Est-ce que les textes originaux du Nouveau Testament nous sont parvenus purs et sans corruption ? – Nous l’affirmons contre les papistes
À présent, nous allons synthétiser une série de questions sur les sources de l’Écriture et le texte original : c’est à partir du XVIIe siècle (le siècle de Turretin) que les bases de la critique textuelle sont posées. D’une façon plus immédiate, ce qui préoccupe Turretin c’est que les catholiques de son époque, affirmaient qu’il était impossible de reconstituer correctement le texte biblique, et que notre seul secours était la Vulgate gérée par l’Église romaine. Après tout, comment obtenir un texte infaillible sans un magistère infaillible ?
Tout d’abord, définissons avec précision la question :
- Il ne s’agit pas de savoir si on a l’autographe (le papier concret qui a été écrit de la vraie main de Moïse, etc). Evidemment que personne n’a les autographes des livres bibliques. On parle des apographes : les copies dont on dispose sont-elles assez fiables pour être sûr qu’on a le texte des apôtres ?
- La question n’est pas de savoir si les textes que nous avons sont sans erreur. Nous reconnaissons qu’il y a des fautes de copistes depuis bien longtemps. La question c’est : y a-t-il tant d’erreurs que nous ne pouvons plus faire confiance au texte ? Les catholiques (du XVIIe siècle) disaient que oui.
Les textes originaux (dans les manuscrits hébreux ou grecs) ont-ils été à ce point corrompus par les copistes étourdis, ou par les juifs et hérétiques par malice, si bien qu’ils ne peuvent plus être considérés comme des arbitres dans nos controverses, et la règle de toutes les traductions ? Les papistes l’affirment, nous le nions.
François Turretin, ITE, 2.10.3
Cependant, il existait un groupe de théologiens catholiques appelé les « hébraïsants » qui considéraient que le texte original était fiable, et tant pis si cela fragilisait la Vulgate : Turretin cite Sixte de Sienne, Domingo Bañez, Diogo de Payva de Andrada, Benito Arias Montano, Johannes Isaac, Jacques Bonfrère, Siméon Marotte de Muis.
D’autres affirmaient au contraire que le texte hébreu et grec était trop corrompu. Turretin cite Thomas Stapleton, Willem Van der Lindt, Melchior Cano, Pierre Coton, Jean-Baptiste Morin, Jacques Davy du Perron.
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Enfin, il y avait des catholiques qui adoptaient une position intermédiaire : le texte est intègre, mais ce n’est pas une bonne base pour traduire dessus. C’est l’opinion de Bellarmin, qui selon les mots de Turretin, sur ce sujet comme sur d’autres, n’est pas tout à fait cohérent avec lui-même.
Argumentation (§§ 5-7)
- La providence de Dieu : Si Dieu a inspiré ces livres pour le salut des hommes, il n’aurait pas laissé ensuite ces livres se corrompre au point d’être inutilisables.
- La fidélité de l’Église chrétienne et son labeur incessant dans la préservation des manuscrits ; car depuis toujours les chrétiens ont travaillé avec un grand zèle à garder le dépôt sacré pur de toute corruption.
- La religion juive était très à cheval aussi sur la préservation des manuscrits hébraïques. Turretin s’appuie sur Flavius Josèphe, Contre Apion 1.9 qui montre l’attachement des juifs à la lettre de la Bible. Ou bien encore Philon d’Alexandrie, qui dit que le texte n’a pas bougé en deux mille ans.
- Le soin des massorètes qui poussaient le scrupule jusqu’à vérifier à la lettre près.
- Le grand nombre de copies : comment aurait-on pu corrompre tant de manuscrits si dispersés ? Ainsi que le disait Augustin : Nul homme prudent ne croirait que les juifs, si pervers et méchant qu’ils fussent, aient pu corrompre [l’Écriture], car ces copies sont si nombreuses et ni largement diffusées.
- La Bible ne peut pas avoir été corrompue avant Christ, sinon il en aurait parlé, plutôt que de renforcer notre confiance dans le texte. Ni après, car nous n’avons aucune trace d’un texte chrétien de l’Ancien Testament différent de celui des juifs.
- Les juifs n’ont ni voulu ni pu corrompre le texte source. Ils ne l’ont pas voulu : on le voit au fait que les passages qui sont accusés de corruption ne gênent pas les chrétiens, tandis que les prophéties messianiques troublantes pour les juifs sont soigneusement laissées. Il ne l’ont pas pu : à cause de la diffusion des copies et la préservation parallèle du texte par les chrétiens. Ainsi que le dit Augustin : quant au cœur [les juifs] sont nos ennemis, mais quant aux livres, ils sont nos témoins.
Objections (§§8-26)
§ 8 : Le simple fait qu’il y ait des erreurs de copies devrait nous amener à retirer notre confiance dans le texte biblique.
Réponse : Non, parce que 1. Elles sont sans importance et ne modifient pas la doctrine ou la pratique chrétienne. 2. Elles ne sont pas universelles, dans tous les manuscrits. 3. On peut facilement les corriger par comparaison des manuscrits.
§ 25 : Une corruption est différente d’une variante. Nous reconnaissons qu’il existe des lectures variantes dans l’Ancien comme le Nouveau Testament, qui viennent de la comparaison de différents manuscrits, mais nous nions la corruption (ou du moins une corruption universelle).
§ 26 : On a des traces d’hérétiques tâchant de corrompre les textes bibliques dans l’Antiquité (Irénée, Contre les Hérésies, 1.27 ; Origène, Commentaire sur Romains, 16.13 ; Théodoret de Cyr sur Tatien).
Réponse : Ils n’ont pourtant pas réussi à corrompre tous les manuscrits. Nous en sommes sûrs à cause de la providence divine qui ne leur aurait pas permis cela, et à cause de la vigilance des pères de l’Église, qui justement ont démontré leur zèle par ces remarques.
Bonjour,
Je suis étonné que vous ne parliez pas de la Septante (en grec), témoin important du texte de l’AT tel qu’il était avant qu’il ne soit fixé par les massorètes, qui ont passablement massacré des versets relatifs au messie à venir.
cf. https://bibletude.org/index.php?page=LXX
Cordialement
En fait, Turretin en fait le sujet de toute une question peu après.
Ce serait bien si le sujet pouvait être développé: il y a beaucoup de confusion à ce sujet, beaucoup d’ignorance du côté des pasteurs et autres responsables d’église, ce qui fait qu’il est difficile au commun des mortels de se faire une opinion claire.