Concluons cette petite série d’article sur les quelques notions (thomistes) de base qui vous permettront de faire de la métaphysique facilement et dont la tradition chrétienne occidentale a fait un grand usage, réformés compris. Nous parlerons cette fois des 4 causes.
Une chose est, mais de quoi est-elle faite ? Aristote distinguait ainsi 4 causes :
- La cause finale : le but d’un objet, ce pour quoi il est fait.
- La cause formelle : ce que cet objet est, sa définition (ou bien plutôt, sa Forme au sens aristotélicien)
- La cause matérielle : de quoi/quel genre de matière cet objet est fait. En langage aristotélicien, on parlera de quelle est sa matière.
- La cause efficiente : comment ou par quoi cet objet est venu à l’existence ? C’est généralement cette cause là qui est étudiée par la Science.
Et c’est tout, c’est aussi simple que cela ! Quand vous voulez étudier un
objet, il ne vous reste plus qu’à étudier toutes ses causes (cause finale
comprise) et vous en aurez dit tout ce qu’il y a à dire. Le mieux à faire
maintenant est de le présenter par des exemples très variés, pour que vous
puissiez voir la puissance de ce concept.
La statue
L’exemple le plus classique pour faire comprendre :
- Cause finale : Décorer la place.
- Cause formelle : l’idée que le sculpteur a dans sa tête, le « dessin » de celle-ci.
- Cause matérielle : Le marbre dont est fait cette statue.
- Cause efficiente : Le sculpteur (cause efficace première) et ses outils (cause instrumentale)
Notre salut
Je reprends ici ce que Maxime rapportait de Calvin, dans son Institution 3.14.17
- Cause finale : « La démonstration de la Justice de Dieu et la glorification de sa Bonté ».
- Cause formelle : La Foi.
- Cause matérielle : L’Obéissance de Christ, « par laquelle il nous a acquis le Salut »
- Cause efficiente : « L’Ecriture enseigne partout que la cause efficiente de notre salut est la miséricorde de notre Père céleste et l’amour gratuit qu’il a éprouvé pour nous. »
L’Union Européenne
- Cause finale : Réaliser une union politique et économique qui rassemblerait tous les peuples européens sous une seule entité.
- Cause formelle : Les institutions réglées par les traités européens signés à Maastricht et le traité de Lisbonne.
- Cause matérielle : L’ensemble des textes législatifs produits par ces institutions.
- Cause efficiente : notre gouvernement européiste.
Ceci sera suffisant pour voir tout le potentiel de l’outil. Avec ça, vous pouvez faire de la scolastique tranquille !
Merci pour cet exercice de présentation mais je ne suis pas très convaincu par cette catégorisation.
Bizarrement, c’est la cause matérielle qui me paraît la plus délicate à cerner.
Pour notre salut, j’aurais plutôt vu « le corps du Christ ».
Je me demande si « cause substantielle » ne ferait pas davantage sens ?
Par ailleurs, je me demande si Rupert Sheldrake ne défendrait pas l’idée que la cause formelle a sa propre efficacité de sorte qu’il n’y a pas à se préoccuper de la cause efficiente mais seulement de la clarté et de la précision de la cause formelle ?
Enfin, comment verriez-vous que cela s’applique au jeu de belote ?
Le « matériel » de « cause matérielle » est à comprendre dans le couple forme/matière qui est décrit ici: http://parlafoi.local/2019/08/23/forme-et-matiere-en-philosophie-une-definition/
Pour ce qui est de notre salut, on parle de quelque chose de purement immatériel, mais on peut tout de même étendre le concept en désignant par ce terme « de quoi est fait… » (notre salut). C’est pour cela que la bonne réponse n’est pas le corps de Christ (qui est certes matériel, mais n’est pas ce dont est fait notre salut) mais bien l’obéissance de Christ -qui est la « monnaie » avec laquelle nous achetons la faveur de Dieu.
Je ne connais pas Rupert Sheldrake, je ne peux donc pas interagir efficacement avec ses idées, de peur de faire des contre sens.
Pour le jeu de belote? Allez!
Cause finale: Jouer (qui est une notion surprenamment riche en théologie)
Cause formelle: l’ensemble de règles du jeu de belotes
Cause matérielle: le jeu de cartes matériel et concret
Cause efficace: les joueurs.
Et voilà
Merci pour votre réponse.
Je comprends qu’on ne doit pas attendre d’une chose immatérielle qu’elle ait une cause matérielle. Mais il me semble que dans ce cas, il ne faut pas l’appeler cause matérielle. C’est pourquoi je pencherais encore davantage pour l’appelation « cause substantielle ».
J’ai lu votre texte sur la forme-matière mais sauf erreur, aucune mention d’une chose immatérielle n’était faite. Tout au contraire, il y avait une réfutation de l’immatérialisme 😉
Merci d’avoir joué le jeu… de la belote. ça colle bien mais, il y a un mais : comment expliquez-vous que la cause supposément finale soit présente tout au long du jeu, du début à la fin ? Vous allez me dire que le jeu est son propre but c’est ça ? Oui, ça pourrait marcher…
Enfin, j’avoue être surpris et dérangé par l’idée de monnayer les faveurs de Dieu. ça ressemble terriblement aux « indulgences » et ou à une forme de pratique marchande étrangère à l’esprit Christique. Je me trompe ?
Ce qu’Etienne voulait dire, c’est que le mot « matériel » dans l’expression « cause matérielle » ne désigne pas ce que nous appelons couramment aujourd’hui de la matière (des atomes). Par exemple, en philosophie thomiste, on ne dit pas que l’âme s’unit au corps pour former l’homme mais que l’âme informe la matière pour former un corps vivant.
Qu’importe les expressions, que l’on choisisse substantielle, matérielle ou autre, l’important c’est la façon dont on définit ces termes. Il parait pertinent de rester avec les formulations traditionnelles simplement pour être sûr d’être bien compris (n’est-ce pas le but du langage ?).
La cause finale désigne le but d’une chose et non pas ce qui arrive à la fin. Par exemple, la cause finale de l’homme est la gloire de Dieu. Cela ne signifie pas qu’à la fin de sa vie il glorifiera Dieu mais que la raison de son existence est la gloire de Dieu. En un sens, les 4 causes sont toujours présentes à une chose.
Enfin, pour le terme « monnayer », il s’agit d’un terme maladroit pour désigner le fait que la justice du Christ satisfait au jugement de Dieu.
OK, merci pour cette mise au point. Je comprends qu’il n’y a pas intérêt à changer les termes de la tradition scholastique lorsqu’elle constitue le cadre de réflexion. Par contre, dans le domaine de la psychologie, tel que je vois, rien n’empêche de faire d’autres choix terminologiques.
Qu’importe le domaine dont nous parlons, l’important avant toute chose lorsque l’on communique c’est de se faire comprendre par l’autre. Or le plus efficace pour cela est soit de se mettre d’accord sur un vocabulaire standard bien défini, soit de se plier aux définitions de notre interlocuteur, soit de le plier aux nôtres.