Le péché est il sous la providence de Dieu, et comment est-elle appliquée à lui?
Les orthodoxes maintiennent le juste milieu entre ces deux extrêmes, maintenant que la providence de Dieu s’occupe du péché de telle manière qu’il ne fait pas que le permettre passivement (comme le pensent les pélagiens) ni ne le produit activement (comme le supposent les libertins), mais il l’ordonne et le dirige efficacement.
Turretin, Instituts de Théologie Elenctique, 6.7.2
Turretin commence par dire que Dieu concourt efficacement et positivement à l’occasion du péché, et au jugement qui l’accompagne. Mais pour ce qui est de la méchanceté qui fait naître le péché, Dieu n’y a aucune part:
- Psaumes 5,4-6 Eternel! le matin tu entends ma voix; le matin je me tourne vers toi, et je regarde. Car tu n’es point un Dieu qui prenne plaisir au mal; le méchant n’a pas sa demeure auprès de toi. Les insensés ne subsistent pas devant tes yeux; tu hais tous ceux qui commettent l’iniquité.
- Psaumes 45,7 Ton trône, ô Dieu, est à toujours; Le sceptre de ton règne est un sceptre d’équité.
- Habakkuk 1.13 Tes yeux sont trop purs pour voir le mal, et tu ne peux pas regarder l’iniquité. Pourquoi regarderais-tu les perfides, et te tairais-tu, quand le méchant dévore celui qui est plus juste que lui?
- Jacques 1.13 Que personne, lorsqu’il est tenté, ne dise: C’est Dieu qui me tente. Car Dieu ne peut être tenté par le mal, et il ne tente lui-même personne.
Degrés de contrôle du mal
Dieu permet le mal
Cela est prouvé par:
- Psaumes 81,13 Alors je les ai livrés aux penchants de leur cœur, et ils ont suivi leurs propres conseils.
- Actes 14,16 Ce Dieu, dans les âges passés, a laissé toutes les nations suivre leurs propres voies,
Il faut cependant bien comprendre cela:
- Cette permission n’est ni éthique ni morale, comme s’il approuvait ou tolérait le mal. C’est une permission physique , c’est à dire qu’il n’empêche pas l’évènement de se réaliser.
- Cette permission n’est pas négative, comme s’il se contentait de laisser faire. C’est une décision positive de sa part que de ne pas empêcher l’évènement du péché d’arriver. Et j’insiste, Dieu ne permet pas la méchanceté, mais l’évènement porteur de méchanceté, sa seule existence. Dieu ne veut pas que le péché soit fait, mais il ne fait que vouloir sa permission.
- Même si le mal peut contribuer à la gloire de Dieu, cela ne veut pas dire que Dieu le désire et le contrôle de la même façon, selon le même mode de volonté. Il ne désire pas tant le péché lui-même que l’occasion qu’il fournit.
Dieu soustrait son assistance
A la permission, il faut aussi ajouter la désertion, par laquelle Dieu, afin que l’homme ne soit pas empêché de pécher, l’abandonne en lui retirant la grâce opposée au péché, ou en ne lui fournissant pas ce qui lui est nécessaire pour surmonter la tentation.
Turretin, Instituts de Théologie Elenctique 6.7.11
On distingue entre la désertion privative (Dieu retire ce qu’il donnait auparavant) ou négative (il ne donne pas de nouvelle grâce pour persévérer).
Dieu peut ainsi retenir sa grâce pour les raisons suivantes:
- Pour mettre à l’épreuve. 2 Chroniques 32,31 Cependant, lorsque les chefs de Babylone envoyèrent des messagers auprès de lui pour s’informer du prodige qui avait eu lieu dans le pays, Dieu l’abandonna pour l’éprouver, afin de connaître tout ce qui était dans son cœur. ou bien l’exemple d’Adam
- Pour corriger l’Église et les croyants. Esaïe 54,7 Quelques instants je t’avais abandonnée
- Pour punir les pécheurs. 2 Rois 21,14 J’abandonnerai le reste de mon héritage, et je les livrerai entre les mains de leurs ennemis Jérémie 7,29 l’Eternel rejette et repousse la génération qui a provoqué sa fureur. Romains 1,24 C’est pourquoi Dieu les a livrés à l’impureté, selon les convoitises de leurs cœurs; ainsi ils déshonorent eux-mêmes leurs propres corps;
Jamais la sainteté de Dieu n’est compromise par cette désertion. Il n’oblige personne à chuter, il ne retire aucune capacité naturelle, il ne donne aucune volonté de chuter. Il laisse l’homme libre de sa propre route, tout simplement, et il péche aussi naturellement que l’eau descend la pente.
Dieu est efficace dans sa providence sur le mal
Dieu provoque aussi efficacement l’événèment malheureux en fournissant l’occasion de chuter: c’est ainsi qu’il a fait en sorte que les marchands ismaélites passent pas loin de là où Joseph était pour qu’il soit vendu comme esclave. Il a fait en sorte que Bathséba se purifie de ses règles pile au moment où David pouvait la voir.
Dieu contrôle efficacement le mal en livrant les hommes à Satan et à leurs mauvais désirs.
- Romains 1,24 C’est pourquoi Dieu les a livrés à l’impureté, selon les convoitises de leurs cœurs; ainsi ils déshonorent eux-mêmes leurs propres corps;
- 1 Samuel 16,14 L’Esprit de l’Eternel se retira de Saül, qui fut agité par un mauvais esprit venant de l’Eternel.
- 1 Rois 22,22 Je sortirai, répondit-il, et je serai un esprit de mensonge dans la bouche de tous ses prophètes. L’Eternel dit: Tu le séduiras, et tu en viendras à bout; sors, et fais ainsi!
- Dieu donne l’efficacité au mensonge. 2 Thessaloniciens 2,9 Aussi Dieu leur envoie-t-il une puissance d’égarement, pour qu’ils croient au mensonge,
- Dieu expose Job aux accusations de Satan en Job 1.
- Dieu livre parfois directement à Satan comme un geôlier. De ce nombre sont Hyménée et Alexandre, que j’ai livrés à Satan, afin qu’ils apprennent à ne pas blasphémer.
Dieu contrôle efficacement le mal en déterminant intérieurement le coeur de l’homme:
- Proverbes 21,1 Le cœur du roi est un courant d’eau dans la main de l’Eternel; Il l’incline partout où il veut.
- Augustin De la grâce et du libre arbitre, §43 : Dieu opère dans le coeur des hommes pour incliner leurs volonté où Il le souhaite, que ce soit vers le bien selon sa miséricorde, ou vers le mal selon sa désertion, selon son propre jugement (divin), parfois ouvert, ensuite secret, mais toujours juste.
Dieu détourne le mal en bien
Cela est prouvé en:
- Genèse 50,20 Vous aviez médité de me faire du mal: Dieu l’a changé en bien, pour accomplir ce qui arrive aujourd’hui, pour sauver la vie à un peuple nombreux.
- Esaïe 10,5-7 Malheur à l’Assyrien, verge de ma colère! La verge dans sa main, c’est l’instrument de ma fureur.[…] Mais il n’en juge pas ainsi, Et ce n’est pas là la pensée de son cœur; Il ne songe qu’à détruire, qu’à exterminer les nations en foule. Dieu détourne l’appétit de destruction de l’Assyrien en manifestation de justice.
Ce n’est pas que Dieu rattrape le mal après coup [a posteriori] : il le préordonne avant son actualisation [a priori].
La sainteté de Dieu n’est pas remise en cause: ce que Dieu désire, c’est uniquement le bien qui vient à travers l’évènement malheureux (le salut du peuple pour Joseph, la manifestation de la justice en Esaïe 10). Tout le mal ne vient que des agents humains qui y mettent le mal (la jalousie des frères de Joseph, la violence des assyriens). Ce n’est pas Dieu qui vend Joseph en esclavage, ce sont ses frères : tout ce qu’a fait Dieu à travers cette affaire, c’est sauver le peuple de Jacob.
Réponse aux objections
Objection §22 Donc Dieu désire et ordonne le péché? → Jamais il ne faudra comprendre que Dieu désire ou ordonne le péché. Ce qu’il ordonne c’est un bien, et il se trouve [accident] que cela passe par un évènement malheureux.
Objection §23 Si Dieu met les hommes en situation de pécher, il est responsable du péché → Dieu ne crée pas la situation où l’homme péché: le péché est naturel à l’homme depuis la chute. L’homme s’est mis tout seul dans une situation où il ne peut s’empêcher de faire le mal, et Dieu n’y a aucune culpabilité.
Objection §26 2 Samuel 16,11 Laissez-le, et qu’il maudisse, car l’Eternel le lui a dit. Donc Dieu a ordonné à Shiméi de faire le mal. → C’est un commandement de providence seulement, et non un commandement légal. La seule chose que Dieu, c’est que l’évènement se passe, pas qu’il était nécessaire et bon pour Shiméi d’insulter et maudire David. Ainsi que le dit Augustin[De la grâce et du libre arbitre, 1.20] Dieu a dit à Shiméi de maudire David, non par un commandement dont l’obéissance serait récompensée, mais parce qu’il a incliné la volonté de Shiméi, méchant par sa propre faute, jusqu’à son péché par un jugement juste et secret.
Sur l’aveuglement
On dit que Dieu aveugle et endurcit les hommes non seulement négativement (en n’illuminant ou n’adoucissant pas), ou privativement (en enlevant sa grâce des hommes qui en abuseraient) et permissivement (en n’empêchant pas) mais aussi positivement.
Sur les tentations
Les tentations sont aussi bien des mises à l’épreuve pour faire apparaître le bien qui existe en l’un que des séductions qui révèlent la corruption. Ainsi il est juste de dire avec Jacques que Dieu ne tente pas (Jacques 1,13)
Conclusion
En paraphrasant Turretin dans la section 35: quelque soit le mode d’action de Dieu sur le mal, nous ne pouvons y trouver aucune excuse pour notre péché:
- J’ai accompli ce que Dieu voulait → Ce que Dieu veut que nous fassions est ouvert, révélé et clair. Nous ne sommes pas récompensés d’avoir accompli sa volonté secrète.
- Je ne pouvais pas résister à la providence de Dieu → S’il était nécessaire que l’évènement existe à cause de la providence de Dieu, cela ne veut pas dire qu’il était nécessaire que nous désobéissions. L’existence de ce péché était nécessaire, mais pas son mode: Dieu ne nous force pas au mal, c’est librement que nous le faisons.
- Dieu m’a aveuglé et livré à Satan → Il ne t’a pas enlevé ton libre-arbitre en le faisant, et c’est très librement que tu fais le mal.
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