La Vulgate est-elle authentique? Contre les papistes nous le nions.
Situation (§§1-2)
Même si apparemment il y a eu un « développement doctrinal », il fut un temps où les catholiques enseignaient et défendaient que la Vulgate -l’ancienne traduction de la Bible en Latin faite par St Jérôme au Ve siècle- était authentique. Cela voulait dire qu’elle était de même autorité que le texte hébreu et grec. En effet le concile de Trente déclare:
Quiconque ne recoit pas comme sacrés et canoniques ces livres entiers dans toutes leurs parties, tel qu’ils ont été lus habituellement dans l’Église Catholique, et qui sont contenus dans l’édition de l’ancienne Vulgate, qu’il soit anathème.[…]
Canons du Concile de Trente, Session 4 décret 1
En plus, ce même synode considère qu’il ne serait pas un petit avantage pour l’Église que les éditions latines soient considérées comme authentique ; il détermine et déclare que cette édition ancienne et Vulgate elle-même, qui a été utilisée depuis si longtemps dans l’Église, doit être considérée comme authentique pour la lecture publique des Écritures, dans les disputes, les prédications, et l’exposition, et que nul ne doit oser la rejeter sous un quelconque prétexte.
Turretin ne rejette pas l’utilité ou l’ancienneté de la Vulgate: il rejette le fait qu’elle soit mise à la même hauteur que les textes hébreux et grecs. Et d’ailleurs, l’attitude des théologiens catholiques de cette époque était plutôt mitigée:
- Certains théologiens catholiques défendaient que ce décret ne s’applique que pour les traductions latines: en latin vous comparez votre nouvelle traduction à la Vulgate, mais en vernaculaire, on compare avec l’hébreu et le grec. C’est l’opinion de Bellarmin, Nikolaus Serarius, Alfonso Salmeron, Juan de Marianà. Ils pensent que la Vulgate peut être améliorée si on la compare avec le grec et l’hébreu.
- D’autres disent que la Vulgate est absolument authentique, et qu’il faudrait même corriger les textes originaux suivant la Vulgate si jamais ils diffèrent: Melchior Cano, Grégoire de Valence, Jakob Gretser, Francisco Suarez.
Cependant, si on regarde bien les mots du traité, il est bien dit qu’il ne faut pas rejeter le texte sous aucun prétexte pas même sous le prétexte du texte hébraïque. Il faut donc conclure dans le sens d’une authenticité absolue. C’est ainsi que le Cardinal Jimenez déclare: [Dieu] a placé le Latin entre l’Hébreu et le Grec comme les deux voleurs de chaque côté, mais Jésus au milieu – c’est à dire l’Église Romaine et Grecque.
Argumentation (§§3-9)
- Quel que soit l’auteur, c’est selon son talent humain propre, et non par inspiration qu’il l’a écrite.
- Elle ne peut pas avoir été authentique, ni avant, ni après le concile de Trente.
- Pas avant: parce que c’est le consensus des théologiens catholiques, qui signalent les nombreuses erreurs dans la traduction. Turretin cite facilement 9 noms. Il cite Sixte de Sienne (catholique): Nous sommes libres de reconnaître que nous avons corrigé beaucoup d’erreurs faites par Jérôme dans l’ancienne traduction, et ainsi notre nouvelle édition a découvert quelques défauts, solécismes, barbarismes et beaucoup de traduction incorrecte et fausses grammaticalement ; des interprétations obscures et ambiguës ; certaines choses ajoutées et d’autre enlevées ; certaines transposées et d’autres corrompues par la faute d’auteurs, comme l’ont remarqué Cajetan, Pagnino, Oleaster, Vatable. Le pape Léon X a autorisé Santes Pagnino a entreprendre une édition corrigée de la Vulgate, ce qui n’aurait pas de sens si elle avait été considérée comme authentique.
- Pas après Trente, parce qu’un concile peut reconnaître l’authenticité d’un livre, mais non la créer. Il ne peut pas créer l’authenticité de la vulgate pas plus qu’il ne peut rendre canonique les évangiles apocryphes.
- Elle varie des autres textes sources (hébreux et grecs) en de nombreux endroits ce qui est plutôt gênant si vraiment elle authentique à égalité avec eux.
- Beaucoup de papistes anciens (Erasme, Lorenzo Valla, Pagnino, Cajetan, Oleastre, Forerius, Sixte de Sienne) admettent qu’elle est pleine d’erreurs, comme on l’a vu. Et même chez les catholiques contemporains à Turretin, on en trouve qui l’admettent: Salmeron, Bonfrère, Serrarius, Masius, Muis.
- Il cite beaucoup de ces erreurs et variantes inexplicables. Je passe le détail.
- Peu importe l’auteur, ces erreurs empêchent d’être authentique.
- Le décret du Concile de Trente canonise une édition de la Vulgate qui n’est parue que 46 ans plus tard (la Vulgate de Sixte V). Comment un concile pourrait reconnaître pour authentique une édition qui n’existe pas encore?
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