Introduction : Le Racialisme face à la Liberté Humaine
Pourquoi certaines sociétés prospèrent-elles alors que d’autres stagnent ou déclinent ? Pour les racialistes, la réponse est simple : tout découlerait des races ou des caractères héréditaires d’un peuple. Selon cette vision, les traits physiques et mentaux transmis de génération en génération expliqueraient non seulement les différences individuelles, mais aussi les institutions, la culture et le destin des sociétés entières. Ce déterminisme biologique, bien qu’il puisse sembler intuitif, ne se greffe pas bien à la théologie chrétienne.
Si le racialisme a pris de nouvelles formes au XXIe siècle, l’idée en elle-même n’est pas nouvelle. Des auteurs comme Hippolyte Taine ou Théodule Ribot l’ont développée dès le XIXe siècle. Pourtant, leurs arguments ont déjà été méthodiquement réfutés par Marie-Benoît Schwalm, un philosophe catholique du début du XXe siècle. Dans ses Leçons de philosophie sociale (1910), Schwalm montre que le facteur clé des sociétés n’est pas l’hérédité biologique, mais le libre arbitre : la capacité des individus et des groupes à choisir, à agir et à se structurer selon des nécessités externes et internes.
Professeur de philosophie à Bordeaux, Schwalm (1860-1908) s’inscrit dans la tradition thomiste, qui combine une compréhension rigoureuse des lois naturelles avec une défense de la liberté humaine. Ses travaux de « sociologie » thomiste, bien qu’écrits dans un contexte différent, demeurent étonnamment pertinents pour déconstruire les idées racialistes contemporaines.
Bien que je sois protestant réformé, je fais appel à Marie-Benoît Schwalm parce que son approche s’inscrit dans une tradition scolastique que nous valorisons sur notre portail Par la Foi. Nous cherchons à être les héritiers de cette méthode, qui allie rigueur logique et profondeur théologique, transcendant les clivages confessionnels lorsque la vérité est en jeu. De plus, la réflexion de Schwalm sur la société, bien qu’ancrée dans sa perspective catholique, n’introduit aucun élément contraire aux confessions de foi réformées. Sa sociologie, fondée sur une philosophie réaliste et une anthropologie biblique, offre des outils solides pour réfuter le racialisme sans compromettre nos convictions.
En m’appuyant sur sa pensée, je montrerai que les sociétés ne sont pas façonnées par les gènes ou les races, mais par les choix humains éclairés, inscrits dans des cadres sociaux et environnementaux.
L’Atelier : Origine des Races selon les Conditions de Travail
Dans les sociétés humaines, l’atelier désigne une organisation collective autour d’un type spécifique de travail, qui structure les interactions sociales, forge des habitudes communes et influence profondément les caractères intellectuels, moraux et physiques des individus. Selon Marie-Benoît Schwalm, les ateliers façonnent non seulement les modes de vie des sociétés, mais aussi les prédispositions des générations suivantes, contribuant ainsi à la formation de ce qu’il appelle une « race ».
Définition de la race
Schwalm définit une race comme :
Une société de familles vivant d’un même travail, communiquant à tous ses membres des habitudes semblables, intellectuelles, morales et physiques, transmises par hérédité et renforcées par l’éducation. Ces caractères communs, façonnés par les conditions de travail, définissent une race.
Ainsi, l’atelier est la matrice où naissent et se transmettent ces caractéristiques, selon le type de travail pratiqué. Schwalm illustre cette idée à travers deux types d’ateliers, très différents dans leurs implications sociales et culturelles : l’atelier communautaire pastoral et l’atelier particulariste des pêcheurs.
L’Atelier Communautaire Pastoral : Endurance et Soumission
Dans les steppes d’Asie centrale, l’atelier pastoral repose sur l’élevage nomade. Cette activité économique, simple et autarcique, implique une vie communautaire où l’effort individuel est limité aux tâches nécessaires à la défense des troupeaux. Ce mode de vie favorise :
- Endurance physique : les pasteurs sont endurcis par les conditions de vie en plein air.
- Passivité morale et intellectuelle : la simplicité du travail et la dépendance au groupe n’encouragent ni l’initiative individuelle ni l’effort de la volonté.
- Loyauté au groupe : les pasteurs considèrent leur communauté comme une autorité suprême, obéissant avec résignation.
Ces caractéristiques se transmettent d’une génération à l’autre, façonnant une race endurante mais peu inventive, marquée par une tradition rigide et immobile.
L’Atelier Particulariste de la Pêche : Force et Initiative
À l’opposé, l’atelier des pêcheurs norvégiens repose sur un travail en petites unités autonomes, comme des barques dirigées par un maître de pêche. Cette organisation exige :
- Initiative individuelle : chaque groupe doit prévoir ses expéditions et assurer sa survie face aux dangers.
- Force physique et courage : les pêcheurs affrontent les risques de la mer, développant un caractère intrépide.
- Isolement et ambition : l’impossibilité de partager une barque ou d’étendre les terres encourage l’émigration pour fonder de nouvelles communautés.
Ce mode de vie a produit une race exploratrice, marquée par un esprit d’indépendance et une volonté d’expansion. Les Norvégiens sont devenus des pionniers et des colonisateurs, en quête de nouveaux territoires pour établir leurs familles.
Atelier et Race : Une Influence Limitée par le Libre Arbitre
Schwalm montre que les ateliers façonnent des prédispositions sociales et individuelles, mais il insiste sur une distinction cruciale : ces caractères hérités n’imposent pas un destin inéluctable. L’hérédité détermine des inclinations, mais c’est le libre arbitre des individus qui décide comment ces prédispositions seront utilisées ou transformées. Ainsi, l’atelier explique la genèse des races sans réduire l’homme à son travail ou à ses origines.
L’Hérédité : Une Prédisposition, Pas une Détermination
Le volet héréditaire (génétique dirait-on aujourd’hui) est souvent mal interprété dans les théories racialistes. Schwalm clarifie que l’hérédité physique transmet des dispositions spécifiques (par exemple, une robustesse ou une prédisposition à la musique), mais jamais les actes ou les acquis personnels d’un individu. Selon la doctrine thomiste qu’il mobilise, un père peut transmettre à son fils un corps robuste ou un talent latent, mais ces caractéristiques restent inutiles si elles ne sont pas activées par un travail ou une éducation appropriés. Un prof de maths peut éventuellement transmettre les facilités avec les mathématiques, mais pas son savoir actuel.
Ainsi, bien que l’hérédité puisse influencer les dispositions individuelles, elle n’est qu’un facteur parmi d’autres dans la construction sociale. Ce sont les activités et choix répétés au fil des générations qui impriment des traits à une communauté, non la simple transmission biologique.
Réponse aux Théories Racialistes
Benoît-Marie Schwalm s’attaque avec rigueur aux théories racialistes de son époque, en particulier celles de Hippolyte Taine et de Théodule Ribot, tout en réfutant également les thèses de Frédéric Le Play. Son objectif est de démontrer que l’explication des institutions sociales ne repose ni sur l’hérédité biologique ni sur une variabilité aléatoire des caractères, mais bien sur le rôle déterminant du travail et des choix humains.
La Théorie de Taine et Ribot : Une Causalité Biologique
Taine et Ribot, figures majeures de la pensée racialiste, avancent que les caractères héréditaires innés sont à l’origine des institutions sociales. Cette approche repose sur l’idée d’une transmission biologique des traits physiques et psychologiques, qui conditionneraient les comportements collectifs et, par conséquent, les structures sociales. Selon eux :
- Les institutions reflètent l’essence même des peuples, définie par leur patrimoine génétique.
- Les comportements sociaux, comme le courage, l’obéissance ou l’innovation, seraient des qualités innées propres à une race.
Dans cette perspective, un peuple robuste et discipliné créerait naturellement des institutions militaires solides, tandis qu’une race dotée d’un tempérament contemplatif favoriserait des institutions religieuses ou philosophiques.
La Réfutation par Schwalm
Schwalm rejette cette vision déterministe et propose une analyse dynamique des institutions sociales :
- Les institutions viennent du travail et de l’action humaine, non de l’hérédité. Schwalm insiste sur le fait que les caractères d’un peuple, tels que la robustesse ou l’ingéniosité, sont le fruit des pratiques répétées imposées par les conditions de travail et le milieu de vie.
- Par exemple, dans les sociétés agricoles, l’endurance physique des paysans résulte d’un mode de vie exigeant, marqué par des générations de labeur dans les champs, et non d’une prédisposition biologique.
- Ces traits sont donc acquis par l’habitude et non transmis génétiquement.
- L’hérédité a un rôle limité. Schwalm ne nie pas l’existence de prédispositions héréditaires, mais il affirme qu’elles sont insuffisantes pour expliquer les structures sociales. Ce sont les actes libres et répétés des individus, guidés par des choix, qui forgent les institutions. Ainsi, un peuple peut transcender ses inclinations biologiques par l’effort et l’adaptation.
La Théorie de Le Play : Une Variabilité Aléatoire
À l’opposé de Taine et Ribot, Le Play propose une vision selon laquelle les caractères individuels apparaissent et se distribuent de manière aléatoire, sans lien direct avec l’activité sociale ou les institutions. Il en conclut que l’organisation des sociétés dépend davantage des circonstances extérieures que de caractéristiques partagées par un groupe. C’est l’excès inverse des théories racialistes décrites plus haut, en ce qu’elle attribue tout progrès civilisationnels à des facteurs purement extérieurs et aléatoires.
La Réfutation par Schwalm
Schwalm conteste également cette approche, qu’il juge insuffisante pour expliquer la cohérence des structures sociales :
- Le rôle des activités collectives : Schwalm montre que les institutions émergent d’activités collectives organisées autour d’un travail commun. Ces activités génèrent des habitudes partagées qui se transmettent non pas génétiquement, mais par éducation et imitation au sein d’une communauté.
- Par exemple, dans les sociétés de pêcheurs, les habitudes de prévoyance, de courage et d’endurance naissent de la nécessité d’affronter les dangers de la mer. Ces traits ne sont pas distribués au hasard, mais façonnés par l’expérience collective.
- L’importance du choix humain : Contrairement à Le Play, Schwalm insiste sur le rôle du libre arbitre. Même si les conditions de travail imposent des défis spécifiques, c’est la liberté humaine qui oriente la réponse de chaque société face à ces défis, contribuant à la création de nouvelles institutions.
Une Synthèse Propre à Schwalm
Schwalm propose ainsi une vision nuancée qui transcende le déterminisme biologique de Taine et Ribot et l’approche aléatoire de Le Play. Il affirme que :
- Les institutions sont le produit d’une interaction entre les conditions de travail, les habitudes sociales et le libre arbitre humain.
- Le rôle de l’hérédité est marginal et ne saurait suffire pour expliquer les structures complexes des sociétés humaines.
En d’autres termes, Schwalm recentre le débat sur l’activité humaine et le travail collectif, montrant que ce sont ces facteurs, bien plus que la biologie ou le hasard, qui façonnent les peuples et leurs institutions.
Application : ni racisme, ni anti-racisme
À partir des analyses de Schwalm, il est possible de développer une position qui s’écarte des polarisations idéologiques contemporaines, souvent centrées sur la notion de « race ». Cette approche, fidèle à son rejet de tout déterminisme biologique et de tout constructivisme extrême, pourrait se résumer ainsi : il ne faut être ni raciste, ni anti-raciste.
Rejet du Racisme
Le racisme, tel que Schwalm le critique implicitement en s’opposant aux théories de Taine et Ribot, repose sur une vision figée et biologisante des peuples :
- Il attribue des caractéristiques morales, intellectuelles ou sociales à des groupes humains en fonction de leur prétendue origine génétique.
- Il considère que ces traits sont immuables, indépendants du milieu, du travail ou de l’éducation.
Or, comme Schwalm le montre, les différences entre les peuples ne proviennent pas d’une essence héréditaire, mais de l’organisation du travail collectif, des habitudes acquises dans des conditions socio-économiques spécifiques et transmises par l’éducation. Cependant, cela ne signifie pas que les ethnies, en tant que réalités historiques et sociales, soient insignifiantes. Les caractéristiques culturelles, linguistiques, voire certaines prédispositions physiques ou mentales façonnées par le milieu et l’histoire, constituent des éléments fondamentaux de l’identité des peuples. Ces traits ne doivent pas être essentialisés, mais ils ne peuvent pas non plus être ignorés, car ils jouent un rôle dans la cohésion, les traditions et les aspirations propres à chaque communauté.
En d’autres termes, les qualités attribuées à une « race » (courage, endurance, docilité, ingéniosité, etc.) ne sont pas des traits innés, mais des acquis sociaux, liés à l’histoire d’un peuple, à son rapport au travail et à son environnement. Ces acquis, bien qu’issus de contingences historiques et changeants par nature, s’enracinent profondément dans la mémoire collective et l’expérience des peuples, contribuant à leur singularité.
Ainsi, toute idéologie qui prétend hiérarchiser les peuples sur la base de la race est non seulement injuste, mais fondamentalement erronée. Cela ne doit toutefois pas conduire à nier l’importance des différences ethniques comme composantes intégrantes de l’identité des nations. Les ethnies ne sont ni des fictions ni des prisons, mais des réalités vivantes, façonnées par le travail et l’histoire, et dignes de respect.
Rejet de l’Anti-Racisme Idéologique
Si le racisme repose sur une survalorisation des différences biologiques, l’anti-racisme idéologique, dans sa version contemporaine et radicalisée, va à l’extrême inverse en cherchant à nier ou effacer les différences culturelles, historiques et anthropologiques qui façonnent l’identité des peuples.
- En prétendant abolir toute spécificité, il tombe dans un universalisme abstrait et déshumanisant, où toutes les cultures deviennent interchangeables, réduites à des constructions oppressives à déconstruire.
- Cette posture, loin de promouvoir une véritable égalité, vise à dissoudre les éléments structurants de l’homme, tels que les traditions, les liens familiaux ou les héritages collectifs, pour leur substituer un individu atomisé, déraciné et malléable. Dieu a crée les hommes à son image, et les progressistes veulent le réduire à des briques de légo.
Schwalm s’oppose à cette vision nihiliste en affirmant que la richesse des sociétés humaines repose précisément sur leurs différences, non pas comme des barrières, mais comme des expressions vivantes des conditions spécifiques de leur histoire, de leur travail et de leur milieu.
- Ces différences, loin d’être des défauts à corriger, sont le fruit d’un long processus d’organisation collective, de transmission et d’adaptation. Vouloir les abolir, c’est mépriser non seulement l’histoire des peuples, mais aussi l’idée même d’humanité enracinée dans le réel.
L’anti-racisme idéologique, dans sa quête d’homogénéisation globale, ne construit pas un monde de paix, mais un monde sans repères, sans mémoire, et sans humanité, où les particularités sont perçues comme des obstacles à surmonter et non comme des trésors à préserver. Schwalm nous invite à rejeter cette dégénérescence et à embrasser une vision enracinée et respectueuse de l’homme et des peuples, où les spécificités culturelles et historiques sont reconnues et valorisées comme des éléments essentiels de la dignité humaine.
Une Troisième Voie : Valoriser les Racines Culturelles et la Liberté Créatrice
À la lumière de Schwalm, il est possible de positionner sur ce terrain délicat en adoptant une approche enracinée et équilibrée :
- Rejeter le déterminisme biologique comme explication des différences sociales : Que les facteurs génétiques de tel trait soient avérés ou non, c’est le travail et l’histoire qui façonnent les peuples.
- Affirmer la richesse des différences culturelles et historiques : Contrairement à l’universalisme abstrait qui les nie, Schwalm nous enseigne que ces particularités sont des réalités précieuses, issues du travail collectif, de l’adaptation au milieu et des trajectoires historiques propres à chaque peuple. Elles ne doivent ni être figées comme des essences éternelles, ni effacées au nom d’un progrès idéologique.
- Insister sur la liberté humaine comme facteur déterminant : Loin de nous enfermer dans des identités prédéterminées ou de nous en détacher artificiellement, Schwalm nous rappelle que la véritable dignité humaine réside dans la capacité de chaque peuple et de chaque individu à faire des choix libres et créateurs, dépassant leur passé sans pour autant le renier.
Ainsi, cette troisième voie refuse à la fois la tentation d’un essentialisme biologique et l’effacement nihiliste des particularités humaines. Elle nous invite à voir les institutions, les traditions et les œuvres culturelles comme les fruits vivants du travail commun, mais aussi comme le point de départ d’un avenir façonné par la liberté et la responsabilité de chacun.
En conclusion: Il s’agit de respecter la diversité humaine comme une richesse issue du travail et de l’histoire, tout en affirmant la possibilité d’un avenir libre et commun. Être ni raciste, ni anti-raciste, selon Schwalm, c’est refuser les fausses religions racialistes ou progressistes pour bâtir une société fondée sur le travail, la liberté et le respect des différences réelles.
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