23 juillet 2025

Cet article est une dissertation pour la faculté Jean Calvin.

Introduction

Depuis les années 1990, la doctrine des liens d’âme circule dans les milieux charismatiques, comme adjonction à leur doctrine de l’exorcisme. Les liens d’âme sont les relations, ou les vestiges de relations, que nous avons avec d’autres, et qui peuvent servir de « porte d’entrée » à des influences néfastes dans nos vies, lorsque ces liens sont mauvais. Cette doctrine justifie alors des exorcismes ciblés sur ces relations et leurs conséquences, de telle sorte que l’héritage de notre fornication avec une sorcière gothique durant notre adolescence ne nous apporte plus de malédiction aujourd’hui.

Cette dissertation vise à exposer, critiquer et approfondir cette doctrine, qui, bien qu’elle ne soit pas essentielle au christianisme, correspond néanmoins à l’objectif de ce cours, à cause de l’anthropologie chrétienne qu’elle développe.

Il existe de nombreuses versions de cet enseignement, allant des plus extravagantes aux plus sobres. Celle qui sera examinée ici est celle exposée par Ellel Ministries, fondée par Peter Horrobin en 1986. Je m’appuierai en particulier sur le livre de David Cross Liens d’âme, les liens invisibles des relations humaines. J’ai choisi cet enseignement parce qu’il est à la fois sobre et respectueux de l’autorité des Écritures. Par ailleurs, j’ai moi-même bénéficié du travail d’Ellel Ministries il y a quelques années, dont la bienveillance et le savoir-faire pastoral sont remarquables. Si, au fil de cette dissertation, j’affirme certaines divergences doctrinales importantes, qu’on ne s’imagine pas qu’elles procèdent d’une quelconque hostilité à leur égard.

Cependant, je mènerai cet examen en conformité avec les Écritures et les confessions de foi réformées, notamment celle de La Rochelle. J’utiliserai une méthode scolastique afin de produire un examen aussi systématique que possible, en m’attachant à détailler les quatre causes aristotéliciennes. Je commencerai donc par vérifier s’il existe quelque chose que l’on peut appeler « lien d’âme », puis je tâcherai d’en proposer une définition (cause formelle), ce qui le produit (cause efficiente), de ses effets et enfin son but (cause finale).

Y a-t-il des liens d’âme ?

Ainsi que le dit David Cross dans son livre Liens d’âme, les liens invisibles des relations humaines, le terme n’y est pas, mais il y a bien l’idée d’un objet invisible mais agissant qui s’exprime dans les relations humaines.

  1. 1 Samuel 18.1 : Alors que David finissait de parler à Saül, Jonathan fut attaché à lui. Jonathan aima David comme lui-même. 1 La scène décrit ainsi un acte invisible qui lie ensemble l’âme de Jonathan et celle de David.
  2. Colossiens 2.2 : Je combats pour eux afin qu’ils soient encouragés et que, unis par l’amour, ils accèdent ensemble, en toute sa richesse, à la certitude que donne la compréhension du secret de Dieu. 2 Il s’agit du verbe συμβιβάζω au passif, traduisant l’idée de mise en lien au sein d’un ensemble plus large. En somme, Paul dit qu’il a un lien d’amour avec les Laodicéens.
  3. Proverbes 5.22 : Le méchant est prisonnier de ses propres fautes, il est retenu par les liens de son péché. Il est important de noter ici que le péché dont on parle est la fornication avec la femme adultère. Il est donc révélé ici qu’une relation sexuelle adultère n’est pas sans effet, mais qu’elle met au contraire un lien contraignant sur notre âme.
  4. Psaume 129.4 : L’Éternel est juste : il a coupé les cordes de ces méchants. Dans le contexte, il s’agit des relations hostiles que le psalmiste a avec ses ennemis depuis sa jeunesse. Bien que l’image soit métaphorique, elle révèle que Dieu peut nous délivrer des conséquences néfastes des relations à nos ennemis, et qu’il utilise l’image des liens pour cela.
  5. Ruth 1.14 : Orpa embrassa sa belle-mère, mais Ruth lui resta attachée. Ce qui est remarquable ici, c’est que le mot est strictement le même qu’en Genèse 2.24, l’institution du mariage : l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à la femme qu’il aime. Si une relation homosexuelle est exclue du texte biblique, il reste que Ruth fait davantage que rester géographiquement proche de Naomie : elles développent toutes les deux un lien d’alliance, aussi spirituel et réel que peut l’être le mariage.
  6. 1 Thessaloniciens 2.17 : Quant à nous, frères et sœurs, séparés de vous pour un peu de temps – de corps mais non de cœur. Ce qui est remarquable ici, c’est l’évocation explicite qu’une relation est un objet persistant même en cas d’absence.
  7. Éphésiens 2.22 : C’est en lui que tout l’édifice, bien coordonné, s’élève pour être un temple saint dans le Seigneur. Ce qui est remarquable ici est que l’apôtre Paul dit que la constitution de la communauté chrétienne et ses liens ordinaires entre membres participe spirituellement à la gloire de Dieu. Il en sort que les relations humaines ont une valeur spirituelle efficace et réelle.
  8. 1 Corinthiens 6.16 : Ne savez-vous pas que celui qui s’unit à la prostituée est un seul corps avec elle ? En effet, il est dit : Les deux ne feront qu’un. Ce qui est intéressant dans ce passage, c’est que la relation de fornication est présentée en opposition à notre relation avec Dieu. Ainsi, il n’y a pas de distinction formelle entre relation corporelle et relation spirituelle, ni de séparation entre relation profane et relation sacrée. Toutes sont spirituellement signifiantes, toutes ont un impact sur notre union à Christ.

En résumé, nous apprenons par ces versets :

  1. Que les relations sont des objets réels.
  2. Que les relations sont des objets persistants.
  3. Que les relations sont des objets ayant un acte spirituel réel.
  4. Que l’acte des relations peut nous orienter vers le bien ou vers le vice, de façon efficace.

C’est ce que nous appelons des « liens d’âme ». Notre définition de travail sera la suivante : Un lien d’âme est une relation humaine sous l’aspect de leur effet sur notre vie.

De la cause formelle

Les liens d’âme sont-ils des substances ou des accidents ?

Nous posons ici la question de savoir si les liens d’âme sont des objets ayant une existence propre (des substances) ou s’ils sont les accidents d’une autre substance. Il arrive en effet que des formulations maladroites disent « qu’un lien d’âme vient » ou qu’il agit comme s’il existait indépendamment de l’âme humaine.

Ici, il faut dire que les liens d’âme sont des accidents de l’âme humaine et n’ont pas d’existence propre.

  1. Nous avons vu que les mentions bibliques des liens d’âme ne les présentent jamais comme une substance autonome, mais toujours comme les propriétés d’un sujet particulier (Jonathan et David, Ruth et Naomi, Paul et les Laodicéens, etc.).
  2. Cela découle aussi directement de la définition proposée, qui dit que les liens d’âme sont des relations.

Quel est le genre et l’espèce des liens d’âme ?

Parmi les catégories, une seule convient aux liens d’âme : les relations, comme le suggère sa définition même. Or, une relation peut être de trois espèces : transcendentales, réelles ou rationnelles.

Une relation transcendantale est une relation essentielle à l’étant, comme la relation entre l’âme et le corps. Les liens d’âme ne sont pas essentiels comme nous le verrons, et ne sont donc pas de cette espèce.

Une relation rationnelle est une relation de raison pure, mais qui n’est pas dans l’objet. La comparaison ou la métaphore est une relation rationnelle. Elle ne convient pas non plus aux liens d’âme, car ils existent réellement dans le sujet de la relation.

Nous en déduisons donc que les liens d’âme sont des relations réelles.

Sont-ils nécessaires ou contingents ?

On pourrait dire qu’ils sont nécessaires, puisque le seul humain qui fut potentiellement sans lien d’âme fut Adam avant l’existence d’Ève (et encore, il avait une relation avec Dieu). Cependant, nous constatons que les liens sont aussi divers et contingents que les personnes mêmes avec lesquelles nous sommes en relation.

Cette distinction nous amène à dire que le principe du lien d’âme est une nécessité de nature : être humain, c’est avoir des relations (ne serait-ce qu’avec ses parents), et il est donc nécessaire qu’il en soit ainsi.

Mais l’acte du lien d’âme suit les contingences du sujet (sa naissance, ses décisions, ses opportunités) et c’est pourquoi nous pouvons dire que le principe du lien d’âme est nécessaire, mais son acte est contingent.

Ont-elles un acte ?

Les liens d’âme agissent-ils ? Étant donné qu’ils ne sont pas des substances, ils ne possèdent aucun acte propre, et ne causent rien par eux-mêmes. Il est bon de rappeler par ailleurs que les actes sont un accident différent des relations, et que les relations n’agissent pas.

Objection : Il est pourtant écrit que celui qui s’unit à la prostituée fait une seule chair avec elle (1 Co 6.16). C’est donc que la relation a un acte, et que la relation crée la malédiction. Réponse : Il y a ici une équivoque sur le terme « relation » : ce que Paul décrit ici est l’acte que nous appelons « relations sexuelles » dont l’un des effets est la colère de Dieu.

Objection : Les relations ont pourtant des effets, puisque nous avons en Prov 5.22 que la relation avec une femme adultère cause une contrainte qui nous pousse au péché. C’est donc que les relations telles que les liens d’âme peuvent agir. Réponse : Les relations doivent être considérées comme des instruments et non des causes. Nous détaillerons cela dans l’étude des effets.

De la cause efficiente des liens d’âme

Comment les liens d’âme sont-ils créés ?

Ils peuvent être créés de façon volontaire. C’est ce que montre l’exemple direct de David et Jonathan (1 Samuel 18.1), ainsi que celui de Ruth et Naomi (Ruth 1.14), mais aussi notre expérience universelle. Si les liens d’âme ne sont que nos relations considérées du point de vue de leurs effets, alors il n’y a pas de difficulté à admettre leur création volontaire.

Ils peuvent aussi être créés de façon involontaire, notamment dans les cas d’abus, où l’usage de la contrainte engendre une relation entre le bourreau et sa victime. En raison de la persistance des relations (cf. 1 Thessaloniciens 2.17), il peut exister un lien d’âme contre la volonté de la personne concernée.

Enfin, ils peuvent être hérités, selon ce que l’on appelle les liens générationnels, que nous allons maintenant développer.

Les liens d’âme peuvent-ils être hérités ?

Nous posons ici la question du péché générationnel ou des liens générationnels. L’idée est que l’on puisse souffrir des effets de malédictions propres à nos parents par lien d’engendrement.

Au sein même des Dix Commandements, il est écrit : « Car moi, l’Éternel, ton Dieu, je suis un Dieu jaloux, qui punit l’iniquité des pères sur les enfants jusqu’à la troisième et la quatrième génération de ceux qui me haïssent. » (Exode 20.5)

Objection : Il ne s’agit pas ici de péché générationnel, mais de souligner la plus grande force de la grâce par rapport au péché. Réponse : Cela ne s’oppose en rien à la réalité d’un péché transmis, surtout en considérant les autres témoignages.

De même, Jésus a déclaré à propos des Juifs de son époque : « Afin que retombe sur vous tout le sang innocent répandu sur la terre, depuis le sang d’Abel le juste jusqu’au sang de Zacharie, fils de Barachie, que vous avez tué entre le temple et l’autel. Je vous le dis en vérité, tout cela retombera sur cette génération. » (Matthieu 23.35-36) Ici, Jésus dit explicitement que le châtiment lié à la faute de leurs pères retombera sur eux, comme s’ils étaient coupables des fautes de leurs pères.

Enfin, il y a le châtiment des fils de Saül à cause de son parjure contre les Gabaonites (2 Samuel 21.1-14). Cela commence par un jugement de Dieu contre Israël, sous le règne de David : « Du temps de David, il y eut une famine qui dura trois ans. David chercha la face de l’Éternel, et l’Éternel dit : C’est à cause de Saül et de sa maison sanguinaire, c’est parce qu’il a fait périr les Gabaonites. » (v.1) Au verset 2, on explique que Saül avait trahi le serment qu’Israël avait fait au nom du Seigneur, en les tuant. David demande alors aux Gabaonites : « Que puis-je faire pour vous, et avec quoi ferai-je expiation, afin que vous bénissiez l’héritage de l’Éternel ? » (v.3) L’expiation proposée est la suivante : « Puisque cet homme nous a consumés, et qu’il avait le projet de nous détruire pour nous faire disparaître de tout le territoire d’Israël, qu’on nous livre sept hommes d’entre ses fils, et nous les pendrons devant l’Éternel à Guibea de Saül, l’élu de l’Éternel. » Et le roi dit : « Je les livrerai. » (v.5-6)

Une fois que les fils furent tués pour la faute de leur père, il est écrit : « Et l’on fit tout ce que le roi avait ordonné. Après cela, Dieu fut apaisé envers le pays. » (v.14) Il apparaît, à partir de ce passage, qu’il y a dans la justice de Dieu une considération de génération.

En sens contraire, on cite souvent Ézéchiel 18.20 : « L’âme qui pèche, c’est celle qui mourra. Le fils ne portera pas l’iniquité de son père, et le père ne portera pas l’iniquité de son fils. La justice du juste sera sur lui, et la méchanceté du méchant sera sur lui. » Contre cela, je cite Zacharias Ursinus :

Objection 7 : Les fils ne portent pas l’iniquité de leurs pères (Ézéchiel 18.20). Donc il est injuste que la descendance porte l’iniquité d’Adam. Réponse : Le fils ne porte pas l’iniquité du père ou ne subit pas le châtiment à cause du père, du moins s’il ne l’approuve pas, ni ne chute dedans, mais qu’il le condamne et l’évite.3

Enfin, je cite François Turretin, qui confesse lui aussi que les péchés des parents sont imputés aux enfants.

Par le juste jugement de Dieu, les péchés des parents sont fréquemment transmis aux enfants et leur sont imputés. […] Cette imputation est prouvée non seulement à partir des menaces de la Loi (par laquelle Dieu lui-même proclame qu’il est « Dieu Jaloux, qui punit l’iniquité des pères sur les enfants jusqu’à la troisième et la quatrième génération » (Exode 20:5)), mais aussi à travers beaucoup d’exemples qui le prouvent : Acan (Josué 7:24-25) ; les Amalécites (1 Samuel 15:2-3), les fils de Saül (2 Samuel 21:6-9) ; Jéroboam (1 Rois 14:9-10) ; Achab (1 Rois 21:21-22) et d’autres. De même l’église reconnaît qu’elle porte la punition des crimes commis par ses pères (Lamentations 5:7). Et Christ menace les Juifs qu’il va venir sur eux les punitions des crimes commis longtemps auparavant par leurs ancêtres : « afin que retombe sur vous tout le sang innocent répandu sur la terre, depuis le sang d’Abel le juste jusqu’au sang de Zacharie. » (Matthieu 23:35). À partir de là, il est clair que l’imputation du péché des autres ne doit pas être pris pour quelque chose d’inhabituel ou jamais entendu ou absurde, injuste et cruel, vu que Dieu lui-même confesse être le vengeur des crimes des parents sur leurs enfants. 4

Ainsi, par notre relation avec nos parents, nous pouvons porter la charge peccamineuse de nos parents.5 Mais pouvons-nous le faire, même sans l’avoir pratiquée nous-mêmes, ni en être conscients ?

C’est ce que laisse entendre la confession de Néhémie en Néhémie 1.6-7 :

« Je suis en prière devant toi aujourd’hui, jour et nuit, pour les Israélites, tes serviteurs, en confessant les péchés des Israélites, nos péchés contre toi ; moi et ma famille, nous avons péché. Nous avons vraiment mal agi envers toi ; nous n’avons pas observé les commandements, les prescriptions et les règles que tu as donnés à Moïse, ton serviteur. »

Néhémie confesse ici ses péchés générationnels, non parce qu’il les a commis, mais par solidarité purement générationnelle. La logique semble être de confesser les péchés de ses parents en solidarité, pour recevoir ensuite la restauration promise par solidarité dans l’alliance (v.8-9). Le péché générationnel inconscient est illustré par l’exemple de la famille d’Acan, et par le déni des Juifs face à l’accusation de Jésus en Matthieu 23.35.

Ainsi, si le péché de nos pères peut être hérité, alors cela signifie que notre relation avec nos pères peut être un véhicule du péché, ce que nous appelons le « péché générationnel ». Ce n’est pas une innovation charismatique, mais une idée conforme à la Bible, que certains de nos pères ont bien exprimée eux aussi.

De l’effet des liens d’âme

De quelle sorte de cause sont les liens d’âme ?

Les liens d’âme ont un effet (ex. Pv 5.22), mais selon quel mode ? Cela ne peut pas être une cause efficace puisque les relations ne sont pas des substances. Mais elle est une cause instrumentale : les liens d’âme sont l’outil que peut utiliser l’ennemi ou des personnes mauvaises pour inciter au mal. Cette distinction permet d’expliquer pourquoi les liens d’âme semblent causer des dispositions au mal, sans pour autant être des objets spirituels distincts.

Quels effets ont-ils sur nous ?

La métaphore des cordes (Pv 5.22) qu’utilisent les Écritures implique que les relations créent des habitus ou dispositions en nous : elles n’ont pas une efficacité directe, mais elles facilitent le mal (si c’est un lien d’âme inique) ou le bien (si c’est un bon lien d’âme).

On peut le voir dans la métaphore de la construction qu’utilise l’apôtre Paul en Éphésiens 2.22 : « C’est en lui que tout l’édifice, bien coordonné, s’élève pour être un temple saint dans le Seigneur. » Ici, la coordination qui vient des relations intra-ecclésiales est une condition préparatoire à l’édification de l’Église, mais l’efficacité vient de Christ seul.

Les liens d’âme diminuent-ils notre responsabilité ?

Notre responsabilité vient de notre capacité à obéir librement et volontairement. La seule façon de diminuer notre responsabilité serait que les liens d’âme fassent de la coaction : une contrainte physique contre notre volonté qui nous pousse à faire une action mauvaise. Or, même si la métaphore des cordes est utilisée, à aucun moment les Écritures ne considèrent que notre responsabilité est diminuée.

Au contraire, il est de notre devoir de soumettre nos relations à notre volonté, ce qui présuppose donc que notre volonté est plus forte que les effets de nos liens d’âme. C’est le cas en Deutéronome 13.6-9 où il est commandé aux anciens Israélites de mettre à mort des membres de familles, même proches, s’ils incitent à désobéir à Dieu. C’est la même logique en Esdras 9 et 10, où Esdras reconnaît que le mariage avec les femmes étrangères est une affaire spirituelle, et entame une repentance au sujet de ces mariages.

C’est donc que loin d’être l’occasion de diminuer notre responsabilité, les liens d’âme sont un domaine qui exige notre action responsable.

De la cause finale des liens d’âme

Quelle est la cause finale immédiate des liens d’âme ?

Une attention excessive sur les liens d’âme négatifs ne doit pas occulter le fait qu’ils font partie de la bonne création de Dieu et qu’ils sont là pour nous exciter et nous encourager à faire le bien. Il peut s’agir d’un bien proche (à l’image de collègues s’entraidant pour gagner notre subsistance) ou d’un bien spirituel (à l’image de nos frères avec qui nous prions).

C’est ce que l’on voit dans la relation entre David et Jonathan. Face à la menace de Saül, David obtient de Jonathan une apologie et une assistance inespérée qui préserve la vie de David. Par un serment solennel, Jonathan obtient aussi de David que sa descendance puisse se perpétuer. Ces deux biens n’auraient pas été possibles si Jonathan ne s’était pas « attaché » à David. De même pour Ruth et Naomi : par Ruth, Naomi obtient la subsistance, la sécurité économique et Israël obtient l’aïeul du glorieux roi David. On voit ici qu’un lien d’âme sert à fertiliser et faire croître le bien, au point où l’on sert bien plus que les deux personnes concernées au départ. Il en va de même pour le mariage, qui lorsqu’il est contracté sans abus mène à faire avancer le mandat créationnel d’une part, et la propagation de l’humanité d’autre part.

La cause finale immédiate des liens d’âme est donc de faire croître le bien.

Quelle est la cause finale ultime des liens d’âme ?

La cause finale ultime des liens d’âme est la gloire de Dieu, comme en témoignent directement les apôtres :

  • Colossiens 2.2 : Je combats pour eux afin qu’ils soient encouragés et que, unis par l’amour, ils accèdent ensemble, en toute sa richesse, à la certitude que donne la compréhension du secret de Dieu.
  • Éphésiens 2.22 : C’est en lui que tout l’édifice, bien coordonné, s’élève pour être un temple saint dans le Seigneur.
  • 1 Pierre 2.5 : Vous-mêmes, en tant que pierres vivantes, laissez-vous édifier pour former une maison spirituelle, un groupe de prêtres saints, afin d’offrir des sacrifices spirituels que Dieu peut accepter par Jésus-Christ.

L’objectif de toutes les relations, de tous les liens d’âme est la coopération humaine qui a pour but ultime de participer à la gloire de Dieu. Cela se fait par le mandat créationnel (qui est lui-même une participation à la gloire de Dieu). Cela se fait par la procréation (qui propage l’image de Dieu dans l’univers). Cela se fait par la participation à l’Église, qui est la participation la plus directe à la gloire de Dieu qui peut être et qui est le sujet des versets cités.

Conclusion générale

Nous avons vu que les liens d’âme étaient une notion biblique, et non une innovation charismatique tardive. Dans un souci de sobriété et de fondement biblique, nous avons retenu que les liens d’âme ne sont rien d’autre que les relations avec les autres, qui peuvent être créées volontairement, ou héritées par notre naissance. Ils ont pour effet de nous exciter ou nous encourager au bien s’ils sont bons, nous inciter au mal s’ils sont mauvais, sans jamais retirer notre responsabilité. Le but de ces liens d’âme est donc de nous aider à pratiquer le bien, et ultimement participer à la gloire de Dieu.

Nous avons rejeté en revanche :

La compréhension trichotomiste généralement associée à cela, sur la base du cours. Elle n’est de toute façon pas indispensable à la bonne compréhension de cette notion.

Nous ne validons pas l’idée que les paroles de malédiction puissent « créer » un lien d’âme : ce serait faire du lien d’âme une substance, en contradiction avec ce que la Bible en dit. Et ceci, en plus de l’aspect très discutable de la parole humaine performative condamnée par les apôtres et Jésus-Christ (Jacques 4.13-16 ; Luc 12.18-20).

Nous refusons de nous prononcer ici sur le « traitement » qu’il conviendrait de faire. Ce serait dépasser le sujet de cette dissertation, et l’exorcisme est un sujet trop complexe pour être abordé ici, même en passant.

  1. Il est à noter ici que la traduction de l’ESV dit : « l’âme de Jonathan fut attachée à l’âme de David ».[]
  2. Une fois de plus, la traduction de l’ESV est plus évocative en disant : « leurs cœurs étant unis par l’amour ».[]
  3. Zacharias Ursinus, Commentaire du Catéchisme de Heidelberg, Q7 §3, Du péché originel.[]
  4. François Turretin, Instituts de Théologie Elenctique, Loc 9 Q9 §19[]
  5. Dans une tradition adjacente et plus récente il y a aussi les paroles du pasteur congrégationaliste A. P. Foster «  II. THE TRANSMISSION OF PARENTAL BLESSINGS TO CHILDREN. Genesis 9:9 — Dispositions of good or evil are almost sure to transmit themselves to succeeding generations. The descendants of a single vicious man and his wife, in the state of New York, numbered by scores, have been paupers and criminals. Put against this another illustration. The grandfather of Mary Lyon, the devoted principal of Mount Holyoke Seminary, was accustomed to pray daily for the blessing of God upon his children and the generations that should follow. Nearly all his descendants have been earnest Christians. In one graveyard lie fifty who died in the Lord. So when God covenants with Noah, it is with his children also. Here was the ground of circumcision in the Jewish Church. But it was because of this Divine principle that Peter said, « The promise is unto you and to your children. » We ought to expect that our children will grow up Christians, and labour for it.» — Congregationalist minister A. P. Foster (1820-1889), The Covenant with Noah[]

Étienne Omnès

Mari, père, appartient à Christ. Les marques de mon salut sont ma confession de foi et les sacrements que je reçois.

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