Des synodes – Disciplines des Églises réformées de France
17 janvier 2022

Nous avons déjà présenté le concept de cette série dans un précédent article: vulgariser le contenu des lois canoniques des Églises Réformées huguenotes, que l’on appelle la Discipline. En effet, à Privas en 1612, les pasteurs des Églises réformées de France ont juré de vivre et mourir fidèles non seulement à la confession de foi, mais aussi à ces lois. Outre l’intérêt historique, elles sont aussi un exemple de comment on peut bâtir une Église de dimension nationale fidèle à l’Evangile, et témoignent de la doctrine de l’Église réformée. Cette semaine, nous abordons les lois autour des synodes, l’organe principal de gouvernance de l’Église.

Rappel: les consistoires sont les conseils d’anciens des assemblées locales. Les colloques sont des assemblées de consistoires, qui regroupent les Églises d’une agglomération, comme Grenoble par exemple : entre trois et une douzaine d’Églises. Au-dessus de cela, il y a les synodes provinciaux qui sont les assemblées à l’échelle d’une région, comme Auvergne-Rhône-Alpes, et enfin, les synodes nationaux qui sont l’échelon suprême.


De l’union de l’Église

Le chapitre VI de la Discipline – dont le texte a déjà été publié sur ce site – fonde les grands principes de la collaboration des Églises locales en vue de former une Église une, unie et universelle en France. Contrairement au catholicisme romain, le catholicisme réformé respecte la stricte égalité des Églises :

Nulle Église ne pourra prétendre primauté ni dominations sur l’autre, ni une Province sur une autre

VI,1.

Par conséquent, cela signifie que l’on cherche à avoir les mêmes lois et règlements d’une Église à l’autre, et à s’informer les uns les autres de tout ce qui se passe d’important, soit en se rencontrant dans les synodes, soit au moins par lettres. L’union n’est pas facultative : l’article 3 interdit de quitter l’Église locale ou l’union d’Églises sous la persécution. Le synode de Montpellier (1598) rappelle même qu’il ne s’agit pas seulement d’espérer une telle union, il faut la désirer et y travailler. Voilà pourquoi il est requis d’organiser régulièrement des synodes.

Je clos cette section sur le serment d’union des Églises réformées de France, fait à Privas en 1612 :

Nous, soussignés, Députés des Églises réformées de France, assemblée en synode dans la ville de Privas en Vivarais, reconnaissant par l’expérience du passé, qu’il n’y a rien de si nécessaire à l’entretien du bien, de la paix et de l’établissement desdites Églises, qu’une sainte union et une concorde, tant dans la Doctrine que dans la Discipline et dans les dépendances, et que lesdites Églises ne peuvent nullement subsister sans une bonne et étroite union et sous une conjonction mutuelle, mieux gardée qu’elle n’a été par le passé ; pour cette raison, désirant éteindre à l’avenir toute semence de division et tout sujet de partialité entre les Églises, et prévenir toutes impostures, menées, calomnies, et pratiques par lesquelles plusieurs mal-affectionnés à notre religion tâchent de la dissiper et de la ruiner, ce qui nous donne sujet plus que jamais de rechercher d’un commun accord, les moyens de notre juste, nécessaire et légitime conservation en ladite union, sous l’obéissance de notre souverain Roi, et la Reine régente sa mère. Nous avons, au nom de toutes les Églises, pour leur bien et le service de leurs majestés, juré et protesté, jurons et protestons, promettant de faire ratifier les mêmes protestations dans nos provinces, de demeurer inséparablement unis et conjoins en la Confession de Foi des Églises Réformées du Royaume, lue dans cette Compagnie, approuvée et ratifiée de nous tous ; jurant tant en notre nom qu’au nom de toutes les provinces qui nous ont députés en cette assemblée, vouloir vivre et mourir en cette confession. Comme aussi nous protestons, qu’aux même noms de garder la Discipline Ecclésiastique, établies dans les Églises du Royaume et de suivre l’ordre qui y est porté, tant pour la conduite desdites Églises, que pour la correction des moeurs, reconnaissant qu’elle est conforme à la Parole de Dieu, l’Empire duquel demeurant en son entier ; Nous protestons et jurons de rendre obéissance et fidélité à leurs susdites Majestés, ne désirant que servir notre Dieu en liberté de conscience, sous la faveur de leurs édits.

Des Colloques

Un colloque est une unité géographique de plusieurs Églises locales, qui se réunit deux à quatre fois par an. Il doit être constitué au moins de trois pasteurs. Un colloque sert à gérer la discipline et les affaires communes de l’Église.

Chaque réunion de colloque commence par des propositions, c’est-à-dire des exposés de théologie que chaque pasteur fait devant ses collègues. Contrairement aux prédications, la méthode scolastique est privilégiée dans ce cadre. À la fin du colloque ont lieu des censures fraternelles, où chacun “vide son sac” entre collègues pour que les critiques 1. soient faites et 2. restent dans un contexte confidentiel, afin de préserver la solidarité à l’extérieur. Cet usage, démarré au XVIIe siècle, est toujours en vigueur dans les Églises réformées évangéliques de France.

Les colloques sont soumis aux synodes provinciaux, comme les consistoires aux colloques. Ce qui nous amène à parler des synodes, soit les réunions de députés de toutes Églises pour gérer les affaires au niveau provincial ou national.

Des Synodes nationaux

Les synodes nationaux sont à convoquer chaque année, dans une province différente à chaque fois. À la fin du XVIe siècle, la périodicité est portée à trois ans, mais au XVIIIe siècle, sous la persécution, ce sera “quand on pourra”.

Chaque province envoie quatre députés : deux anciens et deux pasteurs. Seuls les députés peuvent assister au synode: au début du XVIIe siècle, le trop grand nombre d’observateurs gênait la tenue des débats. Les députés au synode national sont payés par les synodes provinciaux, et de manière générale, c’est à l’échelon inférieur de payer les déplacements vers le synode supérieur. Les synodes de Tonnens (1614) et de Charenton (1631) doivent faire un rappel à ce sujet. Il y avait parfois des retenues sur le salaire du pasteur.

Au début du synode national, on lira les articles de la confession de foi et de la discipline ecclésiastique. Pour ne pas encombrer les synodes nationaux de questions déjà résolues, les synodes provinciaux doivent d’abord relire les actes des synodes nationaux passés, pour voir si la question a déjà été posée. Les jugements du synode national sont définitifs.

Pour les procédures d’appel au sujet d’une procédure disciplinaire, ceux qui font appel devant le synode national doivent se présenter en personne, ou au moins y présenter un gros mémoire avec raison valable de l’absence. Sans cela, la sentence du synode provincial est juste ratifiée. Cela s’applique aux échelons inférieurs. En lisant les décisions particulières, on apprend notamment que :

  • ceux qui faisaient appel avaient tendance à presser leurs cas particuliers dès l’ouverture du synode, et d’autant plus que chaque jour passé leur coûtait de l’argent. Par conséquent, les appels étaient traités à partir du septième jour du synode, pour ne pas télescoper tout le monde ;
  • le nombre des députés des parties prenantes était limité à deux par partie ;
  • De même, certains fatiguaient la Compagnie avec la lecture d’actes donné par un juge séculier. Cette pratique est interdite, pour ne pas transformer l’appel au synode en chicanerie judiciaire.

Les députés doivent amener avec eux les résolutions des synodes provinciaux, et remporter ensuite les décisions du synode national jusqu’aux colloques. Les archives nationales contenant confession de foi, discipline, et registres des synodes nationaux sont confiées à la province qui accueillera le prochain synode national. Cette organisation décentralisée n’est pas parfaite (certains synodes se plaindront de la perte de documents) mais elle témoigne que l’on peut administrer une Église sans commission centrale, dont l’expérience a montré qu’elles sont souvent des nids de libéraux.

Avant que le synode ne se disperse, on procède à une censure fraternelle comparable à ce qui se fait pour les colloques (chapitre VII, article 6) pour vider le sac une bonne fois. Ensuite, Sainte-Cène pour manifester l’union de tous, avec l’Église locale qui a accueilli le synode.

Étienne Omnès

Mari, père, appartient à Christ. Les marques de mon salut sont ma confession de foi et les sacrements que je reçois.

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Les promesses de mariage se feront devant témoin (parents, amis, voisins), en invoquant le nom de Dieu. Les promesses satisfaisant les conditions d’âge, de compétence et de publicité sont indissolubles. La présence des pasteurs est facultative, ce qui est cohérent avec le fait que le mariage n’est pas un sacrement chez les réformés.

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