L’âme est-elle immortelle à cause de sa constitution intrinsèque ? Nous l’affirmons.
Turretin va ici prouver que l’âme humaine est immortelle, même quand elle refuse Dieu. Il s’oppose non seulement aux athées qui nient l’immortalité de l’âme, mais aussi aux anabaptistes qui pensaient que l’âme n’était pas consciente après la mort.
Arguments (§§ 6-15)
À partir de l’Écriture
Premier argument scripturaire : Matthieu 22,32 où Jésus dit, au sujet de la résurrection, C’est moi qui suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob. Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants.
- Pour qu’il y ait une alliance avec quelqu’un, il faut qu’il soit vivant. Donc Abraham, Isaac et Jacob sont encore vivants, d’une certaine façon.
- Renforcé par le fait que Dieu continue de se dire Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, même après leurs morts. C’est donc qu’ils subsistent.
Deuxième argument scripturaire : ces passages montrent que le sort de l’âme est différent de celui du corps. Si le deuxième se dissout, la première subsiste.
- Ecclésiaste 12,7 : Avant que la poussière retourne à la terre, selon ce qu’elle était, et que le souffle retourne à Dieu qui l’a donné.
- Psaumes 146,4 : Leur souffle s’en va, ils retournent à leur poussière. Ici, le souffle (c’est-à-dire l’âme) ne retourne pas à la poussière, il s’en va (ailleurs).
- Matthieu 10,28 : Ne craignez pas ceux qui tuent le corps et qui ne peuvent tuer l’âme ; craignez plutôt celui qui peut faire disparaître et l’âme et le corps dans la géhenne.
Troisième argument scripturaire : Dieu promet la vie éternelle aux croyants et le châtiment éternel aux impies. C’est donc qu’ils vivent éternellement.
- Hébreux 6,2 : Sans poser de nouveau les fondations : […] résurrection des morts et jugement éternel.
- Matthieu 25,34 : Alors le roi dira à ceux qui seront à sa droite : « Venez, vous qui êtes bénis de mon Père ; héritez le royaume qui a été préparé pour vous depuis la fondation du monde. »
- Matthieu 25,41 : Ensuite il dira à ceux qui seront à sa gauche : « Allez-vous-en loin de moi, maudits, dans le feu éternel préparé pour le diable et pour ses anges. »
Quatrième argument scripturaire : les références directes à la survie après la mort.
- 2 Corinthiens 5,1 et 8 : Nous savons, en effet, que si notre demeure terrestre, qui n’est qu’une tente, est détruite, nous avons dans les cieux une construction qui est l’ouvrage de Dieu, une demeure éternelle qui n’a pas été fabriquée par des mains humaines […]. Nous sommes cependant pleins de courage et nous aimons mieux être en exil loin du corps pour être chez nous auprès du Seigneur.
- Philippiens 1,23 : Je suis enfermé dans ce dilemme : j’ai le désir de m’en aller et d’être avec le Christ, ce qui serait, de beaucoup, le meilleur.
- Luc 16,19-31 : parabole de Lazare, qui montre le riche non seulement en enfer, mais aussi conscient en enfer, tout comme Abraham.
- Apocalypse 6,9-11 : Quand il ouvrit le cinquième sceau, je vis sous l’autel les âmes de ceux qui avaient été immolés à cause de la parole de Dieu et du témoignage qu’ils avaient porté. Ils crièrent : Jusqu’à quand, Maître saint et vrai, tardes-tu à juger, à venger notre sang en le faisant payer aux habitants de la terre ? Une robe blanche fut donnée à chacun d’eux, et il leur fut dit de se tenir en repos quelque temps encore, jusqu’à ce que soient au complet leurs compagnons d’esclavage et leurs frères qui allaient être tués comme eux. Ils ont survécu au-delà de la mort, et ils sont toujours conscients.
À partir d’autres sources
Premier argument naturel : à partir de la providence de Dieu.
- Il faut que l’âme survive à la mort pour que les promesses de Dieu s’appliquent. Donc la vérité de Dieu exige l’immortalité de l’âme.
- Il faut que l’âme survive à la mort pour que la justice de Dieu s’applique. Donc la justice de Dieu exige l’immortalité de l’âme.
Deuxième argument : l’âme est de nature spirituelle, et ne porte en elle aucune raison de disparaître : elle ne peut pas « perdre des morceaux » comme le corps, elle ne dépend pas de la matière périssable. Donc il n’y a rien pour qu’elle puisse mourir.
Troisième argument : elle peut agir au-delà des limites du corps (par exemple, le travail de manipulation de concepts abstraits). Elle peut donc exister au-delà du corps. C’est parce qu’elle « dépasse » le corps que nous pouvons être sûrs qu’elle ne mourra pas avec lui.
Dernier argument, à part : les païens avaient une opinion semblable, comme Pline l’Ancien. Turretin renvoie à des listes faites par d’autres auteurs.
Objections (§§ 16-25)
§ 16 : Il est écrit en Ecclésiaste 3,19 Car le sort des humains et le sort de la bête ne sont pas différents ; l’un meurt comme l’autre, ils ont tous un même souffle, et la supériorité de l’humain sur la bête est nulle : tout n’est que futilité donc l’âme de l’homme n’est pas immortelle.
→ Dans le même livre, il est assez clair à ce sujet:
- Ecclésiaste 12,7 : Avant que la poussière retourne à la terre, selon ce qu’elle était, et que le souffle retourne à Dieu qui l’a donné.
- Ecclésiaste 3,21 : Qui sait si le souffle des humains s’élève vers les hauteurs, et si le souffle des bêtes descend vers le bas, vers la terre ?
Ce que dit l’Ecclésiaste en 3,19, c’est que selon les apparences extérieures, le labeur de l’homme n’a pas plus de résultats et n’est pas plus glorieux que celui de la bête. Qu’il cesse donc d’imaginer se glorifier par son travail et apprenne plutôt à glorifier Dieu par une vie sans excès.
§ 17 : Il est écrit que les morts ne louent pas le Seigneur (Psaume 30,9 ; 88,12 ; 115,17 ; Ésaïe 38,18). Donc ils ne subsistent pas après la mort.
→ Il y a des témoignages directs de l’idée inverse, comme Apocalypse 14,13 : Heureux les morts, ceux qui meurent dans le Seigneur, dès maintenant ! Oui, dit l’Esprit, qu’ils se reposent de leurs travaux, car leurs œuvres les suivent. Ce qu’enseignent les Psaumes, c’est que par rapport à un homme doté de son âme et de son corps, celui qui n’a que son âme ne loue pas, parce qu’il n’a pas l’intégrité de sa nature utilisée pour la louange de Dieu. Cela ne dit rien sur son immortalité.
§ 18 : Ce qui a un début a une fin. L’âme a un début 1. Donc elle a une fin. → Il faut corriger: Tout ce qui a un début naturel a une fin, par corruption de sa matière. Or le début de l’âme est surnaturel. Donc elle n’a pas de fin naturelle.
§ 24 : L’âme survit, mais elle n’est pas consciente. Voici les passages qui le prouvent:
- Jean 11,11 : Après avoir dit cela, il ajoute : Lazare, notre ami, s’est endormi, mais je vais le réveiller de son sommeil.
- 1 Corinthiens 11,30 : C’est pour cela qu’il y a parmi vous beaucoup de malades et d’infirmes, et qu’un assez grand nombre se sont endormis dans la mort.
- 1 Thessaloniciens 4,15 : Voici en effet ce que nous vous disons – c’est une parole du Seigneur : nous, les vivants qui restons jusqu’à l’avènement du Seigneur, nous ne devancerons en aucun cas ceux qui se sont endormis.
→ Cela ne s’applique qu’au corps, et non à l’âme. C’est en ce sens qu’on voit l’expression en Daniel 12,2 Une multitude, qui dort au pays de la poussière, se réveillera – les uns pour la vie éternelle, et les autres pour l’opprobre, pour la honte éternelle.
- Cf. la section précédente, sur l’origine de l’âme.[↩]
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