Y a-t-il des décrets en Dieu et comment ?
Après avoir décrit tout au long du locus 3 tout ce qu’il fallait savoir sur Dieu, Turretin consacre quelques questions générales sur ses « mouvements internes », les décrets. Cette notion est fondamentale pour entrer en profondeur dans la doctrine du salut. L’ordre et la structure qu’il va adopter dans ce locus sont résumés dans le diagramme suivant:
Y a-t-il des décrets en Dieu ?
Est ce que « quelque chose sort » de Dieu? Cela semble assez évident puisque la Bible nous décrit un Dieu qui a une préconnaissance (πρόγνωσις), révèle (πρόθεσις), tient conseil (βουλεύω), a son bon plaisir (εὐδοκία). C’est donc qu’il a une volonté active, que nous appelons des décrets. Il est à noter cependant que les délibérations de Dieu ne se prennent pas comme les nôtres, après « consultation des données » puisque tout est nu et découvert aux yeux de celui à qui nous devons rendre compte. (Hébreux 4,13)
Comment sont-ils en Dieu ?
Les sociniens et le remontrant Vorstius voulaient faire de ces décrets un accident à Dieu. Vous avez Dieu d’un côté, et une sorte de module à part qui sont ses décrets et sa volonté. Ainsi, on pouvait davantage envisager qu’ils pussent être modifiés par l’usage de notre libre arbitre. Turretin s’y oppose.
Les décrets ne sont pas en Dieu de façon extérieure à lui, comme des accidents1
- À cause de sa simplicité : Il ne peut y avoir de composition en lui.
- À cause de son infinité et de sa perfection : si Dieu est parfait, comment pourrait-on lui ajouter encore quelque chose comme pour l’améliorer ?
- À cause de son immuabilité car les changements sont portés par les accidents. Or Dieu est immuable aussi bien dans sa volonté que son essence. Il n’y a donc pas de place pour que ses décrets soient accidentels.
Nous devons nécessairement dire que les décrets sont dans son essence, en tant qu’actes immanents de sa volonté avec un lien et un terme à l’extérieur de lui. Ils ne diffèrent donc pas réellement de son essence, puisque la volonté de Dieu (avec laquelles ils sont identifiés) n’est rien d’autre que l’essence de Dieu voulante.
François Turretin, Instituts de théologie élenctique, 4.1.7.
Turretin parle aussi des décrets comme un acte vital déterminant lui-même la production de telle ou telle chose. Ces actes sont efficaces parce que, si telle chose arrive, c’est à cause du décret de Dieu et exemplaires parce que le décret est l’Idée même de la chose à venir, l’archétype de ce qui existe.
D’une façon très augustinienne, Turretin défend et précise ensuite que toutes les idées sont réelles et existent dans l’esprit de Dieu, et que les décrets sont les idées de Dieu. Voici tout de même quelques différences pour éviter les erreurs :
- En l’homme, on reçoit l’idée puis on fait des choses à partir de là. Chez Dieu, l’idée est exprimée et non reçue.
- Nous prenons les choses comme exemple pour en tirer les idées. Chez Dieu, l’exemple c’est directement l’idée, et il fait les choses selon son idée.
- La différence entre une chose possible et une chose actuelle est simplement que Dieu décide de lui donner l’acte. Dieu n’est pas un monde platonique neutre.
- Un accident est une qualité qu’une chose se trouve posséder, mais qui ne lui est pas essentielle. Par exemple, vous avez des cheveux blonds, mais si vous n’aviez pas de cheveux, vous seriez toujours vous-même.[↩]
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