La volonté de Dieu, règle de justice — Turretin (3.18)
9 novembre 2022

La volonté de Dieu est-elle la première règle de justice ? Nous distinguons.

Chose exceptionnelle, la question qui nous agite ici est un débat interne aux réformés. Il s’agit ici de la théorie du commandement divin : une chose est juste parce que Dieu la veut, et il n’y a aucune autre fondation que la pure volonté de Dieu. De son côté, Turretin défend plutôt que Dieu commande une chose parce qu’elle est bonne en elle-même, avant que son commandement ne soit.

Les choses ne sont pas bonnes et justes parce Dieu les veut, mais Dieu les veut parce qu’elles sont bonnes et justes.

François Turretin, Instituts de Théologie Elenctique, 3.18.1

Il prévient qu’il va ensuite utiliser les distinctions suivantes :

  • La volonté de Dieu peut être une règle de justice de façon intrinsèque (il est lui-même soumis à sa propre justice) ou extrinsèque (ce sont les créatures extérieures seulement qui n’ont pas d’autre règle que sa volonté).
  • La loi de Dieu est soit naturelle et indispensable (il veut une chose bonne parce que c’est sa nature et sa sainteté qui rendent cette volonté nécessaire) ou bien elle est libre et positive (la bonté d’une chose vient du fait que Dieu décide librement de l’approuver, sa bonté est instituée par Dieu).

Argumentation (§§ 3-6)

La thèse que défend Turretin est la suivante : pour nous, la volonté de Dieu est la première et finale règle de justice ; nous devons obéir à une chose parce qu’elle est commandée par Dieu, c’est une raison suffisante. Mais cela ne veut pas dire qu’une telle “contrainte” s’applique à Dieu : si (chose impossible) Dieu nous commandait de haïr notre prochain, nous serions tout de même moralement obligé d’aimer notre prochain, car la bonté de l’amour du prochain précède le commandement positif de Dieu.

Pour nous, la fondation de la justice est donc la volonté de Dieu. Pour Dieu, la fondation de la justice est la nature des choses commandées.

  1. D’un point de vue logique, la sainteté et la justice de Dieu précèdent sa libre volonté. Donc il ne peut pas contrevenir à sa justice par sa libre volonté, au contraire elle la suit.
  2. Le lien qui relie le Créateur à sa créature est fondé sur leurs natures respectives : la créature dépend du Créateur, et en tire tous les éléments de son être. Ce lien de dépendance précède logiquement toute volonté libre que Dieu émet, et il est illogique qu’il puisse émettre un commandement positif qui serait contraire au lien naturel entre lui et sa créature.
  3. Si la bonté d’une chose n’était réellement fondée que sur la libre volonté de Dieu et sur rien d’extrinsèque, alors Dieu pourrait commander l’athéisme, et l’athéisme serait bon. Il pourrait commander n’importe quelle abomination, et elle deviendrait bonne. Les choses seraient considérées comme indifférentes jusqu’à ce que Dieu les ordonne ou les interdise. C’est absurde et invivable.

Étienne Omnès

Mari, père, appartient à Christ. Les marques de mon salut sont ma confession de foi et les sacrements que je reçois.

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