Avons-nous été créés moralement neutres ? — Turretin (5.9)
9 avril 2024

L’homme fut-il créé en état de « pure nature » ou aurait-il pu être créé ainsi ? Nous le nions, contre les pélagiens et les scolastiques.

Les pélagiens du IVe siècle, qui enseignaient que l’homme était parfaitement libre en tout de choisir le bien comme le mal, disaient que l’homme était créé en état de « pure nature ». Cela veut dire que la justice ou l’injustice ne font pas partie de la nature de l’homme, mais sont simplement quelque chose que l’homme (en pure nature) décide de faire. Par conséquent, la culpabilité d’Adam n’aurait été portée que par Adam seul, et non par la nature d’Adam, transmissible à ses enfants. Il n’y aurait pas de sens à dire que nous sommes nés dans le péché, puisque nous naissons en état de pure nature sans justice ou injustice. Ainsi que le disait Pélage :

Tout le bien et le mal pour lesquels nous sommes dignes d’éloge ou de blâme ne viennent pas de notre être, mais de ce que nous faisons ; car nous sommes nés capables à la fois du bien et du mal, mais sans la possession de ces qualités ; car à notre naissance, nous sommes également dépourvus de vertu et de vice ; et avant l’action morale, il n’y a rien en l’homme sinon ce que Dieu a créé en lui.

Pélage, Traité sur la grâce de Christ et le péché originel.

Cette idée est revenue au XVIIe siècle, avec la petite modification suivante : l’homme aurait été créé avec un justice originelle « surajoutée » à sa nature. Depuis qu’Adam aurait perdu cette justice surajoutée, nous serions moralement neutres, capables aussi bien du bien que du mal. Les nouveaux pélagiens disent que nous avons perdu cette justice surajoutée, les anciens disaient que nous ne l’avions jamais eue, mais l’essentiel est toujours là. C’est l’opinion de Alexandre de Halès, de Bonaventure et des jésuites, ainsi que des sociniens et des remontrants du XVIIe siècle.

Ici, l’orthodoxie affirme que nous n’avons pas été créés en état de « pure nature » ou « moralement neutres » : nous ne pouvons même pas l’être.

Argumentation (§§ 5-7)

Premier argument : il en va ainsi parce que l’homme a été créé à l’image de Dieu, et donc moralement droit et pur ; Ecclésiaste 7,29 : Dieu a fait les hommes droits. À la question suivante sera défendue l’opinion selon laquelle l’image de Dieu consiste en la pureté morale.

Deuxième argument : l’homme a été fait pour glorifier Dieu et lui rendre hommage. Cela n’est possible que s’il a des vertus implantées dans le cœur, comme la sagesse et la sainteté.

  • Proverbes 16,4 : L’Éternel a tout fait pour un but, même le méchant pour le jour du malheur.
  • Romains 11,36 : C’est de lui, par lui, et pour lui que sont toutes choses. À lui la gloire dans tous les siècles ! Amen !

Troisième argument : lorsque deux choses opposées sont attribuées à un même sujet, l’une d’entre elles est nécessairement dans le sujet ; si vous dites qu’un homme est juste ou pécheur, affirmer qu’il est moralement neutre, c’est rejeter la possibilité qu’il soit juste ou pécheur. Il faut que l’un de ces paramètres soit actuel pour que cette appellation ait du sens.

Quatrième argument : c’est impossible, quelle que soit la situation :

  • Avant la chute, l’homme était innocent : ce n’est pas qu’il faisait le bien, c’est qu’il était innocent.
  • Après la chute, il est par nature un enfant de colère (Éphésiens 2,3).
  • Sous la grâce, nous sommes nés de nouveau, avec une régénération de notre nature.
  • Après la consommation du salut, notre sainteté sera parfaite. Dans chacune de ces situations, le bien et le mal n’est pas quelque chose que nous faisons, mais fait partie de notre nature.

Étienne Omnès

Mari, père, appartient à Christ. Les marques de mon salut sont ma confession de foi et les sacrements que je reçois.

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