Le postmodernisme expliqué aux chrétiens pressés
14 octobre 2020

Postmodernisme est un mot qui est devenu très populaire, et très mal défini. Tantôt il s’agit d’une philosophie, tantôt d’une simple méthode, tantôt c’est au sujet des identités minoritaires, tantôt au sujet de l’Occident… Dans cet article, je vais synthétiser les explications très claires de James Lindsay et Helen Pluckrose dans leur dernier livre, Cynical Theories, que je recommande de la même façon que Tim Challies. Cet article est l’assemblage de mes notes de lecture issues de ce livre. J’espère ainsi vous faire gagner du temps dans vos études et vous aider à comprendre ce monde chaotique qui est le nôtre.

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Voici la définition générale que les auteurs donnent du postmodernisme, dès le début du livre :

Le postmodernisme est difficile à définir, peut-être de façon délibérée. Il représente un ensemble d’idées et de modes de penser qui sont venus à l’existence en réponse à des conditions historiques spécifiques, qui comprennent l’impact des guerres mondiales et comment elles se sont terminées, la désillusion du marxisme à grande échelle, la crédibilité défaillante des religions dans un contexte postindustriel, et l’avancée rapide de la technologie. La compréhension la plus utile du postmodernisme est qu’il est un rejet à la foi du modernisme – le mouvement intellectuel qui a prédominé à travers toute la fin du XIXe siècle et le début du XXe – et la modernité – cette époque que l’on appelle l’ère moderne, qui commence après le moyen-âge et qui se termine aujourd’hui. Cette nouvelle sorte de scepticisme radical qui doute de la possibilité même d’obtenir des connaissances objectives a débordé de l’académie, pour attaquer notre pensée sociale, culturelle et politique d’une façon délibérément destructive.

Les penseurs postmodernes ont réagi au modernisme en rejetant les fondations de certains aspects de la pensée moderne, tout en affirmant que d’autres aspects de la pensée moderne n’allaient pas assez loin. En particulier, ils ont rejeté le désir moderniste sous-jacent pour la vérité, les récits unifiant, l’universalisme et le progrès qui sont principalement atteints par le savoir scientifique et la technologie. En même temps, ils ont poussé à l’extrême, le scepticisme moderniste, relativement mesuré, sinon pessimiste, vis-à-vis de la tradition, de la religion et des certitudes de l’époque des Lumières. En parallèle, ils ont confiance en la conscience propre, le nihilisme et les formes ironique de la critique. Le postmodernisme a levé de tels doutes, radicaux, à propos de la structure de la pensée et de la société qu’il est ultimement une forme de cynisme.

Le postmodernisme est aussi une réaction et un rejet de la modernité, c’est-à-dire « la profonde transformation culturelle  qui a vu la montée de la démocratie représentative, l’âge de la Science, la suprématie de la Raison sur la superstition, et l’établissement de la liberté individuelle de vivre selon ses propres valeurs. » Bien que le postmodernisme rejette ouvertement les fondations qui soutiennent ces choses, il a néanmoins eu un impact profond sur la pensée, la culture et la politique des sociétés bâties par la modernité. Comme le fait remarquer le théoricien littéraire Brian McHale, le postmodernisme est devenu une tendance culturelle dominante pendant la deuxième moitié du vingtième siècle dans les sociétés occidentales, se répandant ensuite dans les autres régions du globe.

Pluckrose, Hellen et Lindsay, James, Cynical Theories pp. 21-22

Les trois vagues du postmodernisme

Les auteurs distinguent trois « générations » de postmodernisme qu’ils appellent :

  • le postmodernisme originel (années 60-70) ;
  • le postmodernisme appliqué (années 80-2000) ;
  • le postmodernisme réifié (années 2000-2020).

Le postmodernisme originel est une famille philosophique du genre sceptique, qui a été énoncé par des philosophes français bien connus désormais (Derrida, Lyotard, Foucault…). Le postmodernisme appliqué est une réinterprétation américaine (la French Theory) de ces philosophes, en vue de l’application de cette philosophie à l’activisme politique des années 80. Enfin, le postmodernisme réifié (« chosifié ») est l’unification des différentes théories critiques en une seule religion que nous expérimentons avec force aujourd’hui, et qui domine à présent l’extrême gauche, et une grande partie des élites culturelles.

Le postmodernisme « première vague »

Dans les années 60, beaucoup d’intellectuels français, jusqu’ici acquis au communisme, ont été grandement déçus par les révélations des horreurs du stalinisme. Le désespoir et le nihilisme qui en résultent en a amenés plusieurs à pousser le doute jusqu’à un point qui surprendrait même le Satan. Pour citer quelques noms qui reviennent souvent :

  • Jacques Derrida développe un théorie critique du langage où il déplore l’impossibilité d’accéder au vrai sens d’un texte à travers la lecture de celui-ci, au vu de l’imprécision du langage, et que la signification d’un texte se trouve, tout compte fait, dans le lecteur. Il développe l’idée de Ferdinand de Saussure pour qui le langage n’a pas de lien avec la réalité. Les mots ne font référence qu’à d’autres mots. Il n’y a pas de description « objective » de la réalité possible.
  • François Lyotard se lamente de la mort des idéologies et religions (« méta-récits »). Il n’en propose aucune autre pour les remplacer : il se contente simplement d’exprimer le profond nihilisme qui en résulte.
  • Michel Foucault propose l’idée que la société est constituée de différentes hiérarchies et tribus qui décident de ce qui est vrai et comment on l’obtient. La vérité est une construction sociale, plutôt qu’un fait objectif. Ainsi, il n’y a pas de querelle pour savoir ce qui est vrai : ce qui existe, ce sont des groupes en lutte politique pour avoir la maîtrise des représentations et du langage, afin d’imposer leur vérité à toute la société.

De l’aveu même de Judith Butler, ces auteurs se sont exprimés sans se consulter les uns les autres. Les philosophes américains des années 80 vont synthétiser ces auteurs français dans ce que l’on appelle la French Theory. *Cocorico sinistre*

Pluckrose et Lindsay la synthétisent en deux principes :

  • Principe de connaissance postmoderne (épistémologie) : on ne peut pas atteindre la réalité, car notre connaissance est médiée par le langage, qui n’est pas apte à exprimer ce qui est vrai (Derrida). Tout ce que nous avons sont des constructions sociales sans références directes à la réalité. En conséquence, il n’y a pas de “méta-récit” vrai (Lyotard).
  • Principe de politique postmoderne : la société est constituée de différentes hiérarchies et tribus qui décident de ce qui est vrai et de comment on l’obtient. Pour ce faire, elles utilisent le langage, les discours et les représentations comme des outils politiques pour établir des rapports de dominations diffus et abstraits, plutôt qu’un pouvoir central et concret (Foucault). C’est par le discours public que s’établissent les rapports de pouvoir.

Et quatre thèmes :

  • Floutage des frontières (elles sont avant tout des artefacts culturels, et non l’expression de vraies distinctions) : surtout intellectuelles ;
  • La puissance du langage (le langage n’est pas un moyen de décrire le réel, mais un outil de contrôle politique) : la déconstruction consiste à révéler ces rapports de pouvoir.
  • Le relativisme culturel : ce ne sont que des conventions sans contenu réel.
  • La disparition de l’individu et de l’universel : ils ne sont que les produits de différentes identités et récits qui leur sont appliqués.

Cela dit, ce postmodernisme originel est avant tout une créature académique bizarre et sans utilité particulière. Les postmodernes français eux-même n’ont absolument aucune ambition de vouloir transformer ou « mettre en application » leurs théories critiques. À quoi bon ? Pourquoi remplacer une domination par une autre ? Il finit par se dissoudre par son propre pouvoir corrosif dans les années 70.

Le postmodernisme « deuxième vague »

Les années 80 voient le succès de nombreux mouvements activistes des années 60, dans la lutte contre les discriminations racistes, sexistes et même contre les homosexuels. Des lois passent pour interdire toute discrimination. Alors que faire maintenant ? Comment justifier qu’on continue le combat ?

Les théoriciens activistes se tournent alors vers la Théorie critique pour définir un nouveau terrain de bataille : la bataille légale étant en train de se terminer, il faut porter le combat contre le racisme dans le langage lui-même. Ainsi, les collectifs continuaient de justifier leur existence et les efforts qu’ils demandaient aux militants.

Bien entendu, le postmodernisme est inutilisable en l’état, et ils l’ont modifié pour le rendre utilisable et surtout applicable. Par exemple, là où les postmodernes originels considéraient toutes les valeurs morales comme égales et vaines, les postmodernes appliqués des années 80 affirment que les oppressions sont objectivement mauvaises. Alors que les postmodernes originels considèrent qu’il est vain de vouloir changer la société, les postmodernes des années 80 considèrent que leur devoir est de renverser les hiérarchies et les structures de pouvoir.

Cet effort d’application va donner lieu à trois théories critiques :

  • Le postcolonialisme ;
  • La théorie queer ;
  • La théorie critique des races.

Le postcolonialisme

C’est l’application la plus pure du postmodernisme originel, focalisé sur un seul aspect de la modernité : le colonialisme.

Le fondateur du postcolonialisme est Edward Said, dans Orientalism (1978), qui étudie le phénomène “d’alterification” coloniale : par exemple: “NOUS sommes civilisés, ILS sont primitifs”; “NOUS sommes éclairés, ILS sont superstitieux” ; “NOUS sommes libres, ILS sont par nature des esclaves” etc. 
Gayatri Chakravorty Spivak fait la même chose que Said, mais par la philosophie du langage de Derrida (alors que Said utilisait plutôt la sociologie de Foucault).  Elle est notoirement indéchiffrable, quoiqu’elle soit battue par Bhabhon

Le but explicite du postcolonialisme est de renverser et de détruire les valeurs et concepts occidentaux qui sont considérés comme une colonisation continuée. Ainsi, ils critiquent fortement la Raison, la Science et différentes notions fondatrices de la pensée occidentale comme étant des instruments de pure oppression politique, qu’il faut détruire.

La théorie queer

En France, on a souvent utilisé le terme théorie du gender, bien que ce ne soit pas un nom très utile. La théorie queer est la théorie postmoderne (surtout celle de Foucault) appliquée à la sexualité. C’est une philosophie très déroutante, car elle ne cherche pas à établir une doctrine, mais à éliminer toute possibilité de doctrine (d’où son style très compliqué à lire : après tout le langage ne sert pas à décrire la vérité).  C’est un des plus purs scepticismes jamais produits, car son objectif est de supprimer toute définition et catégorie appliquées à la sexualité.  Pour ce faire, ils affirment que le genre, comme le sexe, sont purement déterminés par le social. La science qui prétend décrire objectivement le sexe n’est en réalité qu’un instrument de pouvoir et de légitimation des oppressions, une arme de l’hétéronormativité. En conséquence, ils attaquent souvent le monde académique. De même, ils refusent aussi toute catégorie morale, et refusent de condamner même la pédophilie. C’est ainsi qu’elle échappe à l’auto-dissolution, contrairement au post-modernisme originel, en affirmant la dissolution des frontières comme son propre but.

Leur but ultime est de casser tout mécanisme de régulation des genres. Leur méthode : parodier les conventions de genre (par des drags et queers) pour les ridiculiser intensément et se rendre compte qu’elles ne sont que des conventions vaines.

Pluckrose et Lindsay distinguent trois auteurs fondateurs :

  • Gayle Rubin : a mis en place l’essentiel de la théorie décrite.
  • Judith Butler:  met au point la notion de performativité du genre : le comment une catégorie de genre (homme, femme) est amenée à l’existence et devient normative, à travers la mise en scène (performance en anglais) de cette catégorie. L’idée est que si l’on parodie cette mise en scène, on la rend sans force et d’autres genres peuvent venir à l’existence ensuite.
  • Eve Sedgwick : Insiste sur le fait qu’il ne faut pas remplacer une norme unique (homme/femme) par une norme multiple et pluraliste. Il ne doit surtout pas y avoir de normes. Elle cherche par ailleurs à appliquer la théorie queer en dehors de la sexualité. Par exemple, elles sont appliquées dans l’antivalidisme et les fat studies que nous allons décrire après.

La théorie critique des races

C’est la théorie la plus connue, celle que nous appelons « l’antiracisme » en France, celle qui alimente un collectif comme « Justice pour Adama ». C’est aussi la plus accessible. Dans leur introduction, Richard Delgado et Jean Stefancic la définissent en quatre points fondateurs :

  • Le racisme est la norme et non l’exception.
  • Il est par définition en faveur des blancs.
  • Les races sont un produit social, leur définition est appliquée de l’extérieur.
  • Seules les minorités peuvent décrire ce qu’est le racisme.

L’objectif de la théorie critique des races est beaucoup plus positif et politique que les autres théories postmodernes : continuer le combat de l’antiracisme là où il se trouve, c’est-à-dire dans les discours et représentations. Pour cela ils font appel à l’intersectionnalité.

L’intersectionnalité

Le mot est présent partout désormais, mais il est difficile à définir. À la base, c’est le concept qui a permis de « domestiquer » le postmodernisme originel et de le rendre « applicable ». Il a été forgé par Kimberlé Crenshaw, et c’est un concept aux prétentions juridiques. Dans deux articles, elle montrait l’existence de discriminations particulières aux femmes noires, que ne rencontraient ni les femmes blanches, ni les hommes noirs.

L’intersectionnalité consiste en l’étude et la caractérisation des préjudices subis par les personnes en fonction des axes identitaires qui se croisent en elles (comment elle est discriminée en tant que noire, femme, lesbienne etc) par une déconstruction.

C’est ainsi qu’on se retrouve avec des appels à l’unité au-delà des « frontières de races, genres, sexe, statut social, orientation sexuelle » et des listes d’identités à rallonge.

Déconstruction

L’intersectionnalité est donc la systématisation d’un procédé de déconstruction. Encore un mot souvent mentionné et rarement défini.

La déconstruction est un concept forgé par Jacques Derrida. Dans sa pensée, le langage ne décrit pas la réalité, ni même le texte lu, mais les préjudices du lecteur. Il s’agit donc de dévoiler ces préjudices pour montrer qu’en fin de compte, on ne décrit pas la réalité, mais que telle et telle composante du texte vient de tel et tel point de vue. (Il dit ça parce qu’il est un homme, parce qu’il est blanc, parce qu’il…)

Dans la French Theory (la synthèse américaine de Derrida, Foucault, etc.), le concept de déconstruction est élargi : il s’agit de “démasquer” la nature réelle des discours dominants pour qu’on se rende compte, et qu’on caractérise qu’ils ne sont en fait que des outils de pouvoir sans liens avec la réalité, et des instruments d’oppressions.

Appliqué au féminisme, par exemple, la déconstruction permet de montrer que les philosophes occidentaux n’ont pas accouchés de théories “réelles”, mais qu’ils ont simplement mis dans une certaine forme leur préjudice masculin pour faire croire à l’universalité de leur idées propres, et imposer aux femmes une pensée qui n’a pas de fondements réels.

Effets du postmodernisme de deuxième génération sur les théories critiques précédentes

Au-delà de ces trois théories critiques purement postmodernes (postcolonialisme, queer et théorie critique des races) le postmodernisme 2e vague a impacté largement sur d’autres domaines académiques :

  • Il a transformé des domaines existants : c’est ainsi que le féminisme des années 70 est devenu le domaine des gender studies. Le féminisme « 3e vague » ou post-féminisme est la version postmoderne du féminisme, critique notamment du penchant universaliste des féministes des années 70. Le problème, aux yeux des féministes 2e vague, c’est qu’il dissout la spécificité du féminisme. D’après Larber, les gender studies ont 4 caractéristiques :
    • Le genre n’est pas attaché à la personne : il est d’abord un statut identitaire ; il n’y a pas d’individus féminins “naturels”.
    • Le genre et la sexualité sont socialement construits. On attribue le sexe à la naissance, on détermine le genre par la socialisation.
    • Les genders studies visent à analyser les relations de pouvoir derrière la détermination du genre, par l’intersectionnalité.
    • Les gender studies cherchent à faire émerger et entendre des voix d’autres minorités (qu’il ne faut pas confondre avec des opinions différentes). Elles critiquent notamment le discours trop universel (trop blanc) des générations précédentes.
  • Le postmodernisme a inventé des nouveaux domaines : l’antivalidisme par exemple, qui est appliqué au handicap (et qui considère que la médecine est un acte d’oppression et de génocide contre les handicapés) ou bien les fat studies qui étudient la grossophobie et la pression sociale à avoir un corps sain.

Le postmodernisme « troisième vague »

Le recours à l’intersectionnalité a fait plus que domestiquer le postmodernisme originel : elle a fini par unifier toutes les théories critiques en une seule religion qui est très à la mode aujourd’hui et parmi les plus sophistiquées de notre pays. Pluckrose et Lindsay appellent cette troisième génération le postmodernisme réifié (quand on prend une réalité abstraite pour une réalité concrète).

C’est l’unification des théories postmodernes en un seul méta-récit, à travers les outils de l’analyse intersectionnelle et qui vise à une libération épistémologique par la dénonciation des discriminations et offenses contre la Théorie postmoderne, et la destruction des catégories existantes. Tous les activismes existants s’inscrivent dans cette logique. Black Lives Matter, “Extinction rébellion” etc. sont les zélotes de cette nouvelle religion, à travers une gestion nouvelle des conflits que des auteurs ont appelé : culture de la victimisation.

Elle est une religion dans le fait qu’elle propose une orthodoxie (la doctrine postmoderne elle-même), une praxis (les manifestations et actions militantes) et surtout, un but transcendant (mettre fin à toutes les discriminations). Et c’est une religion féroce.

On les connaît aussi sous le nom de « néo-marxistes » ou « marxistes culturels », à cause de l’architecture typiquement marxiste qu’ils ont hérité des philosophes français postmodernes, eux-mêmes des marxistes déçus.

Le postmodernisme est une chance pour le christianisme

Voici pour ma synthèse du livre de Pluckrose et Lindsay. Dans le dernier chapitre, James Lindsay (néo-athée notoire) propose de revenir au libéralisme classique pour contrer cette philosophie agressive et nuisible. En France, Michel Onfray, Natacha Polony, Anne-Sophie Chazaud défendent une ligne similaire.

Mais comme l’a fait remarquer Horam Hazony dans son article sur Quillette, les libéraux ne peuvent pas empêcher des marxistes/postmodernes troisième vague de gagner. Au contraire, ils ne peuvent que céder du terrain de la façon suivante :

  1. Le libéral affirme ses principes libéraux (et abstraits) ;
  2. Le postmoderne pointe vers des domaines où ces principes ne sont pas appliqués concrètement, c’est à dire un lieu où une hiérarchie a cours ;
  3. Le libéral s’excuse et interdit la “discrimination” sur ce point ;
  4. Et on recommence.

C’est un produit nécessaire du libéralisme à cause de sa nature artificielle et hautement philosophique : la réalité ne pourra jamais correspondre aux idéaux libéraux. Alors le postmodernisme l’exploite pour obtenir ses avancées, quelles qu’en soient les contradictions. Cela ne peut aller que vers de plus en plus de postmodernes, et on remarque que les libéraux eux-même sont hagards et désorientés, quasi incapables même de décrire ce qui se passe. Et pour cause : ils ont bien appliqués leurs principes philosophiques pourtant…

Tout cela est une chance pour le christianisme : les modernistes/libéraux sont ceux qui ont le plus causé de dégâts à la doctrine de l’évangile dans toute l’histoire humaine, et le Seigneur est en train de les livrer aux postmodernes. Encore une décennie, et on peut douter qu’ils existent encore. La question est désormais : le christianisme orthodoxe peut-il répondre aux attaques postmodernes ? Ce n’est pas facile, mais oui il le peut.

Contre l’idée que le langage ne peut pas décrire la réalité, le christianisme affirme l’autorité de la révélation divine, et avec elle l’authenticité de la parole et du langage. Face à la conviction de l’inspiration biblique, les raisonnements fumeux des postmodernes ont tendance à glisser sur les chrétiens comme de l’eau sur un canard. Les chrétiens sont d’accord avec les postmodernes que les hiérarchies se cachent partout dans la société humaine, mais ils ne voient pas ça comme un défaut : c’est au contraire la volonté de Dieu sanctionnée par le cinquième commandement (tu honoreras ton père et ta mère). Contre le principe politique postmoderne, nous réaffirmons la loi naturelle.

Il viendra le temps où tous ceux qui refusent d’être postmodernes auront besoin d’un principe d’autorité transcendant solide qui s’oppose au poison sceptique des postmodernes. Trahis par la philosophie, ils devront trouver un secours dans la révélation. Ils ne pourront trouver refuge que dans la parole de Dieu, prêchée par l’Église fidèle.

Mais dans ces temps troublés et rebelles, qui osera la défendre ?

« Seigneur, me voici, envoie-moi. » (Ésaïe 6:8)

Bibliographie

Pluckrose, Hellen et Lindsay, James, Cynical Theories: How Activist Scholaship Made Everything about Race, Gender and Identity – and Why This Harms Everybody., Pitchstone Publishing, 2020, 352 pp.

Étienne Omnès

Mari, père, appartient à Christ. Les marques de mon salut sont ma confession de foi et les sacrements que je reçois.

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1 Commentaire

  1. Pepscafe

    Bonjour Etienne,

    merci à toi pour ce cours express sur le postmodernisme.
    En complément des ressources fournies, je citerai cet autre ouvrage sur le postmodernisme : « L’individu qui vient…après le libéralisme » de Dany-Robert Dufour (Denoël, 2015. Folio Essais), dans lequel sont notamment mis en lumière les deux courants de pensée qui sont au cœur du postmodernisme. Ces courants sont même appelés des « sophismes » par l’auteur. Reste à discerner dans quelles mesures nous avons adopté lesdits sophismes.

    Les « sophistes ne se soucient nullement de la vérité », contrairement aux véritables « amoureux de la sagesse ». « Ils ne cherchent qu’à persuader leur auditoire quelle que soit la proposition à soutenir. Pour obtenir ce résultat, ils profitent donc des ambiguïtés du langage afin de produire des raisonnements en apparence solides, ayant l’apparence de la rigueur démonstrative, mais contenant en réalité un vice, volontaire ou non, permettant de provoquer l’adhésion de l’auditeur ».(op. cit., pp110-111). Avec cet esprit sophistique, le mal devient bien (ou « progrès »), le faux le vrai, l’esclavage la liberté, [la guerre la paix], le vice privé [ou l’égoïsme] la vertu…. (op. cit., p 114)
    Il importe de les démasquer impérativement, « car si la première bêtise n’est pas tout de suite réfutée et dénoncée pour ce qu’elle est – une bêtise – la porte est ouverte à toutes les autres qui peuvent alors s’agencer en autant de vrais systèmes bêtes qui paraissent très intelligents ».

    Pour Dany-Robert Dufour, ces deux sophismes sont l’utilitarisme et le pragmatisme (op. cit. Pp 113-121). Tu y fais allusion dans ton analyse, il me semble.

    1) L’utilitarisme, ou « l’adieu aux idéaux », incite à croire « qu’on n’a plus du tout à se soucier de savoir si une action est vertueuse au départ ; la seule chose qui importe est qu’elle soit vertueuse à l’arrivée ». Il « se caractérise par un oubli volontaire des causes et une valorisation exclusive des conséquences. C’est là ce qu’on appelle depuis la fin des années 1950 un « conséquentialisme ». Peu importe donc au nom de quoi on entreprend une action, ce qui importe, c’est qu’elle soit censée engendrer le plus de bonheur pour l’ensemble de tous les agents – le bonheur étant défini comme la maximisation des plaisirs et la minimisation des peines [ou des désagréments, des embêtements] ». Ainsi, par exemple, ajouterai-je, l’utilitarisme me paraît privilégier « le consommateur » (l’essentiel étant qu’il soit « content/satisfait » d’un service rendu le plus efficacement possible « ou remboursé »), au détriment du citoyen.
    En « conséquence », cette nouvelle « morale conséquentialiste » permet le plus grand cynisme de la part des décideurs de l’action qui pourront alors dire à leurs administrés ou à leurs salariés quelque chose qui ressemble à Jean 11v50. En gros, « ne voyez-vous pas que nous faisons cette action [vous licencier, détruire des emplois, polluer, par exemple] pour le bien futur du plus grand nombre ? Ne seriez-vous pas un peu égoïste », à toujours vous préoccuper que de vos seuls droits ? Dans ces conditions, la dignité humaine (ne pas dire « oui » à tout) ne pèse pas bien lourd….
    D’autre part, le conséquentialisme est également « im-prudent, puisqu’il incite à agir en fonction d’un futur (toujours hypothétique) en refoulant (ou ignorant) l’examen du présent (toujours certain). Et il rend « désuète la morale (ce qui vaut pour tous), au profit de l’éthique (ce que j’ose faire, y compris contre tous) ».

    2)Le pragmatisme (terme que l’on emploi souvent à tort et à travers) ou « l’adieu à la vérité », voit son avènement avec William James, à la fin du XIXe siècle. Pour ce dernier, « le vrai », qui « n’existe tout simplement pas », est « ce qui marche ». Cette attitude pragmatique implique « qu’il n’y ait plus de « théorie », mais seulement de la « praxis », de l’action. Je ne peux donc voir ou concevoir aucune idée, mais seulement faire des expériences, des expériences infiniment multiples et variées”. Une philosophie qui se retrouve d’ailleurs au cœur d’une certaine théorie de l’éducation de John Dewey.

    De fait, il serait surprenant que les libéraux soient en mesure d'”empêcher des marxistes/postmodernes troisième vague de gagner”, vu que l’utilitarisme (Bentham, puis John Stuart Mill) vient du libéralisme anglais, et que cette notion d’expérience, propre au pragmatisme, est au centre de la pensée de David Hume, ami d’Adam Smith et figure décisive du libéralisme anglais. Pour l’anecdote, c’est aussi la lecture d’Adam Smith en 1838 qui aurait profondément influencé Darwin, lequel aurait tiré les idées de base de sa théorie de l’évolution de l’économique.

    Fraternellement,
    Pep’s

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