Doit-on garder le terme de « libre arbitre » ou de puissance d’autodétermination dans les écoles chrétiennes ? À quelle faculté de l’âme appartient-il : intellect ou volonté ?
Turretin introduit ce nouveau locus du libre arbitre dans l’état de péché en disant que la doctrine qui exalte le libre arbitre est l’Hélène qu’ils aiment si ardemment :
Voici l’Hélène qu’ils aiment si ardemment et pour laquelle ils n’hésitent pas à se battre comme pour leurs autels et leurs foyers. Il est donc d’une grande importance que les disciples de la grâce véritable et authentique s’opposent vigoureusement à ces erreurs mortelles, et qu’ils mettent en lumière la misère de l’homme et la nécessité de la grâce, de sorte que toute la cause de la destruction soit imputée à l’homme et toute la gloire du salut à Dieu seul. C’est ici qu’intervient la doctrine du libre arbitre, dont nous débattons maintenant. – François Turretin, Institutions de théologie élenctique, 10.1.1.
Le mot « libre arbitre » n’est certes pas dans les Écritures. En théologie chrétienne, son usage nous vient des Pères grecs (tendance platonicienne), qui parlaient d’αὐτεξουσία ou puissance d’autodétermination. Cela désigne chez eux notre capacité à prendre une décision par notre propre mouvement, après un jugement rationnel et délibéré. Ainsi, pour les Pères, le libre arbitre n’est pas une volonté affranchie de toute bride, mais un mode de fonctionnement de la volonté.
Certains, à l’époque de Turretin, proposaient d’abandonner ce terme. Mais François Turretin s’y oppose en affirmant :
- Que rien dans sa définition n’implique ce que les pélagiens ou certains catholiques romains y projettent (le libre arbitre ne signifie pas une indépendance vis-à-vis de Dieu).
- Vu son ancienneté prestigieuse, il n’est pas nécessaire de céder le terme de libre arbitre aux philosophes modernes.
- Nous avons d’autant moins de raison de le faire que notre compréhension du libre arbitre est bien meilleure que la leur, comme on le montrera plus loin.
Où se trouve le libre arbitre ?
Il réside à la fois dans l’intellect et la volonté. Le choix se forme dans l’intellect, mais il ne s’agit pas d’un pur calcul : il implique une détermination. Inversement, la détermination de la volonté ne se fait pas sans un jugement intellectuel. C’est une faculté mixte, comme la décrivent les anciens philosophes. Je vous épargne les détails métaphysiques, qui raviront les fans de scolastique dans le texte original.




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