Cet article est une traduction de The Body of Evidence de Carl R. Trueman, ancien professeur de théologie historique et d’histoire de l’Église au Westminster Theological Seminary et actuellement professeur au Grove City College.
Alors que j’assistais la semaine dernière à une conférence sur la politique du genre, je me suis tourné vers un ami et je lui ai demandé : « Toi et moi étions pessimistes avant d’entendre cela. Comment te sens-tu maintenant ? » Il a répondu : « J’en ai entendu assez pour me remettre à boire. » À quoi j’ai dit que certains d’entre nous n’avaient jamais été assez optimistes pour arrêter.
Aussi mauvaise soit-elle, la folie actuelle que représente la seule approche politiquement acceptable concernant les questions de genre est sans aucun doute condamnée à terme. Ou du moins, elle devra cesser à un moment donné, si la société veut survivre. Car elle est incapable d’offrir une compréhension socialement viable de l’identité personnelle.
Cela vous semble exagéré ? Eh bien, prenez un scénario hypothétique. En 1995, un homme appelé David Jones commet un meurtre, mais les preuves sont insuffisantes pour le traduire en justice, et l’affaire est classée sans suite. En 2005, David Jones subit une chirurgie de changement de sexe — désolé, je devrais dire de « confirmation » — qui fait de lui une femme, de David une Désirée. En 2017, la preuve apparaît que David Jones est le meurtrier du crime commis en 1995.
Mais est-ce que Désirée a commis le crime ? David Jones a appuyé sur la gâchette, mais il n’existe plus. En effet, parler comme s’il existait vraiment provoquerait certainement l’ire de Twitter et vous devriez peut-être même payer une amende pour discrimination. Alors, comment peut-on demander des comptes à Désirée pour ce que David a fait ? Et la police pourrait-elle être accusée d’incitation à la haine si elle essayait de l’arrêter ? Elle ne s’identifie plus comme David, elle s’identifie comme Désirée. Et au pays de l’auto-identification, la psychologie solipsiste est reine et les noms choisis par soi-même déterminent les essences personnelles.
Je soupçonne que les tribunaux n’accepteraient pas une telle défense. Ils engageraient des poursuites, même si Désirée finit par faire un bout de chemin dans une prison pour femmes (dans la mesure où « femme » serait encore un concept cohérent). Mais sur quelle base philosophique les tribunaux pourraient-ils engager un tel procès ? Il faudrait certainement que ce soit sur la base du fait que la personne qui a commis le meurtre et la personne qui prétend maintenant être la femme appelée Désirée sont en fait la même personne.
C’est là que le problème est évident. Une telle poursuite serait fondée sur une compréhension essentialiste de l’identité personnelle comme étant logiquement antérieure à l’identité auto-sélectionnée. Les lois de l’état de New York sur les pronoms, cependant, semblent plutôt nominalistes dans leur métaphysique. Elles tiennent pour établi que le corps est un simple ensemble d’accidents. Ce sont les convictions psychologiques d’une personne qui fournissent la substance de sa personnalité et donc de son identité. Vous êtes essentiellement votre nom et vos pronoms genrés préférés. Et il est illégal pour quiconque de prétendre le contraire.
Je doute que les militants transgenres veuillent offrir aux tueurs en série une défense juridique infaillible, mais il est difficile de voir comment ils pourraient faire autrement sans contredire leurs propres convictions idéologiques sur l’identité. S’ils admettent que Désirée peut être poursuivie pour le crime de David, alors cela exige que le genre ne soit pas considéré comme une caractéristique fondamentale de l’identité individuelle. Si Désirée peut être poursuivie en justice, alors le genre n’a aucune véritable signification juridique pour l’identité personnelle.
La transidentité, tout comme l’avortement, place la loi dans une position contradictoire sur la nature de la personne dans notre monde contemporain. Tout comme Scott Peterson peut être accusé du meurtre du bébé que sa femme aurait pu légalement avorter, Désirée peut être accusée du crime de David. Tant que le droit ne considère pas qu’une défense qui utilise l’argument d’un changement de genre et d’identité pour échapper à un crime commis avant la transition sera recevable, alors la civilisation pourra survivre — mais seulement au prix d’une contradiction. Et si jamais cela devient une défense valable, alors l’État de droit sera à bout. Il y a là une leçon à tirer.
0 commentaires