Le libre arbitre est compatible avec la nécessité — Turretin (10.2)
13 octobre 2025

Est-ce que toutes les nécessités sont opposées à la liberté de la volonté ? Nous le nions contre les papistes et les remontrants.

C’est un obstacle majeur à la sotériologie calviniste : le compatibilisme (déterminisme et libre arbitre sont compatibles) serait logiquement impossible. Turretin va ici faire les distinctions nécessaires pour expliquer le compatibilisme. Il distingue quatre nécessités différentes, dont certaines seulement sont incompatibles avec l’usage de notre libre arbitre.

La nécessité physique

La nécessité brute et physique d’un agent de police qui entraîne un suspect vers la prison n’est bien sûr pas compatible avec le libre arbitre, puisque l’usage de la force retire le choix du libre arbitre (sa partie intellectuelle, celle qui détermine quel est le bon choix).

La nécessité de coaction (résultant d’une contrainte : je donne de l’argent parce que je me fais braquer, par exemple) retire la volonté du libre arbitre.

Dans ces cas de nécessité physique, il n’y a pas de libre arbitre, nous sommes tous d’accord.

Nécessité rationnelle

À partir du moment où nous avons jugé une chose et estimé qu’elle était bonne à faire, il devient nécessaire pour nous de la faire. S’il en était autrement, ce serait comme imaginer une situation où je reconnais qu’il est mieux pour moi de manger un bon repas, mais que je préfère tomber malade en mangeant la boue des rues.

Le libre arbitre suit nécessairement ce que nous jugeons bon, et cela ne remet pas en cause le libre arbitre.

Nécessité morale

C’est la nécessité issue de nos habitudes, qui peut parfois restreindre notre liberté, à l’image de nos addictions. Il est important de préciser ici que notre libre arbitre n’est pas diminué par notre esclavage ou nos addictions.

En fait, en matière de morale, nous ne sommes jamais sans habitudes, si bien que nous sommes soit esclaves de l’injustice (Rom 8:34 ; 6:17), soit de la justice (Romains 6:18).

Cette servitude est la véritable liberté, car il n’y a pas de servitude plus réelle et plus misérable que celle du péché. Car celui qui sert le péché ne fait en aucun cas ce qu’il veut. Il agit par une inclination particulière qu’il ne veut pas le moins du monde par une inclination universelle. Car tous, par un appétit universel et naturel, cherchent toujours le bien et le bonheur pour eux-mêmes. — François Turretin, Instituts de Théologie Élenctique 10.2.8

Attention cependant à ne pas surinterpréter ces termes d’esclavage : (1) nous ne sommes esclaves du péché que par rapport à notre liberté originelle, quand nous étions sans péché. (2) Ce n’est pas que nous sommes incapables de choisir des biens civils ou inférieurs, mais nous sommes incapables de choisir le Bien suprême.

Ainsi, rien n’empêche cette nécessité morale, même pécheresse, d’être compatible avec notre libre arbitre.

Nécessité de l’événement

Soit un événement qui arrivera nécessairement et ne peut pas ne pas advenir. Il n’est pas incompatible avec le libre arbitre, car cet événement nécessaire s’actualise par des causes contingentes. La certitude et la vérité de l’existence d’une chose ne changent pas sa nature.

Réponses aux objections

Bien que la volonté soit libre, cela n’empêche pas qu’elle soit déterminée par Dieu et qu’elle soit toujours soumise à lui. Cela est ainsi parce que la liberté n’est pas absolue, indépendante et incontrôlée (caractéristiques propres à Dieu seul), mais limitée et dépendante. Sinon, s’il n’y a de faculté libre que celle qui n’est soumise à personne, soit le libre arbitre n’existe pas chez les créatures, soit toute cause seconde serait la première. — François Turretin, ITE, 10.2.11

Étienne Omnès

Mari, père, appartient à Christ. Les marques de mon salut sont ma confession de foi et les sacrements que je reçois.

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