Dieu est-il l’auteur du mal ? – Turretin (6.8)
3 février 2025

Peut-il être tiré et déduit comme conséquence légitime de notre doctrine que nous faisons de Dieu l’auteur du mal? Nous le nions, contre les papistes, les sociniens, les remontrants et les luthériens.

Les meilleurs polémistes contre les réformés reconnaissaient que les réformés niaient que Dieu soit l’auteur du mal, comme Bellarmin. Néanmoins, ils insistaient pour dire que c’était une conséquence logique et nécessaire de notre doctrine. C’était d’ailleurs une calomnie partagée aussi bien par les romains que les sociniens et les remontrants.

Cependant, l’opinion est bel et bien interdite par nos confessions de foi:

  • Confession d’Augsburg, art 19 Concernant la cause du péché, nos Eglises enseignent que, quoique Dieu crée et conserve la nature, il n’est pas pour cela la cause du péché, qui vient de la volonté perverse des méchants (évidemment: du démon et des impies), lesquels, n’étant pas assistés par Dieu, se détournent de Lui — ainsi que nous l’enseigne Jésus-Christ: Lorsqu’il dit des mensonges, il dit ce qu’il trouve dans lui-même(Jean 8: 44)..)
  • Confession de foi de la Rochelle art 8 Certes, nous ne croyons pas que Dieu soit l’auteur du mal ou que la culpabilité puisse lui en être imputée, puisqu’au contraire sa volonté est la règle souveraine et infaillible de toute droiture et de toute justice vrai. Mais Dieu dispose de moyens admirables pour se servir des démons et des impies, de telle sorte qu’il sait convertir en bien le mal qu’ils font et dont ils sont coupables.
  • Confession helvétique postérieure, chapitre 8 il y a en nous-mêmes suffisamment de vices et de corruption pour que Dieu n’ait aucunement besoin d’introduire en nous une méchanceté nouvelle ou supplémentaire
  • Confession de foi des Pays-bas, art 13 selon sa sainte volonté, que rien n’advient en ce monde sans son ordonnance, quoique toutefois Dieu ne soit point auteur ni coupable du mal qui arrive; car sa puissance et bonté est tellement grande et incompréhensible, que même il ordonne et fait très bien et justement son œuvre, quand même le diable et les méchants font injustement.
  • Canons de Dordrecht, premier chapitre, articles 1, 5, 15 La cause ou la coulpe de cette incrédulité, non plus que de tous les autres péchés, n’est nullement en Dieu, mais en l’homme… C’est là le décret de la réprobation, lequel ne fait nullement Dieu auteur du péché (ce qu’on ne peut pas penser sans blasphème), mais le montre juge redoutable, irrépréhensible et juste, et vengeur du péché.

Cela signifie que ceux qui nous accusent de cela ne considèrent même pas notre enseignement public, mais des opinions privées et accusent toute l’Église à partir des mots de certains théologiens privés. Cela veut dire aussi que cette question concerne davantage le discours des réformés que celui de la Bible

Argumentation (§§6-9)

Premier argument: si jamais l’expression est maladroite, il n’empêche qu’aucun auteur n’a sérieusement défendu que Dieu soit l’auteur du péché.

Deuxième argument: l’Écriture a des expressions encore plus choquantes que celles de nos théologiens. Il y est écrit que Dieu envoie un esprit de mensonge, qu’il séduit, qu’il endurcit etc. Si vous faites de gros efforts pour expliquer et remettre ces paroles dans leur juste contexte en commentant la Bible, pourquoi ne pas avoir le même standard à notre égard?

Troisième argument: nos opposants même ont parfois des expressions plus dures que les nôtres. C’est alors le festival de citations, où Turretin cite des paroles telles que Dieu non seulement permet aux méchants de faire des méchantes choses, mais il se retire des pieux, et préside sur les volontés mauvaises même, et les dirige, il les fait tourner et retourner par son opération invisiçble, si bien que par leur propre faute ils sont mauvais, mais par la providence ils sont ordonnés à un mal plutôt qu’un autre. Cette dernière parole vient de … Bellarmin le principal apologète catholique! Turretin cite ainsi d’autres auteurs catholiques tels que Cornelius a Lapide, Pererius, Suarez, Thomas d’Aquin,. Il cite aussi Arminius et Luther. La citation d’Arminius vaut d’ailleurs la peine d’être découverte, puisqu’aujourd’hui, ce sont les arminiens qui utilisent le plus cette objection.

[En plus de la permission], il y a la présentation d’occasions et d’objets et le concours de Dieu qui est nécessaire à la production de tout acte, puisque rien du tout ne peut être, sans que la première et plus haute cause la produise immédiatement. Ce concours [de Dieu], cependant, n’est pas un influx immédiat dans l’effet de la cause seconde, si bien que le même effet est produit par une seule et même action complète par Dieu et sa créature en même temps, si bien que Dieu est celui qui effectue et qui permet à la fois le même acte.

Quatrième argument: nos théologiens ont toujours condamnés explicitement que Dieu soit auteur du péché.

Cinquième argument: ces accusations reposent sur des citations hors-contexte, triturées de façon mensongère. Si j’utilise l’expression anglaise, on peut parler de cherry-picking.

Les réponses aux objections portent sur des citations particulières de Calvin, Vermigli et Zwingli. A moins qu’elles ne soient réamenées par nos arminiens contemporains, je ne les traiterai pas ici.

Étienne Omnès

Mari, père, appartient à Christ. Les marques de mon salut sont ma confession de foi et les sacrements que je reçois.

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