L’éternité de Dieu — Turretin (3.10)
1 septembre 2022

Est-ce que l’éternité de Dieu exclut la succession temporelle ? Nous l’affirmons contre les sociniens.

Il y a en effet deux compréhensions de la notion d’éternité. La première est que l’éternité est simplement une succession de moment sans terme final : les secondes défilent une à une sans fin. La deuxième est que l’éternité est hors du temps, c’est-à-dire un état sans succession d’événements. L’éternité en flux est appellée parfois sempiternité pour la distinguer de l’éternité proprement dite, qui est un état.

On notera que la question existe encore aujourd’hui, et d’aucuns comme William Lane Craig croient en la sempiternité, à savoir que Dieu vit dans le temps. En cela, il s’oppose au “théisme classique”, c’est-à-dire l’opinion ultra-majoritaire de tous les théologiens antérieurs au XVIIIe siècle, dont Turretin.

William Lane Craig.

L’orthodoxie consiste donc à dire que Dieu est hors du temps il n’est soumis à aucune succession de quoi que ce soit, ce qui est la vraie définition de l’éternité.

Argumentation principale (§§3-6)

L’ Écriture enseigne que Dieu vit hors du temps:

  • Il est appelé “éternel” en Genèse 21,33 : Abraham planta des tamaris à Beer-Schéba ; et là il invoqua le nom de l’Éternel, Dieu de l’éternité. Cf. aussi 1 Timothée 1,17 et le psaume 90,1-2.
  • Ésaïe 57,15 : Car ainsi parle le Très-Haut, dont la demeure est éternelle et dont le nom est saint. Notez qu’on parle d’une “demeure éternelle” ce qui évoque un état fixe.
  • Il a toutes les propriétés de l’éternité qui sont décrites au psaume 102,25-28 :
    • Il existe avant la fondation de la terre, v. 26 : Tu as anciennement fondé la terre, et les cieux sont l’ouvrage de tes mains.
    • Il est sans fin, v. 27 : Ils périront, mais tu subsisteras.
    • Il n’a pas de changement qui puisse être sujet à un temps. Au contraire, le psaume est écrit en opposant la mutabilité1 des créatures à l’absence de changement en Dieu, vv. 27-28: Ils s’useront tous comme un vêtement ; tu les changeras comme un habit, et ils seront changés. Mais toi, tu restes le même, et tes années ne finiront point. Jacques 1,17 : Père des lumières, chez lequel il n’y a ni changement ni ombre de variation. S’il n’y a pas de changements successifs, cela veut dire qu’il n’y a pas de succession et donc pas de temps applicable à Dieu.

Il est hors du temps, puisque le temps est défini par le changement et la succession. Apocalypse 1,8 : Je suis l’alpha et l’oméga, Ésaïe 41,4 : Moi l’Éternel je suis le premier, et je suis avec les derniers. Dieu peut être à la fois le premier et le dernier, parce qu’il n’y a justement pas de succession en lui: il contient tout à la fois le début et la fin du temps, parce qu’il est hors du temps.

À cela s’ajoutent deux arguments plus philosophiques :

  • Dieu est parfaitement simple et immuable, il n’y a donc rien qui peut se succéder en lui, et donc pas de base pour le temps, même un temps spécifique à lui.
  • La définition même de l’Éternité (selon les scolastiques): La possession interminable de la vie — complète, parfaite, et toute à la fois. C’est un état et non un flux. Notez d’ailleurs que cet état n’est pas un “flux gelé”, et Dieu n’est pas “une statue de glace”. En fait, c’est le flux qui est incomplet et inférieur. Notre vie est selon un mode si inférieur qu’elle est obligée d’être “étalée” dans une succession de moments. La vie de Dieu est si parfaite, selon un mode si supérieur, qu’elle est toute entière, en un seul morceau, dans un présent sans passé ni futur.

Objections (§§ 7-16)

§ 13 : Il est écrit au psaume 90,4 : Mille ans sont, à tes yeux, comme le jour d’hier. Cela montre qu’il y a au-dessus de notre temps un “super-temps” ou un temps propre à Dieu, qui s’applique à lui.
Réponse : Ce n’est pas le message de ce passage. Il dit plutôt que la valeur du temps aux yeux de Dieu n’est pas du tout la même que la notre. Si mille ans sont un temps gigantesque à nos yeux, à ses yeux cela n’est rien. Rien n’est dit en réalité sur un “super temps”.

§ 15 :

Quand on considère les actions de Dieu selon si elles sont présentes, passées ou futures, ce n’est pas par rapport à leur cause efficiente, mais par rapport à leurs effets et objets.

  1. Capacité de changer.[]

Étienne Omnès

Mari, père, appartient à Christ. Les marques de mon salut sont ma confession de foi et les sacrements que je reçois.

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