La justice originelle fut-elle naturelle ou surnaturelle ? Nous affirmons la première proposition, nions la seconde, contre les papistes.
Nous avons vu que l’homme avait été créé dans un état de justice originelle, contrairement à ce qu’avancaient les sociniens. Mais les catholiques, dans leur interprétation du péché restant chez le chrétien, affirmaient que la nature de l’homme n’avait aucune justice possible en elle, et que le don de justice originelle était surnaturel, extérieur à l’homme. Seuls les jansénistes s’opposaient à cette vision chez eux. Le proverbe scolastique décrivant cette position disait : Les choses naturelles restèrent intouchées, seul le surnaturel fut perdu.
Mais l’orthodoxie réformée rejette cette idée, et affirme que la justice était naturelle à Adam, au sens de l’origine et de sa perfectibilité.
Argumentation (§§ 7-10)
Premier argument : Tout comme la bonté était naturelle à l’homme (Genèse 1,31) alors la justice originelle devait l’être aussi. De même pour la droiture, dont il est écrit : Dieu a fait les hommes droits (Ecclésiaste 7,29), et qui implique que la droiture morale de l’homme était naturelle, et non un don surnaturel.
Deuxième argument : Ce qui est naturel est ce qui se serait transmis si l’homme était resté juste. Or les enfants d’Adam auraient été aussi juste que lui, s’il n’y avait pas eu la chute. Donc la justice originelle de l’homme était naturelle.
Troisième argument : Le péché originel, transmissible aux enfants, est naturel. Nous étions par nature des enfants de colère (Éphésiens 2,3). Donc son contraire, la justice originelle, est aussi naturelle.
Quatrième argument : Si les restes de justice en l’homme sont naturels comme le dit Romains 2,14 (les païens font naturellement ce que prescrit la loi), alors c’est que la justice originelle, soit la même justice dans son intégrité de départ est aussi naturelle. Par analogie : si vous voyez les ruines d’un bâtiment en pierre, vous en déduisez que le bâitment complet était en pierre. De même pour la justice de l’homme.
Cinquième argument : Si la justice originelle était surnaturelle, alors cela veut dire que la nature de l’homme n’est que corruption et mauvais penchants, et que ce serait ainsi que Dieu aurait créé l’homme. Dieu serait alors l’auteur du péché, ce qui est inadmissible.
Sixième argument : La fin naturelle de l’homme présuppose des moyens naturels pour l’obtenir. S’il était prévu que par sa justice, l’homme restât en état de béatitude avec Dieu, et que cette fin fût conforme à sa nature… alors c’est que la justice qui permet cette béatitude était naturelle.
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