Une critique du présuppositionnalisme de Van Til (4/9)
26 décembre 2019

Cet article est la quatrième partie d’une série de traduction d’un article de Keith A. Mathison originalement publié sur Tabletalkmagazine.com.
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La doctrine de Dieu

J’ai noté plus haut que Van Til, en tant que théologien réformé et confessionnel, affirme la doctrine de Dieu que l’on trouve dans le Symbole de Nicée et dans la confession de foi de Westminster. Il affirme généralement le théisme trinitaire classique et l’estime fondamental pour tout ce qu’il enseigne. Cependant, il fait parfois des déclarations qui semblent contredire ces affirmations générales concernant le théisme trinitaire confessionnel. Ceci est significatif parce que, comme le dit Van Til, la doctrine de Dieu affecte tout le reste : « Toute doctrine est forcément fausse si la doctrine première et fondamentale de Dieu est fausse1. » Que dit donc Van Til à propos de Dieu qui est problématique ?

D’abord, à plusieurs endroits, Van Til affirme que Dieu est une personne et trois personnes2. Il dit : « Nous affirmons que Dieu, c’est-à-dire toute la divinité, est une personne3. » Dans l’être de cette personne, il y a « trois subsistances personnelles4. » Dieu est donc une personne et trois personnes5. Ceux qui connaissent la doctrine chrétienne de la Trinité savent que la formule orthodoxe est « trois personnes, d’une seule et même substance » (Confession de foi de Westminster 2.3). En grec, c’est une ousia et trois hypostases. En latin, c’est une substantia et trois personae (ou subsistentia). Ce langage a été élaboré dans les débats trinitaires du IVe siècle6.

Ce départ du langage utilisé par les Symboles historiques de l’orthodoxie et des confessions réformées, ainsi que l’introduction de cette nouveauté théologique sont aggravés lorsque l’on considère la définition que donne Van Til de « personne ».  Van Til semble définir la personne comme étant une conscience, lors de sa discussion sur Dieu comme étant une seule personne et trois personnes, il ajoute « Dieu est un seul être conscient, et pourtant, il est aussi un être tri-conscient7. » Pourquoi cette définition est-elle très problématique ? Parce que Van Til affirme aussi qu’en Dieu, l’être et la conscience sont coïncidents8. Il dit : « Nous ne pouvons éviter le panthéisme que si nous maintenons la coterminité de l’être et de la conscience de Dieu9. » Mais si Dieu est « un être conscient, et pourtant également tri-conscient » et que la conscience coïncide avec l’être, alors nous pouvons avoir un Dieu qui est non seulement « une personne et trois personnes » mais aussi « un être et trois êtres. »

Étant donné que Van Til a une propension à utiliser un langage ambigu, ne supposons pas automatiquement qu’il croit réellement que Dieu est un être et trois êtres. Au lieu de cela, considérons simplement la formule « une personne/trois personnes. » Dans le meilleur des cas, le mot « personne » est utilisé dans deux sens différents. Si c’est le cas, alors la formule de Van Til est intrinsèquement déroutante en raison de l’équivoque nécessaire pour maintenir un semblant d’orthodoxie. Dans le pire des cas, le mot « personne » est utilisé dans le même sens dans les deux parties de la formule. Si tel est le cas, alors la formule est contradictoire, et la moitié ou l’autre (ou les deux) sera hérétique selon la définition de la personne utilisée dans chaque moitié. Il en résultera une certaine forme d’unitarisme (p. ex., le modalisme) ou une certaine forme de trithéisme (p. ex., si la personne est définie comme « être ») ou une « quadrinité » impliquant quatre personnes (p. ex., si la personne est définie comme « être » et si Dieu est considéré comme une personne séparée de Dieu considérée comme trois personnes).

Si nous prenions au sérieux la définition que Van Til suggère concernant la personne en termes de conscience, puis de la conscience coïncidant avec l’être, il devient presque impossible de maintenir un scénario optimiste. Ce n’est que parce que Van Til affirme ailleurs la doctrine orthodoxe de la Trinité des Symboles et des confessions que nous pouvons supposer qu’il ne pense pas ce qu’il dit ici et qu’il reste orthodoxe. Si nous admettons cela à propos de Van Til et si nous le lisons sous le jour le plus charitable possible, nous pouvons conclure qu’il est orthodoxe et trinitaire, bien qu’il se soit laissé emporter ici et a introduit bêtement cette nouveauté théologique définitivement hérétique dans les églises réformées conservatrices.

Les confessions réformées auxquelles Van Til adhérait pendant son ministère maintiennent le langage trinitaire qui fut soigneusement formulé dans les premiers siècles de l’Église. L’article 8 de la Confession Belge, par exemple, parle d’un Dieu unique, « qui est une seule essence, en laquelle il y a trois personnes réelles ». La question et la réponse 25 du Catéchisme de Heidelberg enseigne que « ces trois personnes distinctes [Père, Fils et Saint-Esprit] sont le seul, vrai et éternel Dieu ». La Confession de foi de Westminster parle de Dieu en termes de « trois personnes d’une seule et même substance » (2.3). Les confessions réformées maintiennent constamment la formule orthodoxe. Elles ne parlent à aucun endroit de Dieu comme une seule personne et trois personnes, et de ceux souscrivent honnêtement aux confessions réformées, aucun ne parlerait de Dieu de cette manière10.

Van Til n’ignore pas à quel point la doctrine de la Trinité est importante pour la foi chrétienne. Il dit explicitement que le Dieu trinitaire défini dans le Credo de Nicée et les confessions réformées est le fondement de tout et que l’existence de ce Dieu et seulement de ce Dieu est le présupposé de toute prédication11. Pourtant, en redéfinissant la Trinité comme « une personne et trois personnes », Van Til implique au moins que l’enseignement des confessions réformées est en erreur sur une doctrine fondamentale de la foi chrétienne. Sa variante « une personne/trois personnes » de la doctrine de la Trinité ne doit pas être admise à la légère comme s’il s’agissait d’un raffinement doctrinal sans importance12.

Un deuxième exemple de déclarations problématiques concernant Dieu concerne les attributs divins. Comme mentionné plus haut, Van Til affirme le théisme classique de la Confession de Westminster. Il affirme la doctrine de la simplicité divine, allant jusqu’à dire que cette doctrine répond à l’ancien problème philosophique de l’un et du multiple13. Il affirme aussi l’aséité, l’éternité, l’immuabilité, et le reste des attributs incommunicables. Cependant, à certains endroits, Van Til fait des déclarations sur l’immuabilité qui ne sont pas claires dans leur signification. Il dit à un endroit, par exemple : « Peu importe si Adam allait obéir ou désobéir, la situation changerait. Et l’attitude de Dieu s’en trouverait changée14. » Cela signifie-t-il que Dieu change ? Dans le même contexte, Van Til indique que l’attitude de Dieu change, mais que « Dieu en Lui-même est immuable15 ». Mais que sont exactement les « attitudes » en Dieu, et comment les distinguer de « Dieu en Lui-même » ? La réponse de Van Til à cette question reste incertaine.

En lisant Van Til de la manière la plus charitable possible, nous pouvons essayer de comprendre ces déclarations peu claires à la lumière de ses affirmations claires et répétées de son engagement envers le trinitarianisme de Nicée, la christologie chalcédonienne et les formulations doctrinales des confessions réformées. En procédant ainsi, nous pourrions attribuer la formulation « une personne/trois personnes » au penchant de Van Til pour l’équivoque et sa redéfinition de certains mots, et nous pourrions attribuer ses commentaires sur l’immuabilité à un manque de clarté théologique ou à une manière peu claire de parler du langage anthropomorphique de la Bible16. Nous pourrions alors conclure sur ces hypothèses que Van Til est un théiste classique malgré ces déclarations problématiques.

Supposons donc que Van Til est en fait un théiste classique. Si tel est le cas, de sérieuses questions se posent au sujet de certains disciples contemporains de Van Til. Nous devons nous rappeler que pour Van Til, le présupposé du Dieu décrit dans les confessions — et seulement ce Dieu — est nécessaire pour toute prédication. En d’autres termes, si Van Til est un théiste classique, alors, selon lui, la doctrine théiste classique de Dieu est au cœur de son présuppositionnalisme. Que devrions-nous donc conclure au sujet des Van Tilliens contemporains qui ont rejeté le théisme classique ? Si la doctrine de Dieu de Van Til est la doctrine théiste classique de Dieu et si la doctrine de Dieu de Van Til joue un rôle si grand dans son système, alors nous devrions conclure que les Van Tilliens qui ont rejeté le théisme classique ont non seulement rejeté l’enseignement des confessions réformées, mais ils ont aussi trahi le cœur même du présuppositionnalisme de Van Til17.

Une troisième préoccupation, plus large, concerne l’opposition absolue que Van Til fait entre la doctrine réformée de Dieu et tout ce qui l’a précédée. Comme nous l’avons vu, Van Til affirme les Symbole de Nicée et de Chalcédoine, mais il sape aussi par inadvertance son engagement envers eux en traçant une ligne dure entre la doctrine de Dieu que l’on retrouve dans l’Église du Moyen Âge et la doctrine de Dieu des Églises de la Réforme. Rappelez-vous ce que Van Til dit sur la signification de la doctrine de Dieu : « Toute doctrine est forcément fausse si la doctrine première et fondamentale de Dieu est fausse18. » La doctrine réformée de Dieu est-elle la même que la doctrine de Dieu avant la Réforme ?

Selon Van Til, Rome et les protestants n’ont rien en commun sur aucun point de doctrine19. La doctrine Romaine Catholique de Dieu, que Van Til identifie comme la doctrine de l’Eglise primitive et médiévale, diffère de la doctrine réformée parce que, selon Van Til, Rome voit Dieu et la création à des degrés différents de l’être. Rome, par conséquent, brouille la distinction entre l’être de Dieu et l’être de Sa création20. En bref, Van Til dit que la doctrine de Dieu pré-Réforme est fondamentalement panthéiste. Van Til établit un lien entre la doctrine classique de Dieu d’avant la Réforme et la position philosophique du « réalisme classique21 ». Selon Van Til, le réalisme classique est incompatible avec la véritable doctrine biblique de Dieu, de la création et de la providence22.

Le réalisme classique doit donc être rejeté. Mais si le cadre métaphysique qui a fourni à l’Église le contexte pour le développement, la formulation et la défense de la doctrine de Dieu est rejeté, alors cette doctrine de Dieu devient elle-même problématique. De son côté, Van Til rejette-t-il la doctrine de Dieu telle que formulée par les théologiens dans la tradition réaliste classique ? Non. Il affirme la doctrine de Dieu qui se trouve dans le Symbole de Nicée, même s’il rejette à plusieurs reprises le réalisme classique23. Ainsi, les chrétiens véritablement réformés devraient-ils accepter ou non le Symbole de Nicée ? Van Til lui-même l’affirmait, mais son rejet du réalisme classique tel qu’il le comprenait a laissé à ceux qui l’ont suivi la porte ouverte pour faire un choix différent.

Une question qui cause souvent de la confusion chez les chrétiens lorsqu’on considère la tradition philosophique d’avant la modernité, est que les chrétiens ont régulièrement empruntés et utilisés des termes et concepts philosophiques grecs pour expliquer certains éléments de la théologie chrétienne24. Cependant cet emprunt, contrairement à ce que le théologien libéral allemand Adolf von Harnack prétendait, n’était pas dû à l’hellénisation de la théologie chrétienne. C’était plutôt dû au fait que l’Eglise avait compris que la capacité humaine à connaître quelques vérités sur le monde que Dieu a créé n’était pas anéantie par la chute de l’humanité dans le péché. Van Til lui-même autorise de tels emprunts aux philosophes25. Il admet lui-même qu’il peut y avoir des « éléments de vérité » dans les systèmes non chrétiens26. Il est cependant très critique à l’égard des emprunts lorsque les philosophes en question sont dans ce qu’il appelle le courant réaliste classique27.

Cela signifie-t-il que l’Eglise primitive et médiévale a accepté tout ce que les philosophes tels que Platon ou Aristote ont enseigné ? Non. L’Eglise s’est appropriée de façon critique ce qu’elle croyait être vrai et a rejeté ce qu’elle croyait être faux. Les théologiens ont cherché les « éléments de vérité » chez Platon et Aristote. L’Eglise primitive et médiévale a reconnu que si un philosophe découvrait quelque chose de vrai sur la nature de l’être ou de la connaissance, cela restait vrai, peu importe qui l’avait découvert.

Pourquoi tout cela est-il important ? Les théologiens chrétiens, de Saint Augustin et Saint Thomas d’Aquin pour l’Eglise primitive et médiévale à Jean Calvin, Pierre Martyr Vermigli et Francis Turretin pour l’Eglise réformée, ont soigneusement et avec un esprit critique fait un usage des notions philosophiques de la tradition philosophique antérieure à la modernité. Il y avait évidemment quelques différences entre Augustin et Thomas d’Aquin, mais ces différences n’ont pas détruit les points fondamentaux d’accord et de chevauchement qui ont permis au théisme trinitaire classique d’être affirmé de façon cohérente et défendue de façon cohérente tout au long des 1500 premières années de l’histoire de l’Église. Il est significatif que le cadre métaphysique et épistémologique que l’on retrouve dans les écrits de théologiens comme Augustin et Thomas d’Aquin a continué à être utilisé et enseigné par les hommes qui ont écrit les confessions réformées et les manuels de théologie scolastique réformée. Les théologiens réformés n’ont pas distingué leur doctrine de Dieu avec ce qui avait été enseigné dans l’Église primitive et médiévale.

Le cadre philosophique prémoderne généralement accepté a d’abord commencé à être critiqué par une petite minorité de penseurs au Moyen Âge. Avec la diffusion plus large du nominalisme à partir du XIVe siècle, la montée du scepticisme à la Renaissance, la montée du rationalisme et de l’empirisme au siècle des Lumières, puis de la pensée kantienne et de l’idéalisme aux siècles suivants, le cadre philosophique plus ancien a finalement été abandonné28. Le rejet de ce cadre philosophique a eu un impact considérable sur la doctrine de Dieu.

Lorsque nous examinons l’évolution historique de la théologie au siècle des Lumières et après, en particulier en ce qui concerne la doctrine de Dieu, nous constatons que lorsque le vieux cadre philosophique est abandonné, le théisme trinitaire classique n’est pas bien loin de l’accompagner. La montée de l’unitarisme, du déisme, du panthéisme et du panenthéisme pendant et après le siècle des Lumières n’est pas une coïncidence. Les théologiens qui ont adopté la métaphysique et l’épistémologie des rationalistes ont reformulé leur doctrine de Dieu en fonction de ce nouveau cadre philosophique. Les théologiens qui ont adopté la philosophie des empiristes ont reformulé leur doctrine de Dieu pour l’adapter à ce cadre. Les théologiens qui ont adopté la philosophie de Kant, de Hegel ou de Whitehead ont reformulé leurs doctrines de Dieu en fonction de ces cadres philosophiques29.

Cela nous ramène à Van Til. Comme nous l’avons vu, Van Til, en accord avec la plupart des philosophes des Lumières, a rejeté l’ancienne philosophie (Van Til l’appelle « réalisme classique »). En bref, il a rejeté la métaphysique et l’épistémologie qui ont fourni le cadre conceptuel dans lequel le théisme classique a été développé, énoncé et défendu. Historiquement, ce qui s’est passé lorsque ce contexte a été rejeté et remplacé par un contexte philosophique différent, c’est qu’une tension interne est introduite, conduisant à des doctrines de Dieu différentes et nouvelles. L’engagement de Van Til envers les confessions réformées semble lui avoir permis tant bien que mal de vivre avec la tension. Mais la tension demeure pour ceux qui suivent Van Til dans le rejet de l’ancienne philosophie.

Si l’histoire nous enseigne quoi que ce soit, cela ne fait aucun doute que le rejet par Van Til de l’ancienne philosophie conduira finalement à la négation du théisme classique par ceux qui suivront son exemple. En fait, cela semble avoir déjà commencé à se produire. Certains de ses étudiants ont déjà commencé à redéfinir et à rejeter des éléments essentiels du théisme biblique et chrétien classique afin d’aligner leur doctrine de Dieu sur la vision métaphysique de Van Til30. Autrement dit, l’adoption par Van Til de systèmes métaphysiques développés après les Lumières et sa tentative pour les synthétiser avec la théologie chrétienne a créé un mélange d’idées qui a déjà commencé à compromettre la théologie orthodoxe qu’il voulait défendre.


  1. VAN TIL, Christian Apologetics, p. 31.[]
  2. VAN TIL, Christian Apologetics, p. 29; voir aussi, VAN TIL, Introduction to Systematic Theology, 2e éd., p. 348, 362–364. Les défenseurs de Van Til ont entendu les critiques concernant cet enseignement de Van Til depuis des décennies. Malheureusement, au lieu d’écouter les critiques, beaucoup choisissent d’excuser Van Til et de défendre son enseignement, ne faisant qu’empirer le problème.[]
  3. VAN TIL, Introduction to Systematic Theology, 2e éd., p. 363.[]
  4. VAN TIL, Introduction to Systematic Theology, 2e éd., p. 364.[]
  5. VAN TIL, Introduction to Systematic Theology, 2e éd., p. 348.[]
  6. Pour un recensement utile de ces débats, voir AYRES, Lewis, Nicaea and its Legacy: An Approach to Fourth Century Trinitarian Theology (Oxford, England: Oxford University Press, 2004).[]
  7. VAN TIL, Introduction to Systematic Theology, 2e éd., p. 348. []
  8. Voilà un exemple de langage qui mène plusieurs à conclure que Van Til fut grandement influencé par Hegel.[]
  9. VAN TIL, The Defense of the Faith, 1re éd., p. 36, cité par MCCONNEL, Timothy, “The Influence of Idealism on the Apologetics of Cornelius Van Til”, JETS 48 no 3, Septembre 2005, p. 583.[]
  10. Si on considère l’admiration que Van Til avait pour B.B. Warfield, on ne peut que se demander si Van Til a été inspiré dans sa formule par rapport à un commentaire de Warfield dans un article intitulé : « L’Esprit de Dieu dans l’Ancien Testament » (The Works of B.B. Warfield, 2:101–129). Vers la fin de l’article, Warfield dit : « Une chose formidable qui fut enseigné à cet ancien peuple de Dieu, est que le Dieu de toute la terre est une personne ». (p. 127). Bien que ce langage soit, au mieux, maladroit, le contexte dans lequel il apparait est très diffèrent du contexte dans lequel Van Til créer son alternative à la formulation de la Trinité. Warfiled traite de la manière donc Dieu est révélé dans l’Ancien Testament avant la pleine révélation qu’il faut de lui-même des distinctions entre les trois personnes. Son argument est que Dieu est révélé dans l’Ancien Testament comme étant un être personnel (Voir p. 125). Le contexte de Warfield est la révélation progressive, alors que Van Til revisite et révise la doctrine chrétienne de la Trinité.[]
  11. VAN TIL, Christian Apologetics, p. 39.[]
  12. Je sais qu’un certain nombre d’étudiants et de disciples de Van Til ont écrit pour défendre sa formule « une personne/trois personnes ». Je les supplie en tant que frères en Christ de reconsidérer cette formulation dans la prière. Van Til n’était pas un penseur très clair. Ceux qui le sont devraient le savoir. Il n’y a absolument aucune raison de défendre une formule qui est explicitement contraire aux croyances orthodoxes et aux confessions réformées, intrinsèquement ambiguë et inévitablement susceptible de faire trébucher les chrétiens sur les bancs de l’Église. Le problème est encore plus grave à une époque de profonde ignorance biblique et théologique, d’hérésie rampante et d’indifférence aux doctrines. Ceux qui défendent la formule novatrice de Van Til et l’enseignent dans les églises et les séminaires communiquent aux paroissiens et aux pasteurs potentiels que cette nouveauté théologique hérétique n’est pas quelque chose dont ils devraient particulièrement se préoccuper. Les défenseurs de la formule de Van Til diront souvent qu’il croyait en la doctrine orthodoxe de la Trinité et que sa formule peut être lue dans un sens orthodoxe (par exemple, Van Til voulait simplement dire que Dieu n’est pas une force impersonnelle). Son langage sera parfois excusé sur la base du « paradoxe ». Sur la base de la plupart de ce qu’il a écrit, je suis prêt à admettre que Van Til était un orthodoxe trinitaire, mais la seule façon de lire sa formule dans un sens orthodoxe est d’accepter son usage équivoque du mot personne. De plus, la tentative de trouver un sens orthodoxe à la formule de Van Til est complètement inutile puisque la formule traditionnelle a déjà un sens orthodoxe. Van Til imagine un problème qui n’existe pas et crée ensuite une solution qui est bien pire que le problème qu’il pense avoir trouvé. Défendre sa formule en faisant appel au « paradoxe » est également imprudent car elle ouvre la porte à la défense de toutes sortes de formules peu orthodoxes par le biais du même appel. Si nous avons appris quelque chose du mouvement de la Nouvelle orthodoxie, c’est que presque tout peut être défendu en faisant appel au « paradoxe ». La défense continue de cette formule révèle l’un des nombreux dangers du culte de la personnalité qui s’est développé autour de Van Til. Trop de ses disciples sont apparemment incapables de critiquer quoi que ce soit chez Van Til, même lorsqu’il se trompe sur des questions de la plus haute importance théologique et fait trébucher les enfants de Dieu sur les bancs des églises. Rien ne justifie l’utilisation de cette formule par Van Til, et rien ne justifie que des ministres de la Parole et des théologiens engagés dans le christianisme orthodoxe et la surveillance des brebis du Christ continuent de la défendre. Il est important de réaliser que bien que l’utilisation par Van Til de cette formule ne signifie pas nécessairement qu’il était un hérétique trinitaire (étant donné son engagement manifeste au trinitarianisme de Nicée et à la Confession de Foi de Westminster que l’on retrouve ailleurs dans ses écrits), la défense continue de la formule ouvre une porte pour ceux avec moins d’intégrité que Van Til pour glisser des hérésies dans l’Eglise sous le couvert d’un même langage ambigu et non confessionnel. C’est ainsi que la fausse doctrine de Norman Shepherd sur la justification prit pied dans les églises réformées autrement orthodoxes et confessionnelles, et malheureusement, Van Til lui-même et nombre de ses disciples soutinrent l’enseignement de Shepherd (voir FRAME, Cornelius Van Til: An Analysis of His Thought, p. 393 ; MUETHER, Van Til, p. 221). Cela va être très difficile pour ceux qui ont tant de fois excuse de faire face à d’autres prêcheurs qui utilise une méthodologie similaire pour importer dans l’Eglise des hérésies théologiques.[]
  13. VAN TIL, Christian Apologetics, p. 25.[]
  14. VAN TIL, Common Grace and the Gospel, p. 73.[]
  15. VAN TIL, Common Grace and the Gospel, p. 73. []
  16. VAN TIL, Introduction to Systematic Theology, 2e éd., p. 334.[]
  17. Ce dernier point n’est pas tant une critique de Van Til, qu’une critique de ses admirateurs, mais leurs enseignements sur ce sujet est une conséquence du manque de clarté de Van Til. Cela ne devrait pas être interprété comme une accusation que seul les Van Tilliens courent le risque de rejeter la théologie orthodoxe de Dieu.[]
  18. VAN TIL, Christian Apologetics, p. 31. []
  19. VAN TIL, Christian Apologetics, p. 89–90.[]
  20. VAN TIL, Christian Apologetics, p. 43.[]
  21. L’utilisation que Van Til fait de la phrase réalisme classique pour décrire la philosophie de l’Eglise primitive et médiévale est pour le moins une simplification exagérée. Si je l’utilise ici, c’est parce que c’est l’expression que Van Til choisit.[]
  22. VAN TIL, The Defense of the Faith, 4e éd., p. 275. Une discussion complète du “réalisme” dans l’Eglise primitive et médiévale va au-delà de cet article. De manière générale, dans les discussions sur l’Eglise primitive et médiévale, le terme réalisme est utilisé pour décrire la pensée de Platon et d’Aristote. Le réalisme platonique défend l’idée que les universaux existent. Le réalisme aristotélicien dit que les universaux existent dans les choses particulières. Les deux formes de réalisme sont opposées au nominalisme, philosophie qui eut un essor dans l’Eglise médiévale (p. ex. Roscelin). Cette dernière estime que les universaux ne sont que des noms. Si on me permet de simplifier, Platon argumente que la forme (ou universel) « être humain » existe dans le domaine des idées. Aristote, lui, argumente que la forme « être humain » existe seulement dans les particuliers, dans des individus humains. Les nominalises diraient qu’ « être humain » n’est qu’un nom et n’a pas d’existence réelle. Aux XVIIe, XVIIIe, et XIXe siècles, le réalisme était souvent mis en opposition avec les divers formes d’idéalisme subjective, qui tendent a limité notre possibilité de connaissance des choses (et parfois la réalité même) à l’esprit et nos idées.[]
  23. VAN TIL, The Defense of the Faith, 4e éd., p. 226, p. 234, p. 240, p. 273, p. 275, p. 287, p. 290. Ce n’est pas clair si Van Til était un nominaliste ou non. Il argumente en effet que les chrétiens devraient penser d’une manière concrète, ce qui veut dire que nous pouvons parler « de tels universaux en tant que concept limitant seulement ‘en tant que créature’. Être créature, en tant que tel ne s’applique pas aux humains. C’est une abstraction ». (Common Grace and the Gospel, p. 26–27).[]
  24. Considérez, par exemple, le débat autour du mot homoousios  lors de la controverse des ariens. En utilisant le mot ousia, les chrétiens utilisaient un mot qui a une histoire dans la philosophie grecque. De la même manière, les discussions christologiques sur les « natures » du Christ empruntait des concepts et des mots de la philosophie grecque.[]
  25. VAN TIL, Survey of Christian Epistemology, p. 57.[]
  26. VAN TIL, A Christian Theory of Knowledge, p. 43. Cela inclut-il Aristote, ou bien Aristote est le seul n’ayant aucun élément de vérité dans son système ?[]
  27. Van Til semble accorder la possibilité que pleins de systèmes de pensée non-chrétiens sauf l’aristotélisme contiennent des « éléments de vérité ».[]
  28. Il est impossible de donner une seule définition qui décrit et englobe la totalité des diverses philosophies d’après les Lumières. Mais une chose que beaucoup d’entre-elles ont en commun est le rejet de la philosophie réaliste dans n’importe laquelle de ses formes. Dans ces dernières, on ne peut plus supposer que les êtres humains ont une connaissance véritable du monde extérieur à l’esprit. Dans certains cas, on ne peut même plus être sûr qu’il existe bel et bien un monde extérieur. Évidemment, s’il n’y a pas de connaissances du monde extérieur, les idées traditionnelles de la théologie naturelle qui raisonnent de la connaissance depuis les effets créés dans ce monde extérieur vers le Créateur (la Cause) deviennent impossibles.[]
  29. Voir COLLINS, James, God in Modern Philosophy, Chicago : Henry Regnery, 1959).[]
  30. John Frame, par exemple, rejette l’immutabilité en disant : « Mais le processus historique change, et en tant qu’agent de l’histoire, Dieu hange. Le lundi, il veut que quelque chose se produise, et le mardi, quelque chose d’autre. Un jour, il est affligé, et le jour suivant satisfait. De mon point de vue, l’anthropomorphisme est une description trop faible de ces évènements. Dans ces récits, Dieu n’est pas juste un agent dans le temps. Il est vraiment dans le temps, changeant, comme les autres changent. Et nous ne devrions pas dire que son atemporalité, son existence inchangée est plus vrai que son existence changeante dans le temps, comme le terme anthropomorphique le suggère. Les deux sont vrais. » (Systematic Theology, p. 377). La reformulation de la doctrine de Dieu par Oliphint se trouve dans son livre OLIPHINT, God with Us: Divine Condescension and the Attributes of God, Wheaton, Ill. : Crossway, 2012. Le Président du Westminster Theological Seminary, Peter Lillback, a répondu à ce livre dans un appel le 27 Mars 2019. Il a dit qu’après une fine analyse sur le contenu de ce livre, le séminaire a acheté les droits du livre et a fait retirer toutes les copies restantes.[]

Hadrien Ledanseur

Enfant de Dieu, passionné par la théologie et la philosophie. S'il est enfant de Dieu, c'est exclusivement en vertu des mérites de Jésus-Christ et de la grâce de Dieu. Si Dieu le veut, il se fiancera bientôt !

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