De la clarté des Écritures — Turretin (2.17)
23 octobre 2021

Les Écritures sont-elles claires dans les choses nécessaires au salut au point de pouvoir être comprises des croyants, sans l’aide externe de traditions orales ou de l’autorité ecclésiastique ? Contre les papistes, nous l’affirmons.

Les papistes, non content de leurs tentatives de prouver que l’Écriture est insuffisante, afin d’amener la nécessité de la Tradition, ont commencé à mettre en doute leur clarté 1, comme si l’on ne pouvait être certain d’aucun sens sans le jugement de l’Église. Leur but est d’empêcher les gens d’utiliser les Écritures. Ayant dissimulé la lampe sous le boisseau, ils règnent plus facilement dans les ténèbres.

François Turretin, Institut de théologie élenctique, 2.17.1

Formulation de la question (§§ 2-7)

  • La question n’est pas au sujet de l’obscurité subjective2: il est vrai que l’Écriture paraît obscure aux non-croyants à ceux qui sont irrégénérés (2 Corinthiens 4,3). De même, il y a besoin d’illumination pour les régénérés puissent la comprendre. Nous posons la question au sujet de l’obscurité objective : est ce que la Bible est obscure en elle-même, au point où le croyant doit s’en remettre à l’Église ? Non.
  • La question n’est pas sujet de l’obscurité des notions : oui, il y a bien des mystères trop élevés pour l’esprit humain dans la Bible. Mais nous posons ici la question de l’obscurité du mode : l’Écriture est-elle écrite de façon trop obscure au point où il est nécessaire d’avoir recours à l’Église ? Non.
  • La question n’est pas de savoir si les saintes Écritures sont claires en toutes leurs parties au point de n’avoir besoin d’aucun interprète ou exposition des passages difficiles. C’est ce dont Bellarmin nous accuse faussement, de manière calomnieuse, en disant : “les Écritures sont elles parfaitement claires et intelligibles au point de n’avoir besoin d’aucune interprétation ?” Nous confessons sans hésiter que les Écritures ont leurs hauteurs et leurs profondeurs que nous ne pouvons ni escalader ni sonder, et que Dieu a placées pour encourager les croyants à l’étude et augmenter leur diligence ; pour humilier l’orgueil de l’homme et retirer le mépris qui viendrait d’une trop grande facilité d’accès. La question porte uniquement sur les choses nécessaires au salut, dans la mesure où nous en avons besoin. Ainsi il y a une confession claire de l’existence de la Trinité, mais pas une exposition claire de celle-ci. Turretin prend l’exemple des étoiles du ciel qui varient en clarté, ou bien du fait que ce qui est nécessaire à la subsistance pousse naturellement à la surface de la terre, tandis que les pierres précieuses sont cachées dans les profondeurs. Ce dont nous avons besoin pour le salut est facile d’accès, ce ne sont que les connaissances avancées et non nécessaires pour le salut qui sont obscures et difficiles d’accès.
  • Nous ne disons pas non plus que les choses nécessaires au salut sont toujours affirmées clairement à chaque fois. Mais nous affirmons qu’il existe toujours des passages plus clairs expliquant les passages plus complexes. Ainsi que le dit Augustin : Les passages plus clairs retirent notre faim, et les passages plus complexes notre mépris.
  • De même, la clarté dont nous parlons n’exclut pas les moyens de compréhensions ordinaires : notre attention, le discours du pasteur, les commentaires, etc. Ces choses-là ne sont pas seulement utiles, mais aussi nécessaires de façon ordinaires. Ce qui est nié, c’est qu’elles soient obscures au point où il n’y ait aucun autre recours que la Tradition romaine.

La question revient donc à ceci: les Écritures sont-elles à ce point clairs sur les choses essentielles au salut (non quant aux choses, mais quant au mode ; non quant au sujet, mais quant à l’objet) qu’il n’y a point besoin de l’aide extérieure de la Tradition ou le jugement infaillible de l’Église? Peuvent-elles être lues et comprises avec profit par l’Église ? Les papistes le nient. Nous l’affirmons. – Ibid., 2.17.7

Argumentation (§§ 8-12)

Turretin le prouve par des citations directes de l’Écriture : Les commandements de l’Éternel sont purs, ils éclairent les yeux (Psaumes 19,9) ; Ta parole est une lampe à mes pieds, et une lumière sur mon sentier (Psaume 119,105) ; une lampe qui brille dans un lieu obscur (2 Pierre 1,19) ; Car le précepte est une lampe, et l’enseignement une lumière (Proverbes 6,23).

Objection de Bellarmin n°1 : On parle ici de la Loi, et non de l’Écriture toute entière.
→ Le mot Loi est souvent utilisé pour désigner l’Écriture toute entière. D’autres auteurs catholiques comme Nicolas de Lyre et Benito Arias Montano l’affirment aussi.

Objection de Bellarmin n°2 : Oui ! mais en fait les Écritures sont claires dans le sens où elles illuminent l’intellect, non pas qu’elles sont facilement compréhensibles.
Si l’intellect est illuminé, il voit clairement.

Ce commandement que je te prescris aujourd’hui n’est certainement point au-dessus de tes forces et hors de ta portée. Deutéronome 30,11 montre que la Loi — comprise comme toute l’Écriture — est non seulement applicable, mais aussi compréhensible.

Si notre Évangile est encore voilé, il est voilé pour ceux qui périssent, 2 Corinthiens 4,3. L’Évangile n’est obscur que pour les non-croyants, il est donc clair pour les croyants.

Autres arguments :

  1. Les Écritures sont claires à cause de leur cause efficiente (Dieu, le Père de tous est capable et désire se faire comprendre de tous).
  2. Leur but : servir de règle et loi à tous les croyants implique qu’elles soient compréhensibles.
  3. Leur matière : la Loi et l’Évangile sont faciles à comprendre.
  4. Leur forme : elles ont la forme d’un traité d’alliance, qui est nécessairement clair pour pouvoir être normatif.

Il cite aussi plusieurs pères de l’Église:

  • Jean Chrysostome : Les Écritures sont si bien proportionnées que même le plus ignorant peut les comprendre s’il les étudie avec application3 ; Toutes choses nécessaires sont transparentes, droites et claires4.
  • Augustin : Dans les claires déclarations de l’Écriture nous trouvons toutes choses nécessaires à la foi et la pratique5.
  • Irénée de Lyon : Les Écritures prophétiques et évangéliques sont claires et sans ambiguïtés6.
  • Grégoire le Grand : Les Écritures servent en public la nourriture pour les enfants, et en privé frappe de stupeur les esprits les plus cultivés ; en effet, elles sont comme une rivière large et profonde où l’agneau peut marcher et l’éléphant peut nager7.
  1. Le texte original parle de “perspicuité”, mais je préfère suivre l’usage moderne du mot[]
  2. Turretin écrit : l’obscurité des sujets ou personnes[]
  3. Concio VII de Lazaro 3.[]
  4. Dans la Seconde au Thessaloniciens.[]
  5. CI 2.9.[]
  6. Contre les hérésies 2,27.[]
  7. Préface de la Morale du livre de Job.[]

Étienne Omnès

Mari, père, appartient à Christ. Les marques de mon salut sont ma confession de foi et les sacrements que je reçois.

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