosophes dans leur tour d’ivoire, il est difficile de nier qu’elle est récemment devenue sexy. En tout cas, c’est ce qu’a permis le sujet de cette discussion. Les auteurs ont débattu des implications et des applications métaphysiques, épistémologiques, scientifiques, théologiques, éthiques, politiques et même ecclésiologiques de la loi naturelle. Jusqu’à présent, cependant, personne n’a encore présenté d’argument exhaustif sur la place de la loi naturelle dans la Bible, et non plus seulement dans sa relation avec cette dernière.

Mais dans tout son contenu, la Bible suppose, et dans certains passages fait explicitement appel à la loi naturelle. Le livre écrit de Dieu témoigne sans cesse de l’autre livre de Dieu, le livre de la nature. Pour le prouver, j’irai de la Genèse à l’Apocalypse, en soulignant, en cours de route, quelques points importants.

Cependant, avant d’entreprendre une telle tâche, je dois également dissiper quelques idées fausses sur ce qu’est la loi naturelle.

Ce que la Loi Naturelle n’est pas

Repérer les erreurs de certains spécialistes sur ce sujet nous permettra de clarifier notre objectif.

La loi naturelle n’est pas mécanique ni sans exception.

En effet, même les « lois de la nature », moins compliquées, que les physiciens et les chimistes étudient ne sont pas totalement « sans exception ». Edward Feser, dans The Last Superstition, cite les travaux de la philosophe des sciences Nancy Cartwright :

L’idée de « régularités » ou de « lois de la nature » est donc trompeuse, de l’avis de Cartwright, étant donné que la science découvre en fait peu de lois ou de régularités en dehors de conditions très artificielles. En effet, elle soutient que la notion même de « loi » scientifique est une relique de l’époque où Newton et Cie ont entrepris de découvrir les plans par lesquels Dieu dirige le monde, et ne peut être comprise sans la notion de législateur divin – une idée à laquelle peu d’hommes actuels souscriraient. Au sens strict, ce que la science découvre, ce sont les natures universelles des choses et les puissances qui leur sont inhérentes, et parler de « lois de la nature » ne peut être qu’un raccourci pour cela. Comme le dit Cartwright, « les empiristes de la révolution scientifique voulaient complètement évincer Aristote du nouveau savoir », mais « ils ne l’ont pas fait ».1

En réalité, ce que les scientifiques découvrent, ce sont

…les puissances inhérentes à une chose qu’elle exprimera naturellement lorsque les conditions interférentes seront supprimées, et le fait que quelques expériences, ou même une seule expérience contrôlée, sont prises pour établir les résultats en question indique que ces puissances sont utilisées pour refléter une nature qui est universelle aux choses de ce type-là. 2

Ainsi, ce que les Aristotéliciens appellent « loi naturelle », c’est en fait les puissances naturelles des choses qui se manifestent ; et quand elles interagissent avec les puissances naturelles d’autres choses, différents résultats en découlent. Ce point nous aide à comprendre la relation entre l’action divine et la loi naturelle : en plus de soutenir les choses par leurs puissances naturelles dans leur être, Dieu peut aussi agir d’une manière extraordinaire. Mais ce n’est pas une « violation » de la loi naturelle, puisqu’il n’y a rien dans les puissances des choses créées qui empêche Dieu d’agir envers elles d’une manière extraordinaire. En d’autres termes, si nous insérons la véritable loi naturelle dans les prémisses de l’argument de Hume contre les miracles, cela se résumerait à quelque chose comme cela : « Puisque Dieu ne fait généralement pas que les créatures soient comme X, Dieu ne fera jamais que les créatures soient comme X ». Quiconque s’est déjà permis occasionnellement un repas coûteux pourra relever l’erreur.

Et cela nous donne une première indication quant à la relation de la révélation naturelle avec la révélation spéciale. Rien dans la loi naturelle n’exige que Dieu ne communique autrement que par la création elle-même. La loi naturelle, en effet, en indiquant l’existence d’un Créateur absolu, nous dit que (a) Dieu peut communiquer de cette manière, et que (b) s’il le fait, nous devons obéir à sa communication. L’obéissance à la révélation spéciale est en fait aussi l’obéissance aux principes de la loi naturelle.3

La loi naturelle n’est pas autonome ou indépendante par rapport à Dieu.

Certains auteurs contemporains zélés pour l’autorité sans égale de Dieu ont exprimé leur inquiétude au sujet de la pensée de la loi naturelle, supposant qu’elle est une potentielle rivale de Dieu. Mais si cela pourrait être vrai dans une sorte d’univers où Dieu était un extra-terrestre fini, semblable à Zeus, immatériel et où la loi naturelle était une chose impersonnelle structurant l’univers sans explication de son existence, cela n’est certainement pas vrai dans la théologie et la cosmologie du théisme classique.

Thomas d’Aquin, dans sa Summa Contra Gentiles, I.13.35, présente une itération de sa célèbre « Cinquième Voie » :

Jean Damascène apporte ici [La foi orthodoxe I.3] une autre raison tirée du gouvernement des choses, argument qu’Averroès indique également au IIe Livre des Physiques. La voici. Il est impossible que des réalités contraires et discordantes s’accordent dans un ordre unique, en tout temps ou la plupart du temps, à moins qu’on ne les gouverne de telle manière qu’elles tendent toutes et chacune vers une fin déterminée. Or nous constatons dans le monde que des réalités de nature différente s’accordent en un ordre unique, non pas rarement ou comme par hasard, mais en tout temps ou la plupart du temps. Il est donc nécessaire qu’il existe un être dont la providence gouverne le monde. Cet être, nous l’appelons Dieu. 

L’ordre unifié de diverses choses naturelles est une manière pour Thomas de parler de la loi naturelle, et en cela, il soutient que nous ne pouvons nous empêcher de voir la providence de Dieu. La loi naturelle est simplement la manière dont Dieu dirige l’univers. Donc, clairement, la loi naturelle n’est pas « autonome ». Au contraire, toute la réalité est en soi théonomique.

Et la loi naturelle n’est pas non plus « indépendante » de Dieu. Sur ce point, nous n’avons pas besoin d’aller plus loin que la « Deuxième Voie » de Thomas :

La seconde voie part de la notion de cause efficiente. Nous constatons, à observer les choses sensibles, qu’il y a un ordre entre les causes efficientes ; mais ce qui ne se trouve pas et qui n’est pas possible, c’est qu’une chose soit la cause efficiente d’elle-même, ce qui la supposerait antérieure à elle-même, chose impossible. Or, il n’est pas possible non plus qu’on remonte à l’infini dans les causes efficientes ; car, parmi toutes les causes efficientes ordonnées entre elles, la première est cause des intermédiaires et les intermédiaires sont causes du dernier terme, que ces intermédiaires soient nombreux ou qu’il n’y en ait qu’un seul. D’autre part, supprimez la cause, vous supprimez aussi l’effet. Donc, s’il n’y a pas de premier, dans l’ordre des causes efficientes, il n’y aura ni dernier ni intermédiaire. Mais si l’on devait monter à l’infini dans la série des causes efficientes, il n’y aurait pas de cause première ; en conséquence, il n’y aurait ni effet dernier, ni cause efficiente intermédiaire, ce qui est évidemment faux. Il faut donc nécessairement affirmer qu’il existe une cause efficiente première, que tous appellent Dieu.

>> Cet article peut vous intéresser : Les cinq voies de Thomas D’Aquin

Comme l’ordre de l’univers montre que Dieu le gouverne, ainsi l’existence de l’univers ordonné exige que Dieu le soutienne dans son être. Sans une cause fondamentale – ou première – qui accorde l’existence aux choses à chaque instant, rien n’existerait, et certainement pas un univers d’êtres aux natures diverses mais ordonnées. Ainsi, la loi naturelle dans la conception théiste classique n’est ni autonome ni indépendante de Dieu. En fait, l’univers des natures ordonnées que tous les hommes perçoivent directement prouve que Dieu doit exister.

La loi naturelle n’est pas le ius gentium.

L’identification de la loi naturelle avec les lois communes à toutes les nations reflète une autre idée fausse. Le ius gentium est un témoignage indirect à la loi naturelle, en ce sens que l’explication la plus simple à la persistance de ces points communs jurisprudentiels est que tous les hommes peuvent y discerner le sens à la lumière des besoins de leur nature humaine commune. Mais la perception subjective de la loi naturelle est distincte de la chose elle-même, tout comme les interprétations de la Bible sont distinctes du texte de l’Écriture elle-même. De plus, tout comme les contradictions dans l’interprétation des Écritures, les contradictions de loi entre les nations ne réfutent pas que la nature ait une signification objective, intrinsèque à son « texte » comme l’a voulu son Auteur.4

Ce qu’est la Loi Naturelle

C’est un ordre divinement imposé, intrinsèque aux êtres qui existent.

Ceux qui ont soigneusement suivi le raisonnement auront déjà une idée de ce qu’est la loi naturelle, mais une définition positive n’en reste pas moins utile. Thomas résume l’idée de la façon suivante (Summa Theologiae I-II.91.1–2):

On a vu que la loi n’est pas autre chose qu’une prescription de la raison pratique chez le chef qui gouverne une communauté parfaite. Il est évident par ailleurs – étant admis que le monde est régi par la providence divine -, que toute la communauté de l’univers est gouvernée par la raison divine. C’est pourquoi la raison, principe du gouvernement de toutes choses, considérée en Dieu comme dans le chef suprême de l’univers, a raison de loi. Et puisque la raison divine ne conçoit rien dans le temps mais a une conception éternelle, comme disent les Proverbes (8, 23), il s’ensuit que cette loi doit être déclarée éternelle.

On a dit tout à l’heure que la loi, étant une règle et une mesure, peut se trouver en quelqu’un d’une double manière : tout d’abord comme en celui qui établit la règle et la mesure ; et en second lieu comme en celui qui est soumis à celle-ci, puisque ce dernier est réglé et mesuré pour autant qu’il participe en quelque manière de la règle et de la mesure. Par conséquent, comme tous les êtres qui sont soumis à la providence divine sont réglés et mesurés par la loi éternelle (selon les explications données), il est évident que ces êtres participent en quelque façon de la loi éternelle par le fait qu’en recevant l’impression de cette loi en eux-mêmes, ils possèdent des inclinations qui les poussent aux actes et aux fins qui leur sont propres.

Or, parmi tous les êtres, la créature raisonnable est soumise à la providence divine d’une manière plus excellente par le fait qu’elle participe elle-même de cette providence en pourvoyant à soi-même et aux autres. En cette créature, il y a donc une participation de la raison éternelle selon laquelle elle possède une inclination naturelle au mode d’agir et à la fin qui sont requis. C’est une telle participation de la loi éternelle qui, dans la créature raisonnable, est appelée loi naturelle.

La loi naturelle est le fait que Dieu gouverne l’univers rationnellement et avec sagesse en maintenant, dans leur être, les choses créées qui évoluent naturellement vers des buts précis. Les roches et l’eau obéissent aux cycles de la roche et de l’eau, les oiseaux volent, mangent, construisent des nids et élèvent leurs petits, les plantes utilisent l’eau, le sol et la photosynthèse pour croître et se reproduire, et les êtres humains agissent vers certaines fins spécifiées par leur nature unique.

Cet ordre imposé par Dieu a une « valeur » inhérente ; le « devoir-être » est intrinsèque à l’ « être » du monde.

C. S. Lewis l’a exprimé ainsi :

Pour des raisons de concision, je donnerai désormais simplement le nom de Tao à cette conception des choses, quelle que soit la forme qu’elle revêt, platonicienne, aristotélicienne, stoïcienne, chrétienne ou orientale. Certains des exemples que j’en donne dans cet ouvrage sembleront peut-être à d’aucuns quelque peu bizarres, voire proches du magique. Mais nous ne pouvons nous permettre d’ignorer ce qu’ils ont tous en commun. J’entends par là la doctrine de l’objectivité des valeurs, la conviction que certaines attitudes sont véritablement conformes à la réalité de ce qu’est l’univers et de ce que nous sommes, tandis que d’autres ne le sont pas. Ceux qui connaissent le Tao peuvent soutenir qu’appeler les enfants « mignons » et les vieillards « vénérables » n’est pas simplement restituer un fait psychologique au sujet de nos propres émotions parentales ou filiales du moment ; c’est plutôt reconnaître une qualité qui exige une certaine réaction de notre part, que nous l’ayons ou non. En ce qui me concerne, je n’apprécie pas particulièrement la compagnie des jeunes enfants; mais parce que je me place du point de vue du Tao, je reconnais que c’est là quelque chose qui me manque, tout comme on peut avoir à admettre qu’on n’a pas l’oreille musicale ou qu’on est insensible à certaines couleurs. Et parce qu’approuver ou désapprouver, c’est reconnaître une valeur objective ou répondre à un ordre objectif des choses, nous devons en conclure que nos états émotionnels peuvent être en accord avec la raison (quand nous éprouvons de l’affection pour ce qui est digne d’être approuvé), ou en désaccord avec elle (quand nous sommes incapables d’éprouver de l’amour pour ce que nous savons être digne d’amour). Aucune émotion n’est en elle-même un jugement ; en ce sens, les émotions et les sentiments se situent tous en dehors de la logique. Mais ils peuvent être raisonnables dans la mesure où ils se conforment ou non à la raison. Le cœur ne peut jamais prendre la place de la tête ; mais il peut, et doit, lui obéir. 5

Le Dr Feser l’explique différemment :

Comme tout le reste, les êtres humains ont une cause formelle – leur forme [étant] l’essence ou la nature – et cette cause formelle implique certaines causes finales pour leurs capacités diverses. Ainsi, par exemple, notre nature ou notre essence est d’être des animaux rationnels, et la raison ou l’intellect a comme cause finale la connaissance de la vérité. C’est pourquoi atteindre la vérité est bon pour nous, tout comme la récolte des glands est bonne pour un écureuil. Ce ne sont là que des faits objectifs ; car le sens du « bien » en question est ici tout à fait objectif, en ce sens qu’il ne s’agit pas d’une préférence subjective que nous avons pour une chose, mais plutôt de la conformité d’une chose à une nature ou une essence comme une sorte de paradigme (la manière dont, là encore, un « bon » triangle n’est que celui dont les côtés sont parfaitement droits, ou un « bon » écureuil n’est pas celui auquel il manque une queue). Nous sommes également par nature orientés vers la poursuite de ce que nous considérons comme étant bon. C’est un autre fait objectif, et pour les mêmes raisons. Mais alors, quand l’intellect perçoit que ce qui est en fait bon est la poursuite de la vérité, il s’ensuit que si nous sommes rationnels, ce à quoi nous accorderons de la valeur est la poursuite de la vérité. La « valeur » – ou plutôt, comme le disent les anciens et les médiévaux, le bien – découle du fait, parce qu’elle est intégrée dans la structure des faits dès le départ. 6

Les natures des êtres qui existent sont intrinsèquement orientées vers certaines fins : les mains existent pour saisir, le système digestif pour digérer, les jambes pour se lever et marcher, etc. Un protestant, plus ancien, Richard Hooker, a écrit de la même manière :

Dieu seul excepté, qui est réellement et éternellement ce qu’il est, et qui ne peut pas être ce qu’il n’est pas maintenant ; toutes les autres choses sont quelque peu en puissance, ce dont elles ne sont encore en acte. C’est pourquoi il y a en toutes choses un appétit ou un désir, par lesquels elles penchent vers ce qu’elles peuvent être ; et quand elles le seront, elles seront plus parfaites que ce qu’elles sont maintenant. Toutes ces perfections sont comprises sous le nom général de Bonté. Et parce qu’il n’y a rien dans le monde qui empêche qu’un autre ne devienne, d’une manière ou d’une autre, le perfectionneur, toutes les choses qui sont, par conséquent, sont bonnes.

Encore une fois, puisqu’il ne peut y avoir de bonté désirée qui ne procède pas de Dieu lui-même, cause suprême de toutes choses ; et tout effet contient, au moins ressemble à, la cause de laquelle il procède : toutes les choses dans le monde, en quelque sorte, recherchent le plus élevé, et convoitent plus ou moins, la participation de Dieu lui-même. Pourtant, cela ne se manifeste nulle part autant qu’en l’homme, car il y a tant de perfections que l’homme recherche. 7

Pour tous les objets créés, leurs potentiels naturels concrétisés est le bien pour eux : c’est leur perfection. Ainsi, le « devoir-être » est inhérent aux diverses fins vers lesquelles tous les êtres sont dirigés. Le « devoir-être » fait partie du fait objectif du monde, et n’est pas seulement une perspective subjective qui lui est imposée.

Une autre remarque doit être faite au sujet de la relation de l’humanité avec la loi naturelle. Parmi les créatures terrestres, l’être humain est unique dans sa liberté. Aucune autre créature n’a la capacité rationnelle et le choix de pécher contre Dieu ; tous les autres êtres (à l’exception des anges déchus) du ciel et de la terre obéissent continuellement à la loi de Dieu, mais les êtres humains ont la capacité de remplacer le mal par le bien, et de choisir le mal parce qu’ils ont décidé que cela est bon pour eux. Pourtant, même en faisant cela, ils continuent, dans un sens, d’obéir à la loi naturelle : ils considèrent les plaisirs du péché comme étant le véritable bien, et les choisissent puisqu’ils croient que ces plaisirs sont bons. Ils ne choisissent pas le mal comme le mal, mais le mal perçu à tort comme le bien. Mais bien entendu, cela ne les excuse pas, car cette perception erronée est en fin de compte coupable, fondée sur la suppression volontaire d’une connaissance évidente (cf. Romains 1). 

Mes hypothèses

Ceci conclut ma digression définitionnelle. Étant donné cette conception de la loi naturelle, le but principal de cette série sera de montrer que l’Écriture présuppose que ce concept reflète la réalité. Pour être plus précis, je vais essayer de prouver que les propositions suivantes sont soutenues par la Bible :

(N1) Qu’il existe un ordre objectif de l’univers du type décrit ci-dessus ;

(N2) Que cet ordre est objectivement visible, présent pour être observé, que l’on porte ou non les lunettes de l’Écriture ;

(N3) Qu’au moins certaines personnes non régénérées perçoivent cet ordre.

Un dernier commentaire, concernant la relation entre ces hypothèses. Les principes de justice suggèrent que, si N1 est vrai, les deux autres doivent l’être aussi. En d’autres termes, si Dieu a établi un ordre qui lie moralement les gens de manière intrinsèque, alors il ne peut pas les tenir pour responsables de leurs transgressions s’il ne leur fait pas connaître cet ordre. Pour le reste de l’étude, je ne m’attarderai pas sur ce lien logique entre les prémisses ; cependant, sa pertinence rend l’argument plus puissant dans son ensemble.


  1. [traduction libre] Edward Feser, The Last Superstition: A Refutation of the New Atheism (South Bend, IN: St. Augustine’s Press, 2008), 262–63. 
  2. [traduction libre] Ibid, 262. 
  3. Bien que je ferai souvent appel à l’excellent travail du Dr Markus Bockmuehl sur ces questions, je dois maintenant m’attarder sur sa conclusion concernant la loi naturelle dans la tradition de Jésus (Jewish Law in Gentile Churches: Halakhah and the Beginning of Christian Public Ethics, 126). Il écrit : « Pour la tradition de Jésus, l’ordre moral de la création fait partie de la volonté de Dieu ; et pourtant la juste lecture de la création n’est pas auto-authentifiante, mais reste dépendante de la perspective du royaume ». L’affirmation du Dr Bockmuehl suppose peut-être que Jésus ne considérerait pas son éthique comme étant cohérente avec une lecture « auto-authentifiante » de la loi naturelle dansle contexte historique spécifique de l’ajout d’une révélation spéciale. Mais, en fait, le but ultime du royaume est l’accomplissement de la loi naturelle : la promesse à Abraham de bénédictions pour le monde. Ces bénédictions présupposent une certaine structure de la nature humaine qui détermine ce qu’est une bénédiction pour les gens et ce qu’est une malédiction (ou bien les bénédictions et les malédictions ne pourraient être distinguées par expérience). Les malédictions étaient ainsi parce qu’elles rendaient plus difficiles les processus naturels visant à l’épanouissement de l’homme. Les bénédictions, au minimum, atténuent les effets de ces malédictions, et amènent également ces processus naturels à leur apogée historiquement désirée sans cesse. La venue du royaume en Christ est en fin de compte l’accomplissement des intentions créatrices de Dieu, renversant définitivement la malédiction. Pour cette raison, l’accomplissement des buts du royaume est un bien plus grand que l’accomplissement de buts naturels moindres et plus réguliers. De plus, Dieu est ultimement le meilleur juge de ce qu’est le meilleur jugement dans un contexte historique donné, en tenant pleinement compte à la fois de la loi naturelle et de ce contexte. Parce que la loi naturelle nous ordonne d’accomplir le plus grand bien, elle nous ordonne d’obéir à une révélation spéciale lorsqu’elle exige parfois de nous abstenir d’un bien naturel (comme le mariage) pour les buts du royaume. Et cela signifie que la lecture « auto-authentifiante » de la loi naturelle est, en fait, tout à fait cohérente avec la vie et les enseignements de Jésus tels qu’ils sont rapportés dans les Évangiles.
  4. L’analogie entre l’interprétation d’un texte et celle de la nature n’est pas seulement ornementale. La même activité intellectuelle s’exerce dans les deux cas : le destinataire ou le lecteur détecte l’intentionnalité, ou le dessein, dans ce qu’il perçoit de manière empirique. Qu’il s’agisse de personnages symboliques ou d’un être matériel, le perceptummanifeste une intentionnalité, en ce sens que son existence et ses caractéristiques visent clairement une certaine fin : dans le cas des mots, la communication des idées, et dans le cas des êtres matériels, l’actualisation de leurs potentiels naturels. Une incohérence réelle survient quand quelqu’un reconnaît l’intentionnalité dans la communication, mais pas dans le monde matériel ; et de la part des matérialistes qui tentent de résoudre l’incohérence, il en résulte des conclusions manifestement insensées et fausses. Pour en savoir plus à ce sujet, lisez ceci, et pour une réponse à un philosophe qui incarne cette pensée, voir iciici, et ici
  5. C.S. Lewis, L’Abolition de l’Homme (Éditions Raphaël, 2000), 33-34.
  6. [traduction libre] Feser, The Last Superstition, 139.
  7. [traduction libre] Richard Hooker, Of the Laws of ecclesiastical Polity, First book, V, § 1-2, dans The Works of Richard Hooker, vol.1 (John Keble, 1888) (https://oll.libertyfund.org/titles/921#lf0172-01_label_699)

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