La prédestination doit-elle être prêchée et enseignée publiquement ? Nous l’affirmons.
Les premiers à s’être posé la question furent des français disciples d’Augustin, au Ve siècle. Au XVIIe siècle, fatigués par les querelles prédéstinariennes, il y en avait aussi beaucoup qui questionnaient la pertinence même du sujet, non qu’ils fussent contre la prédestination, mais parce que la précision et la longueur de ces débats les fatiguaient (et on peut les comprendre). À notre époque, nous trouverons des équivalents. Mais Turretin nous dit que nous devons quand même prêcher et enseigner le sujet de la prédestination.
Par conséquent nous pensons que cette doctrine ne doit ni être complètement supprimée par modestie mal placée ni être fouaillée avec une curiosité téméraire et présomptueuse. À la place, il faut l’enseigner avec sobriété et prudence à partir de la parole de Dieu de telle façon que les deux dangers soient évités : d’un côté, « l’ignorance affectée » qui souhaite ne rien voir et s’aveugle volontairement sur les choses révélées ; de l’autre, la curiosité téméraire qui cherche à tout comprendre, même dans les mystères. Cela s’oppose aux premiers — péchant en défaut — qui pensent qu’on doit s’abstenir des propositions sur cette doctrine ; et aux seconds — péchant en excès — qui souhaitent rendre la moindre chose expliquée et tiennent que rien ne doit rester inexpliqué dedans. Contre les deux, nous maintenons (avec les orthodoxes) que la prédestination peut être enseignée avec profit, pourvu que cela soit fait sobrement à partir de la parole de Dieu.
Argumentation (§§ 4-6)
Premier argument : Christ et les apôtres ont enseigné la prédestination, dès lors, pourquoi devrions nous laisser sous silence ce que Dieu a révélé ? Pourquoi ne pas proclamer ce qu’il a ouvertement dit ? Liste des passages référencés : Matthieu 11,20, 25 ; 13,11 ; 25,34 ; Luc 10,20 ; 12,32 ; Jean 8,47 ; 15,16 ; Romains 8,29-30 ; 9 ; Éphésiens 1,4-5 ; 2 Timothée 1,9 ; 1 Thessaloniciens 5,9 ; 2 Thessaloniciens 2,13, etc. Faut-il s’abstenir de prêcher sur tous ces passages ?
Deuxième argument : C’est une des doctrines les plus fondamentales de l’Évangile et une fondation de notre foi. L’ignorer est un dommage pour l’Église, car elle est la fontaine de notre gratitude à Dieu, la racine de notre humilité, la fondation et la plus sûre des ancres de confiance dans toutes les tentations, le socle de la plus douce des consolations et le plus puissante des encouragements à la piété et la sainteté.
Troisième argument : il faut bien répondre aux mensonges de nos adversaires. Si on laisse les sociniens faire, ils vont tuer toute religion et engendrer l’athéisme, voire pire : le protestantisme libéral. Contre cela, il faut une sobre et vraie exposition de la parole de Dieu.
Réponses aux objections (§§ 7-11)
§ 7 : Oui, mais certains ont abusé de cette doctrine pour détruire et décourager des croyants.
→ Elle reste pourtant utile aux pieux, et l’abus ne supprime pas l’usage. S’il fallait s’empêcher de prêcher les mystères au moindre abus, alors nous devons aussi arrêter de prêcher la résurrection, l’incarnation et la Trinité. Les musulmans seraient contents. Paul lui-même ne s’est pas tu face à ceux qui caricaturaient la prédestination, mais a exposé plus clairement le concept. Pourquoi ne pas faire pareil ?
Certes, on ne peut pas comprendre le « pourquoi » de la prédestination, mais il ne faut pas pour autant négliger le simple fait: ce qui est secret doit rester secret, ce qui est ouvertement écrit dans la Parole de Dieu doit être ouvertement prêché. Comme le dit Augustin : Nous ne devons pas nier ce qui est clair parce que nous ne pouvons pas comprendre ce qui est caché1.
Comment la prédestination doit être enseignée
Même si nous pensons que la prédestination doit être enseignée, nous ne supposons pas pour autant que la curiosité humaine doive être engraissée, mais nous croyons qu’il y a besoin de beaucoup de sobriété et prudence ; d’abord pour rester dans les limites posées par les Écritures, et non pour chercher à se rendre sage au delà de ce qui est écrit, et que nous puissions tenir compte des personnes, des lieux et des temps pour réguler notre expression de cette doctrine. Car elle ne doit pas être livrée immédiatement du premier coup, mais graduellement et lentement. Elle ne doit pas non plus être livrée avec la même attention à toutes ses parties, car certaines parties doivent être plus fréquemment inculquées puisqu’elles sont plus utiles et mieux adaptées à la consolations des pieux (telle que la doctrine de l’élection) mais d’autres parties doivent être moins souvent traitées (comme la doctrine de la réprobation). Elle ne doit pas non plus être exposée au peuple de l’Église avec autant de détails qu’aux initiés à l’école. Encore une fois, la prédestination doit être considéré non a priori, mais a posteriori. Non pour descendre des causes aux effets, mais remonter des effets aux causes2. Non pour dérouler le « livre de vie » avec curiosité afin de voir si nos noms sont dessus (ce qui est interdit) mais pour mieux consulter « le livre de la conscience» qui nous est non seulement permis, mais aussi ordonné de consulter, afin de voir le sceau de Dieu imprimé sur nos cœurs et de voir si les fruits de l’élection — la foi et la repentance — y sont trouvés, ce qui est la meilleure façon de savoir si nous sommes sauvés. En un mot, toutes les questions curieuses et stériles doivent être évitées ici, et ce que Paul appelle les discussions folles et inutiles, sachant qu’elles font naître des querelles (2 Timothée 2,23). Notre seul objectif doit être d’augmenter notre foi et non notre curiosité; travailler à notre édification, et non notre gloire.
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