Comprendre le langage réaliste concernant les sacrements
20 juillet 2022

Le De religione christiana fides de Jérôme Zanchi est un livre passionnant et particulièrement précieux et il est probable que nous revenions à l’avenir vers celui-ci pour donner à nos lecteurs de saisir toute l’importance historique qu’il revêt. Sans s’attarder pour l’instant sur son importance, je vous en propose un court extrait. Zanchi nous y livre la clé pour comprendre le langage réaliste concernant les sacrements :

En effet, si nous ne séparons pas simplement la chose en soi du sacrement, nous ne nions pas non plus que, chez les Pères et chez la plupart des pieux et savants écrivains, le nom de sacrement englobe la chose en soi, dont une autre chose est un sacrement ; ainsi, par le nom de baptême, on entend non seulement le lavage extérieur par l’eau et la parole, mais aussi la véritable purification intérieure de la conscience du péché et la régénération. C’est pourquoi nous faisons nôtre cette parole d’Irénée sur le repas du Seigneur, selon laquelle “il consiste en une matière terrestre et une matière céleste”. Nous n’avons pas non plus l’habitude d’interdire ce genre de discours lorsque nous parlons des sacrements, mais dans ce sens, non pas qu’il s’agisse proprement d’une partie du sacrement, car il s’agit plutôt de la participation à laquelle les sacrements nous amènent, mais bien du fait que le sacrement a une relation mystique avec celle-ci et que et par la liaison ou le lien de cette relation, la matière terrestre est associée à la matière céleste. Et c’est ainsi que nous réconcilions beaucoup de paroles des écrivains savants et des pères, qui semblent avoir des significations diverses et contraires, alors qu’en réalité leurs opinions sont partout les mêmes, la plupart d’entre eux appelant les sacrements simplement par les noms de signes, de figures, de marques, de types, d’anti-types, de formes, de sceaux, de cérémonies, de paroles visibles, et d’autres noms semblables ; d’autres disent qu’il consiste en une matière terrestre et une matière céleste, ce que nous avons déjà déclaré, mais tous appellent souvent les sacrements par les noms de ces choses, dont ils sont des sacrements, selon l’usage des saintes écritures, alors que malgré cela tous les hommes ont reconnu et professé sous le nom de sacrements ces trois choses : la parole, les signes ajoutés à la parole et les choses dont ils sont les signes.

Jérôme Zanchi, De religione christiana fides, XIV, III.

Zanchi explique à son lecteur pourquoi les réformés parlent du baptême avec un langage réaliste. Ce faisant, il note dans notre extrait que cette solution permet, en fait, de comprendre aussi le langage patristique et le langage biblique.

Ce n’est qu’après bien des peines que j’ai commencé à lire les Pères ainsi, et j’aurais aimé lire Zanchi plus tôt. Je ne saurais pas retracer précisément ce qui a permis à cette compréhension de s’imposer à moi, mais je sais simplement que cette compréhension symbolique de plusieurs textes scripturaires, patristiques et réformés m’est naturelle alors qu’elle ne l’était pas il y a quelques années et que j’avais bien de la peine à réconcilier les affirmations des Écritures entre elles, celles des Pères entre elles et celles des réformés. Je crains que beaucoup de débats autour de la régénération baptismale, à la fois dans les Écritures, chez les Pères ou, par exemple, chez Jean Calvin, soient captieux. Je disais plus tôt que j’aurais aimé lire Zanchi plus tôt. Mais il est en fait fort possible que le sens de son texte m’aurait échappé auparavant. Peut-être est-ce votre cas et peut-être que vous peinez encore à vous faire au langage symbolique et réaliste de l’Écriture. Je vous encourage à rester en contact fréquent avec ce langage des Écritures, des Pères et des réformés : progressivement, on s’y fait. Ma meilleure tentative d’explication est probablement celle que j’entreprends à la fin de cet article. Le meilleur exemple biblique, du moins celui qui m’éclaire le plus quand j’y songe, demeure la colombe descendue sur le Christ lors de son baptême, à la fois symbole et réalité. Symbole parce qu’il s’agit d’une colombe et que l’Esprit n’est pas corporel comme elle ; mais réalité parce que Jean-Baptiste a pu dire qu’il a vu “le Saint-Esprit comme une colombe”, manifestant que l’Esprit était réellement présent et à l’œuvre. Il me semble que l’on pourrait dire aussi que, dans la Cène, nous voyons “Christ comme du pain et du vin”, manifestant qu’il est alors réellement présent et à l’œuvre sans que le pain ne cesse d’être, et d’être un symbole.

Si d’autres éléments vous ont aidé à pénétrer plus avant dans la compréhension du symbolisme biblique, n’hésitez pas à m’en faire part en commentaire.


Illustration : Jean II Restout, Le baptême du Christ, huile sur toile, 1738-1739 (musée Fabre, Montpellier).

Maxime Georgel

Maxime est interne en médecine générale à Lille. Fondateur du site Parlafoi.fr, il se passionne pour la théologie systématique, l'histoire du dogme et la philosophie réaliste. Il affirme être marié à la meilleure épouse du monde. Ils vivent ensemble sur Lille avec leurs trois enfants, sont membres de l'Église de la Trinité (trinitelille.fr) et sont moniteurs de la méthode Billings.

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