En France, un projet de loi sur l’immigration a été voté au Sénat et va poursuivre son parcours d’adoption. À cette occasion, voici deux courts extraits de la Somme théologique et du traité de politique Du royaume1 de Thomas d’Aquin sur l’immigration, cités par le philosophe catholique Edward Feser dans son livre All One in Christ: A Catholic Critique of Racism and Critical Race Theory, pp. 43-45. Comme d’habitude, Thomas reprend la tradition politique classique très influencée par Platon et Aristote comme sur de nombreux sujets.
Concernant l’extrait de la Somme théologique, il s’agit de l’article 3 de la question 105 du premier volume de la seconde partie (I-II, q. 105, a. 3), disponible gratuitement en ligne ici. Je reprends la traduction qui figure dans l’édition des éditions du Cerf de 1985.
Concernant l’extrait venant du traité De la royauté, il s’agit du chapitre 3 du Livre second avec comme traduction celle du père Marie Martin-Cottier en 1946, disponible gratuitement en ligne ici.
Extrait de la Somme théologique
Avec les étrangers, le peuple peut entretenir deux sortes de rapports : dans la paix et dans la guerre. Pour régler les uns et les autres, la loi comportait les préceptes qu’il fallait. Dans la paix, une triple occasion s’offrait aux Juifs d’entrer en contact avec les étrangers : tout d’abord quand des étrangers en voyage traversaient le pays ; ou bien quand des étrangers venaient dans le pays pour s’y installer en qualité d’immigrés. Dans ces deux cas, les prescriptions légales ont un caractère d’humanité ; ce sont les maximes de l’Exode : Tu ne brimeras pas l’hôte étranger (22,21), et : Tu ne seras pas cruel pour le voyageur étranger (23,9). Le troisième cas est celui d’étrangers désirant être reçus en pleine communauté de vie et de culte avec le peuple : à leur endroit on observait certaines formalités, et leur admission à l’état de citoyens n’était pas immédiate. De même, selon Aristote, c’était une règle chez certaines nations de réserver la qualité de citoyens à ceux dont l’aïeul, voire le trisaïeul, avait résidé dans la cité. Et cela se comprend, à cause des multiples inconvénients occasionnés par la participation prématurée des étrangers au maniement des affaires publiques, si, avant d’être affermis dans l’amour du peuple, ils entreprenaient quelque chose contre lui. C’est pourquoi, selon les dispositions de la loi, certaines nations plus ou moins liées avec les Juifs, comme les Égyptiens au milieu desquels ils étaient nés et avaient grandi, les Édomites descendants d’Ésaü, le frère de Jacob, étaient accueillis dès la troisième génération dans la communauté du peuple. D’autres au contraire qui avaient montré de l’hostilité pour les Juifs, comme les descendants d’Ammon et de Moab, n’y étaient jamais admis ; quant aux Amalécites qui leur avaient été particulièrement hostiles et ne leur étaient liés à aucun degré de parenté, on devait à jamais les traiter en ennemis, selon l’Exode : De génération en génération, Dieu sera en guerre avec Amalec (17,16).
Thomas d’Aquin, Somme théologique, I-II, q. 105, A. 3.
Extrait du traité Du royaume
Or la fréquentation des étrangers corrompt le plus souvent les mœurs des citoyens, selon l’enseignement d’Aristote dans sa Politique : parce qu’il doit nécessairement arriver que des étrangers élevés sous des lois et des coutumes différentes, agissent, dans beaucoup de cas, autrement que l’exigent les mœurs des citoyens, et ainsi, tandis que les citoyens sont poussés par l’exemple à agir d’une façon semblable, la vie de la cité en est troublée (Politique, VII, V, 3).
Thomas d’Aquin, Du royaume, Livre II, chapitre 3.
Illustration : Nicola Grassi, Jacob et Laban, huile sur toile, première moitié du XVIIIe siècle (collection privée).
- Suivant les éditions, on a des titres différents comme De la royauté avec Denis Sureau en 1996 ou Du gouvernement royal avec Claude Roguet en 1926.[↩]
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