Le Saint Esprit procède-t-il du Père et du Fils ? Nous l’affirmons.

Turretin va défendre ici le filioque que les protestants orthodoxes ont conservé, en conformité avec la tradition occidentale. Mais qu’est-ce que cette histoire ?

La procession désigne la relation qu’il y a entre le Saint-Esprit et les autres personnes de la Trinité. Historiquement, les grecs défendaient que le Saint-Esprit venait du Père seul, et les latins du Père et du Fils. Le sujet est assez technique et fut disputé avec énormément de vigueur, surtout du côté des Grecs. Voici ce qu’en dit Turretin :

Que cette procession diffère de la génération du Fils ne peut pas être nié car ce sont des personnes qui ont une origine différente. Mais nous ne pouvons pas expliquer la nature de cette distinction. Ainsi Jean Damascène disait: “Nous avons appris qu’il y a une différence entre la génération et la procession, mais nous ne comprenons absolument pas la nature de cette distinction¹» et Augustin : “Il y a une différence entre la génération et la procession, mais je ne sais pas les distinguer, car les deux sont ineffables²». Je sais que les scolastiques souhaitaient décrire cette différence à partir d’une opération de l’intellect, d’où le nom de Sagesse de Dieu pour le Fils, et d’une opération de la volonté pour l’Esprit, d’où son nom d’Amour et de Charité. Mais cela n’est pas soutenu par l’Écriture, et elle obscurcit plutôt qu’elle n’éclaire.

François Turretin, Instituts de Théologie Elenctique, 3.31.3.

Il propose trois différences entre la génération du Fils et la procession du Saint-Esprit :

1. Quant au principe : le Fils émane du Père seul ; le Saint-Esprit émane du Père et du Fils.
2. Quant au mode : la génération du Fils communique la personnalité, mais aussi la similitude puisqu’il est la parfaite image du Père (Hébreux 1,3) et qu’il peut faire émaner une troisième personne. La procession du Saint-Esprit ne permet pas de faire émaner une quatrième personne.
3. Quant à l’ordre : la génération fait émaner la deuxième personne de la Trinité ; la spiration fait émaner la troisième.

Pour ce qui concerne la querelle historique, Turretin regrette qu’elle ait été occasion de schisme. Mais il maintient que l’opinion latine où le Saint-Esprit émane du Père et du Fils est plus juste :

1. Le Saint-Esprit est envoyé à la fois par le Père et le Fils. Jean 16,7 : Cependant je vous dis la vérité: il vous est avantageux que je m’en aille, car si je ne m’en vais pas, le consolateur ne viendra pas vers vous; mais, si je m’en vais, je vous l’enverrai.
2. Le Saint-Esprit est aussi appelé Esprit du Fils. Galates 4,6 : Et parce que vous êtes fils, Dieu a envoyé dans nos cœurs l’Esprit de son Fils, lequel crie : Abba ! Père !
3. Ce que l’Esprit possède, il l’obtient du Père tout autant que le Fils. Jean 16,13-15 : Quand le consolateur sera venu, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans toute la vérité ; car il ne parlera pas de lui-même, mais il dira tout ce qu’il aura entendu, et il vous annoncera les choses à venir. Il me glorifiera, parce qu’il prendra de ce qui est à moi, et vous l’annoncera. Tout ce que le Père a est à moi; c’est pourquoi j’ai dit qu’il prend de ce qui est à moi, et qu’il vous l’annoncera.
4. Jésus a soufflé sur ses disciples pour qu’ils obtiennent l’Esprit saint. Jean 20,22 : Après ces paroles, il souffla sur eux, et leur dit : Recevez le Saint-Esprit.

1. La Foi orthodoxe, 1.8.[↩]
2. Augustin, Contre Maximin, 2.14.[↩]