Apprendre à raisonner (66) : Vérifier la validité d’un syllogisme avec Barbara Celarent
8 avril 2025

Cet article est le soixante-sixièmed’une série consacrée à la logique classique (ou aristotélicienne, c’est-à-dire développée par Aristote). Dans le soixantecinquième, j’ai expliqué comment vérifier la validité d’un syllogisme avec six règles d’Aristote. Dans cet article, je présenterai une autre méthode de vérification basée sur le moyen mnémotechnique « Barbara Celarent ». Comme d’habitude, je reprendrai énormément le contenu du livre de Peter Kreeft, Socratic Logic, pp. 257-258.


Kreeft mentionne cette méthode dans son livre comme une simple curiosité historique. C’est parce qu’elle est beaucoup moins pratique et plus lente à utiliser que les autres. Mais elle occupe une place importante dans l’histoire de la philosophie. Au Moyen-Âge et dans l’Antiquité, il était courant de la connaître et de l’utiliser. Elle utilise deux concepts : les modes et les figures.

A. Les modes

Le mode d’un syllogisme est une série de trois lettres qui décrit la qualité (affirmatif ou négatif) et la quantité (universel ou particulier) de ses trois propositions (de ses deux prémisses et sa conclusion). Nous avons vu dans un article précédent qu’il existe en tout quatre différentes combinaisons possibles de qualité et de quantité. Ce sont les quatre types de propositions catégoriques : A (universel affirmatif), E (universel négatif), I (particulier affirmatif) ou O (particulier négatif). Le mode est donc plus précisément une série de trois lettres où les lettres possibles sont A, E, I ou O.

Par exemple, notre syllogisme qui nous sert d’exemple éternel (« Tous les hommes sont mortels (de type A). Socrate est un homme (de type A). Donc Socrate est mortel (de type A). ») a pour mode AAA. Celui-ci « Aucun dinosaure n’est vivant (de type E). Certains dinosaures sont plus grands que les éléphants (de type I). Donc certaines choses plus grandes que les éléphants ne sont pas vivants (de type O). » a pour mode EIO.

Remarque importante : Dans la série des trois propositions, on est obligé par convention de placer les propositions dans l’ordre suivant : majeure-mineure-conclusion.

B. Les figures

La figure d’un syllogisme est un schéma avec des lettres (trois sont possibles : M pour le moyen terme, P pour prédicat et S pour sujet) qui indique la place occupée par le moyen terme dans les prémisses.

Il y a quatre possibilités et donc seulement quatre figures possibles :

  1. Première figure : Le moyen terme est le sujet de la majeure et le prédicat de la mineure
    M – P
    S – M
  2. Deuxième figure : Le moyen terme est le prédicat des deux prémisses.
    P – M
    S – M
  3. Troisième figure : Le moyen terme est le sujet des deux prémisses.
    M – P
    M – S
  4. Quatrième figure : Le moyen terme est le prédicat de la majeure et le sujet de la mineure.
    P – M
    M – S

La méthode « Barbara Celarent »

Nous entrons dans la méthode à proprement parler. La méthode « Barbara Celarent » est un moyen mnémotechnique (une méthode de mémorisation) pour retenir par cœur tous les modes valides de chaque figure. Elle représente chaque mode valide par un nom lui-même associé à une suite de ses voyelles. Comme il y a quatre figures possibles, il y a quatre lignes (la première pour la première figure, la deuxième pour la seconde, et ainsi de suite) :

  1. Barbara, Celarent, Darii, Ferio (AAA, EAE, AII, EIO)
  2. Camestres, Cesare, Baroko, Festino (AEE, EAE, AOO, EIO)
  3. Darapti, Disamis, Datisi, Felapton, Bokardo, Ferison (AAI, IAI, All, EAO, OAO, EIO)
  4. Bramantip, Camenes, Dimaris, Fesapo, Fresison (AAI, AEE, IAI, EAO, EIO)

Par exemple, si l’on prend Barbara, on a trois voyelles AAA, ce qui permet de rappeler qu’un syllogisme de type première figure avec un mode AAA est valide.

Les noms utilisés sont bien sûr en latin car au Moyen-Âge, époque où tout le monde les utilisait, la langue universitaire était le latin (l’équivalent de l’anglais d’aujourd’hui si l’on veut dans la recherche internationale).

Personnellement, je ne la trouve pas aussi inutile que Kreeft, même si elle est certes fastidieuse et un peu « brute force », elle a au moins le mérite d’être très claire et sans ambiguïté.

Pour une étude plus complète de la méthode Barbara Celarent, lire le livre de Maritain : Jacques Maritain, Éléments de philosophie (t. 2. L’ordre des concepts. 1.- Petite logique. 2.- Grande logique), Paris : Pierre Téqui, 1987, pp. 258-279 et Henri Collin, Manuel de philosophie thomiste (t. 1. Logique formelle – Ontologie – Esthétique), Paris : éd. Pierre Téqui, 1932, pp. 52-59.


Illustration : Charles Laplante, Éducation d’Alexandre par Aristote, gravure, 1866.

Laurent Dv

Informaticien, époux et passionné par la théologie biblique (pour la beauté de l'histoire de la Bible), la philosophie analytique (pour son style rigoureux) et la philosophie thomiste (ou classique, plus généralement) pour ses riches apports en apologétique (théisme, Trinité, Incarnation...) et pour la vie de tous les jours (famille, travail, sexualité, politique...).

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