Cet article est la première partie d’une série sur le lien entre la justification, les œuvres, et le salut. Cette première partie est une traduction d’un article de Mark Jones publié sur son blog Calvinist International.
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John Piper met-il en danger la doctrine de sola fide ?
John Piper
Il y a quelque temps, John Piper a écrit un article sur la justification, les bonnes œuvres et le salut1. La plupart des réformés sont d’accord avec sa position de base, mais une minorité l’accuse de compromettre la doctrine de la justification. Si ces critiques ont raison, l’homme qui a défendu la doctrine de la justification contre N.T. Wright serait lui-même tout aussi mauvais.
Alors, Piper dit-il des choses qui compromettent la doctrine du salut, ou fait-il simplement écho à ce que les théologiens réformés ont dit au cours des siècles sur la nécessité des bonnes œuvres pour le salut final ?
Voici la phrase de Piper discutée :
Dans le salut final au jugement dernier, la foi est confirmée par le fruit sanctifiant qu’elle a porté, et nous sommes sauvés par ce fruit et cette foi. Comme le dit Paul en 2 Thessaloniciens 2.13, « Dieu vous a choisis dès le commencement pour le salut, par la sanctification de l’Esprit et par la foi en la vérité. »
Voilà le problème pour les critiques de Piper. En réalité, ce n’en est pas vraiment un. Et si vous écrivez des articles de blog en désaccord avec Piper sur ce sujet particulier, mais qui se prétendent réformés, vous avez probablement besoin de passer un peu de temps à suivre une formation théologique, puis, après cela, de publier des articles dans de grandes revues approuvées par des pairs, des livres, etc. avant de pouvoir être pris au sérieux. Et même dans ce cas, il est possible que vous ayez un tel parti pris contre quelqu’un que vous lui reprocheriez même de dire que Jésus aime les pécheurs.
William Twisse
Imaginez le porte-parole de l’assemblée de Westminster considérant les propos controversés de Piper. Et demandez-vous, après avoir lu les mots ci-dessous, si son langage sur la doctrine du salut n’est pas tout aussi troublant que celui de Piper :
« Les bonnes œuvres sont la cause dispositive2 du salut. […] Quant aux causes du salut, non seulement la foi, mais aussi la repentance et les bonnes œuvres le précèdent… comme causes préparatoires […]. Il est du devoir de tous les élus de chercher le salut non seulement par la foi mais aussi par les œuvres. »
Maintenant, s’il vous plaît, dites-moi : devrions-nous écrire un article de blog disant que le porte-parole de l’assemblée de Westminster a compromis la doctrine de la justification ? Et si je vous disais que je pourrais ajouter à Twisse de nombreux autres théologiens de l’assemblée de Westminster qui ont écrit peu ou prou la même chose ?
De la distinction entre droit et possession
Je ne cesse de faire référence à cette distinction, à savoir le droit à la vie par opposition à la possession de la vie. Si vous n’avez pas une connaissance approfondie de cette distinction, vous ne devriez pas écrire des critiques sur vos blogs concernant ce sujet. Comme le disait Herman Witsius, le droit à la vie est « assigné à l’obéissance du Christ, afin que toute la valeur de notre sainteté soit entièrement exclue ». Cependant, en ce qui concerne la possession de la vie, « nos œuvres… que l’Esprit du Christ opère en nous, et par nous, apportent quelque chose à cette dernière ».
Encore une fois, dites-moi, est-ce différent de ce que dit Piper ? Permettez-moi d’insister à nouveau sur les paroles de Witsius : « Nos œuvres… contribuent au salut. »
De même, Petrus van Mastricht a écrit :
« Dans la mesure où Dieu, dont nous accomplissons la loi par le seul mérite du Christ, ne veut pas accorder la possession de la vie éternelle, à moins qu’elle ne soit accompagnée de la foi et des bonnes œuvres accomplies auparavant. Nous avons reçu le droit à la vie éternelle par le mérite du Christ seul. Mais Dieu ne veut pas accorder la possession de la vie éternelle, à moins qu’il n’y ait, à côté de la foi, aussi de bonnes œuvres qui précèdent cette possession (Hébreux 12.14 ; Matthieu 7.21 ; 25.34-36 ; Romains 2.7, 10). »
Il est distingué ci-dessus entre « droit » et « possession ». Dieu n’accordera pas la vie éternelle s’il n’y a pas de bonnes œuvres, selon van Mastricht. Et Zanchius dit,
« Les bonnes œuvres sont la cause instrumentale de la possession de la vie éternelle ; par elles en effet, tout comme par un moyen évident et légitime, Dieu nous conduit à la possession de la vie éternelle. »
La cause instrumentale de la justification est la foi seule. Mais les théologiens orthodoxes réformés n’avaient aucun problème à parler de causes instrumentales pour le salut (au sens large). Les bonnes œuvres fonctionnent comme une cause instrumentale. Elles font nécessairement partie du chemin sur lequel nous marchons pour entrer par la porte étroite vers la vie éternelle. Paul dit en Romains : « Car le salut est plus proche de nous maintenant que lorsque nous avons cru pour la première fois (13.11). » Évidemment, le salut doit signifier plus que la justification ou ce verset n’a aucun sens pour les protestants réformés. D’ailleurs, soutenir que le salut est plus large que la justification préserve en fait la justification comme un acte de Dieu une fois pour toutes qui ne peut jamais être révoqué. Ursinus avait donc raison de dire que nous faisons de bonnes œuvres pour échapper au châtiment éternel (il cite Romains 8.13). Elles sont, dit-il, un moyen d’atteindre une fin.
Michael Horton
À la lumière de ce que j’ai brièvement mentionné ci-dessus, demandez-vous maintenant si Michael Horton est proche de John Piper et des orthodoxes réformés ou s’il dit quelque chose de totalement différent :
« Le Nouveau Testament nous offre une vaste gamme de conditions pour le salut final. La sainteté, qui est définie par l’amour de Dieu et du prochain […] est la condition indispensable de notre glorification : personne ne sera assis au banquet céleste s’il n’est pas entré, même imparfaitement, dans une nouvelle obéissance. »
2 Thessaloniciens 2.13
Il est un peu difficile de reprocher à Piper de dire quelque chose qui est explicitement dit dans les Écritures. Paul dit : « Dieu vous a choisis dès le commencement pour le salut par la sainteté que procure l’Esprit et par la foi en la vérité (2 Thessaloniciens 2.13). » La Bible dit que nous sommes sauvés par la sanctification. Notre travail en tant que théologiens est d’expliquer ce que cela signifie, c’est ce que Piper fait dans l’article. D’autres avant lui ont parlé de la façon dont nous sommes sauvés « par les bonnes œuvres » (c’est-à-dire la possession). Ils ont réussi à le faire tout en maintenant en même temps la doctrine de la justification par la foi seule.
Ce n’est pas si difficile à comprendre que ça, à moins que vous ne vouliez en faire un problème3.
Qu’est-ce que cela signifie ?
Non seulement la justification, mais aussi l’adoption, la sanctification et la glorification sont des dons donnés au peuple du Christ, quand il le reçoit par la foi. Nous avons droit à tous ces cadeaux. Mais c’est justement ce qu’est la vie chrétienne : une vie. Nous possédons donc la vie éternelle en menant une vie sanctifiée, qui inclut de bonnes œuvres. Selon le théologien réformé du XVIIe siècle Francis Turretin, les bonnes œuvres sont nécessaires « comme moyen et comme chemin pour la possession du salut ». Thomas Goodwin dit : « Distinguez le droit de la possession, et vous avez clairement la signification de ce que l’Apôtre [Paul] dit [dans Éphésiens 2.8-10]. » Cette distinction présente plusieurs avantages.
Surtout, cela nous aide à croire fermement que, lorsque nous avons confiance en Christ, nous sommes unis à lui et nous possédons toutes les bénédictions en lui. C’est le « droit » du salut (basé sur l’œuvre méritoire du Christ seul). Quand nous croyons pour la première fois, nous sommes aussi justifiés que nous ne le serons jamais. « En croyant, dit Goodwin, tout le droit au salut nous est donné ; néanmoins toute la sainteté et les œuvres que nous avons ne servent pas pour le droit, mais nous sommes seulement conduits par eux à la possession de celui-ci. » En outre, cette distinction nous aide à donner un sens au langage « conditionnel » de l’Écriture (voir Phil. 3.12-14). Ce que Piper dit dans son article cadre très bien avec tout ce qui a été dit plus haut, à savoir que le fait d’être sauvé par les « bonnes œuvres » est simplement une façon d’exprimer que les bonnes œuvres sont le chemin sur lequel le chrétien doit nécessairement marcher en tant que possesseur du salut final.
Je ne comprends pas pourquoi des gens comme Rachel Green Miller et R. Scott Clark s’opposent à cela. Je pense que rien de ce qui précède ne les fera changer d’avis, mais ce n’est pas mon problème.
Mais si vous avez un problème avec Piper, je vous le demande : avez-vous aussi un problème avec les centaines d’autres théologiens réformés qui ont dit exactement la même chose ? Zanchius, van Mastricht, Goodwin, Owen, Twisse, Ursinus, etc., ont tous tort si Rachel Miller a raison, pensez à ça !
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