Qui dit Évangile dit chrétienté
26 novembre 2020

Dans un premier article : « Comment gérer une « gueule de bois » post-électorale ou quand mieux vaut perdre un vote que son âme » Pep’s café avait critiqué le vote évangélique américain pour Trump, selon un angle théologique. J’avais répondu dans le même angle dans mon propre article : « Une défense du vote des chrétiens déplorables ». Et Pep’s m’a fait la grâce de répondre à ce dernier article dans son dernier article : « Doit-on espérer en un défenseur de la chrétienté pour des questions de survie ? »  Je réponds à cette réponse ici même.


Nous arrivons à un stade intéressant du débat : dans ma première réponse, je disais que les évangéliques ne votaient pas tellement par amour pour Trump, mais pour défendre la chrétienté, c’est-à-dire : un ordre social et politique chrétien. C’est autour de ce concept que tout se joue : si vous adhérez à l’idée que la chrétienté doit être actualisée dans le monde, alors vous serez porté à soutenir des politiques qui veulent en actualiser certains éléments, et à fuir ceux qui veulent les détruire. Si vous adhérez à l’idée que la chrétienté est un objet indésirable, alors le résultat est tout à fait différent.

Deux arguments m’ont semblé particulièrement pertinents dans la réponse de Pep’s.

La chrétienté est-elle nécessaire au christianisme ?

 J’avais mentionné l’exemple du Bruderhof : une communauté anabaptiste allemande qui pratiquait une sorte de témoignage vivant et joyeux dans l’Allemagne des années 30… jusqu’à ce que 400 policiers nazis la dissolussent et l’envoyassent en exil. J’avais alors affirmé que le « témoignage » de l’Église n’était possible que dans un état de chrétienté.

À ceci Pep’s répond :

Sauf qu’il était, à la base, impossible qu’un peuple sans armes, refusant la soumission à l’empereur tout-puissant de l’époque, ait pu diffuser en l’espace de 150 ans une proposition de foi complexe et exigeante. Et pourtant, cette foi s’est répandue dans tout le monde connu de l’époque, sans coercition aucune !

Rappelons-le : la violence des missions guerrières, « des croisades », de l’inquisition, des guerres de religion et autres chasses aux sorcières, est un phénomène tardif dans le Christianisme, qui n’arrive qu’après la « conversion compromission » de Constantin (lequel n’a jamais compris qui était le Christ et ce qu’était le Christianisme),  quand l’Eglise s’unit à l’empire et donc à « César », au travers d’un empereur voulant gagner des batailles en peignant sur les boucliers de ses soldats le signe de la croix. Alors, certes, l’édit de milan (313 Ap JC) met fin aux persécutions des chrétiens, mais la « chrétienté », issue de cette alliance entre l’Eglise et César, est une horreur violente, tandis que la foi chrétienne première est un enthousiasme (et non euphorie) non violent. Le christianisme ne connaissait d’autre bouclier que celui de la foi et d’autre épée que celle de l’esprit pour régler ses conflits internes et externes. Au final, la trajectoire spirituelle offerte par le Christ est devenue le culte le plus étendu qui soit. Si les historiens, ethnologues et sociologues se demandent encore comment une telle entreprise a pu fonctionner, le croyant en Jésus-Christ est censé savoir que cette Parole, cette Bonne Nouvelle, s’est surtout répandue – pour arriver jusqu’à nous, au XXIe siècle – non pas grâce à la puissance et à la faveur de César, mais du fait d’une puissance d’en haut et de la faveur de Dieu. Les chrétiens et l’Eglise devraient être de ceux qui rappellent sans cesse, à la suite du Christ, que « César n’est pas Dieu » et que « Jésus seul est Seigneur » cf Luc 20v25 (7).

(C’est l’auteur qui souligne.)

Il y a ici quelques erreurs historiques à mon sens :

Tout d’abord, les chrétiens antiques, avant Constantin, attendaient tout de même de l’Empereur sa protection et son approbation. Leurs traités apologétiques étaient des tentatives de prouver qu’ils n’étaient pas « contre-culturels », mais au contraire des citoyens ordinaires, dignes de la protection de leur souverain. Les apologies de Justin Martyr pourraient être résumées très brièvement ainsi : patapé, siouplé ! L’apologie de Tertullien cherche à prouver aux magistrats romains que les chrétiens sont des citoyens « normaux » dans l’Empire, et non une menace. Il n’y a pas trace dans les traités des premiers siècles d’une quelconque volonté d’être un « îlot culturel au milieu d’une culture étrangère ». Au contraire, il y avait le désir d’influencer la culture extérieure : des ouvrages comme le Traité des spectacles de Tertullien ou Contre les spectacles de Cyprien témoignent d’un désir de réforme sociétale déjà présent chez les premiers chrétiens, mais qu’ils sont incapable d’appliquer en dehors de l’Église à leur époque. Notez d’ailleurs que beaucoup d’ouvrages sur des sujets sociétaux nous sont parvenus des Pères anténicéens :

  • Tertullien a ainsi écrit De la Couronne du soldat (une décoration militaire avec des relents païens), De l’Ornement des femmes, Du Voile des vierges. Cyprien de Carthage aborde lui aussi la question du voile des femmes et des spectacles, dans la lignée de son maître Tertullien ;
  • Méthode d’Olympe a écrit Le Banquet des dix vierges comme une sorte de version chrétienne du Banquet de Platon, aussi pénible à lire que les films « chrétiens » sont pénibles à voir. En tout cas, il témoigne de la volonté déjà présente de bâtir une « version chrétienne » de sa culture environnante ;
  • Clément d’Alexandrie, dans le deuxième livre du Pédagogue, explique comment la vie chrétienne et évangélique se manifeste jusqu’au choix des chaussures et des vases dans la maison ! L’affirmation « un bon chrétien ne doit pas fumer » n’est pas étrangère à l’esprit des chrétiens antiques ;
  • Hippolyte de Rome, dans La Réfutation de toutes les hérésies, dégomme les pratiques magiques de Rome avec la même hargne que ceux qui attaquent les médecines douces et les arts martiaux aujourd’hui ;
  • dans les Constitutions apostoliques (un règlement d’Église du IIIe siècle) on retrouve des articles qui interdisent aux hommes de lire de la littérature non-chrétienne, et aux femmes d’aller se baigner en même temps et au même endroit que les hommes et les « hermaphrodites » (!).

Et tous ces exemples datent d’avant Constantin ! Constantin n’a pas créé le « christianisme culturel » : il lui a juste permis d’exister. Le vrai changement dans la conversion de l’Empire romain, ce n’est pas la subversion du christianisme, mais le déploiement d’un programme culturel qui était en germe depuis le commencement.

Grâce à la chrétienté constantinienne, l’Église a pu :

  • Fonder des hôpitaux et des réseaux de charité beaucoup plus efficaces ;
  • Avoir les moyens de son unité, par l’organisation paisible des conciles ;
  • Écrire et transmettre des ouvrages religieux (dont la Bible), sans qu’ils fussent brûlés par les autorités ;
  • Préparer des missionnaires pour les envoyer partout dans l’Empire, voire au-delà : les Russes et les autres Slaves se sont convertis grâce à des missionnaires soutenus par l’Empire ;
  • Abolir les combats de gladiateurs et pacifier la société ;
  • Freiner grandement l’infanticide et l’avortement.

Bref, celui qui a gagné dans la chrétienté constantinienne, c’est l’Évangile.

Et la corruption, les querelles de pouvoir, les intrigues, les fausses doctrines, le refroidissement de la foi, les syncrétismes païens ne datent-ils pas de Constantin ? Pas du tout :

  • Les Constitutions apostoliques contiennent des lois très sévères au sujet du détournement d’argent par les évêques, ce qui prouve que la corruption existait dans l’Église avant Constantin.
  • On notera aussi dans les lettres de Cyprien la condamnation d’un diacre qui avait couché avec une célibataire consacrée, ce qui tue dans l’œuf l’idée d’une quelconque pureté sexuelle dans l’Église primitive.
  • Les querelles de pouvoir existent aussi dans le cadre de l’élection de Callixte à la charge d’évêque de Rome. Son adversaire déçu — Hyppolite de Rome — attaque violemment Callixte, lui reprochant d’être « un ambitieux, un cupide, un taré » et mentionne diverses autres magouilles auxquelles Callixte se serait livré dans son passé. S’ils avaient eu Twitter, on aurait eu des clashs mémorables. Bref, les noms d’oiseaux existaient aussi dans l’Église ancienne. On mentionnera aussi la querelle entre Cyprien de Carthage et Étienne de Rome, qui portait sur des questions de limites très concrètes de juridiction ecclésiale.
  • Concernant les intrigues, la vie d’Origène est un bon exemple. Origène était le principal dirigeant de l’école catéchétique d’Alexandrie, la première « faculté de théologie » chrétienne. Seulement voilà, il avait été ordonné par des évêques de Palestine et non d’Alexandrie. Mû par la jalousie et l’arrogance — et une petite dose de zèle pour l’orthodoxie afin de masquer les deux premiers ressorts — le supérieur hiérarchique d’Origène, l’évêque Démétrius d’Alexandrie, le fit excommunier de l’Église d’Alexandrie. Origène, certes hasardeux dans ses spéculations mais rempli d’un indéniable esprit évangélique, fut renvoyé de sa propre Église par son pasteur jaloux.
  • Concernant les fausses doctrines, il y en avait déjà du temps de l’apôtre Paul, ça ne s’est pas amélioré depuis.
  • Concernant le refroidissement de la foi, Eusèbe de Césarée en parle explicitement dans son Histoire ecclésiastique : il estime que la grande persécution de Dioclétien est une punition pour un refroidissement semblable. Plus tôt encore, au IIIe siècle, c’est aussi ce que les montanistes reprochaient au reste de l’Église.
  • Concernant le syncrétisme païen, Tertullien raconte dans son traité De l’Idolâtrie qu’à son époque il y avait de « bons chrétiens » qui continuaient leur métier de fabricants et de vendeurs d’idoles païennes. Plus de cent ans avant Constantin.

Constantin n’a rien fait advenir de nouveau à l’Église, il a juste donné de l’ampleur a ce qui était déjà en elle : grâce à lui, l’Église a pu davantage vivre et propager l’Évangile, et elle a aussi vécu plus intensément ses propres défauts. Ainsi donc les fautes de la « chrétienté » sont en fait celles de l’Église, qui n’a pas besoin de la chrétienté pour être corrompue.

Bref, quand on connaît l’état réel de l’Église des premiers siècles, on ne peut s’empêcher de sourire en lisant : « Le christianisme ne connaissait pas d’autre bouclier que celui de la foi et d’autre épée que celle de l’Esprit pour régler ses conflits internes et externes ». Quarante ans avant le règne de Constantin, l’Église d’Antioche demandait à l’empereur (païen) Aurélien de punir l’hérésiarque Paul de Samosate soutenu par la reine Zénobie. C’est joli, l’épée de l’Esprit, mais celle du magistrat, c’est quand même plus efficace.

Reste à commenter brièvement les croisades et l’Inquisition. Il est à noter d’abord que ce n’est ni Constantin, ni les empereurs romains qui ont organisé l’inquisition : jamais un empereur romain n’aurait pu accepter une telle vassalisation de son pouvoir judiciaire. Ce sont des épisodes de la « deuxième chrétienté », celle où l’Église se prenait pour « l’État de Dieu » sur terre : défaut qui s’est corrigé assez rapidement après la Réforme, sauf chez les puritains.

Ensuite, il est à noter que les croisades et l’Inquisition espagnole ne furent pas seulement une aberration pour le christianisme : ils furent aussi une aberration pour la chrétienté. Les croisades eurent lieu à une époque où les consciences étaient chauffées à blanc par une certaine eschatologie. À peine deux cent ans plus tard, cette fièvre tombée, le pape n’arrivait plus à obtenir d’armée pour reconquérir la Terre sainte. En fin de compte, sur mille six cent ans de chrétienté, il y eut deux cent ans de croisades. Quant à l’Inquisition espagnole, ce fut un organe de la couronne d’Espagne plutôt que de l’Église romaine : œuvre politique par des moyens religieux bien plus qu’œuvre religieuse par des moyens politiques. Et c’est par des chrétiens qu’elle fut abolie.

La seule autre période de l’histoire de la chrétienté où l’on a beaucoup utilisé le mot « croisade », ce fut lors des grands mouvements missionnaires du dix-neuvième siècle. Ces derniers n’auraient d’ailleurs pas pu avoir lieu s’ils n’étaient pas enracinés dans des sociétés chrétiennes et des États de chrétienté. Bref, il y a là un mouvement malhonnête : des épisodes aberrants de la chrétienté sont traités comme s’ils étaient essentiels à celle-ci. Mais les mouvements missionnaires qui sont enracinés dans cette même chrétienté ne lui sont pas attribués. Les missionnaires qui ont évangélisé l’Europe au XIXe siècle n’étaient-ils donc pas soutenus par des rois chrétiens ? Vous voyez donc que la chrétienté a du bon.

Concluons ce traitement : non, la chrétienté n’est pas nécessaire au christianisme. Mais elle aide beaucoup, et a beaucoup aidé.

L’Évangile implique-t-il une contre-culture ?

Pep’s explicite après sa propre vision de la chrétienté (ou plutôt sa contre-vision) :

Dans « Etrangers dans la cité » de Stanley Hauerwas et William H. Willimon (Ed. du Cerf, 2016), deux pasteurs et théologiens méthodistes américains, il y est question de l’Eglise (celle de Jésus-Christ), laquelle est appelée par Son Seigneur à être visible d’une certaine façon, en étant ni « du monde » ou « hors du monde », mais bien « dans le monde ». En clair : l’Eglise ne doit plus avoir honte d’être l’Eglise, et les chrétiens doivent assumer le fait d’être « des exilés en terre étrangère »(9).

L’Eglise, quand elle est fidèle à Jésus-Christ » et au véritable Evangile, « s’oppose nécessairement au monde ».  Notre fidélité à Jésus-Christ [et non à un messie politique], Notre seul Seigneur, peut nous exposer à être marginalisés, voire persécutés dans certains pays, quand nous refusons les compromis, les mensonges, les injustices auxquels ces pouvoirs cherchent à nous entraîner.

[…] La disparition de ce régime a laissé désemparées plusieurs générations de chrétiens.  « Le monde nouveau et excitant, en attente d’être exploré » est celui qui s’ouvre aux chrétiens, libres désormais de proclamer l’Evangile et d’incarner une véritable contre-culture, missions impossibles si « la tâche sociale de l’Église est d’être l’un des nombreux auxiliaires dociles de l’État » (op.cit. p. 85), ou si l’Eglise reste « le supplément d’âme de la société marchande » (op. cit., p 27).

(C’est l’auteur qui souligne.)

Le souci, c’est que l’Évangile n’est pas le support d’une contre-culture : il est le socle d’une culture tout court. À côté de la culture humaine inspirée de l’Évangile — la chrétienté —, toutes les autres sont des contrefaçons. Je dois préciser ce point.

L’idée d’une contre-culture signifie a) qu’il reste et doit demeurer une culture dominante qui n’est pas chrétienne, et b) que le christianisme n’a pas vocation à être la culture principale d’une nation. Or, les deux sont faux :

L’Évangile ne s’adresse pas à des indivdus seulement : il s’adresse aussi à des nations, c’est-à-dire des groupes d’humains organisés politiquement. Comme par exemple : « Allez et faites des nations des disciples ». Pour ne pas se disperser, prenons Ésaïe 2:1-5 :

Prophétie d’Ésaïe, fils d’Amots, sur Juda et Jérusalem. Il arrivera, dans la suite des temps, que la montagne de la maison de l’Éternel sera fondée sur le sommet des montagnes, qu’elle s’élèvera par-dessus les collines, et que toutes les nations y afflueront. Les peuples s’y rendront en foule, et diront : Venez, et montons à la montagne de l’Éternel, à la maison du Dieu de Jacob, afin qu’il nous enseigne ses voies, et que nous marchions dans ses sentiers. Car de Sion sortira la loi, et de Jérusalem la parole de l’Éternel.

Il sera le juge des nations, l’arbitre d’un grand nombre de peuples. De leurs glaives ils forgeront des hoyaux, Et de leurs lances des serpes : Une nation ne tirera plus l’épée contre une autre, et l’on n’apprendra plus la guerre.

Maison de Jacob, Venez, et marchons à la lumière de l’Éternel !

Ésaïe 2:1-5

De cette prophétie, on tire les remarques suivantes :

  • Le verset 2 s’est réalisé lors de l’Ascension de Jésus-Christ (ce que confirme Actes 2:33-35)
  • Ce ne sont pas des individus qui se rendent à la montagne de l’Éternel, mais des groupes d’hommes organisés politiquement : les montagnes désignent souvent les royaumes humains, tout comme les collines. Ce ne sont pas des personnes qui viennent à la montagne de l’Éternel, mais des nations, des peuples c’est-à-dire avec un certain degré d’organisation.
  • L’Éternel est décrit comme le juge des nations, c’est-à-dire qu’il a une fonction politique suprême, et non contre-politique. Les conséquences de son règne sont aussi politiques et « de ce monde ».
  • L’actualité de cette prophétie est soulignée par la formule finale : dès maintenant, venez et marchons à la lumière de l’Éternel.

De même le psaume 2 attribue à Jésus un pouvoir qui est aussi politique et concret :

L’Éternel m’a dit : Tu es mon fils ! Je t’ai engendré aujourd’hui. 

Demande-moi et je te donnerai les nations pour héritage, les extrémités de la terre pour possession ; Tu les briseras avec une verge de fer, tu les briseras comme le vase d’un potier.

Et maintenant, rois, conduisez-vous avec sagesse ! Juges de la terre, recevez instruction ! Servez l’Éternel avec crainte, et réjouissez-vous avec tremblement. Baisez le fils, de peur qu’il ne s’irrite, et que vous ne périssiez dans votre voie, car sa colère est prompte à s’enflammer. Heureux tous ceux qui se confient en lui ! 

Psaume 2:7-12
  • Il s’agit bien du Fils (verset 7) qui est aussi l’Éternel (parallélisme « Servez l’Éternel/Baisez le Fils » des versets 11-12), donc de Jésus.
  • Il a un pouvoir politique concret et coercitif sur les nations de la Terre (verset 9).
  • Les dirigeants politiques ne sont pas libres de suivre leurs propres règles, mais doivent se soumettre (politiquement) à Dieu (verset 10).

Objection : Jésus a dit : « Mon royaume n’est pas de ce monde. »
Réponse : Il l’a dit dans un contexte où on l’accusait d’être un rebelle et de monter une rébellion contre l’Empire romain. On l’accusait de vouloir remplacer la royauté de César par la sienne propre, comme les Macchabées avant lui, ou Shimon bar Kochba après lui. À ceci Jésus répond que sa royauté n’est pas une royauté en plus dans le concert des nations : elle lui est supérieure, et elle n’exclut pas que Jésus soit l’empereur de l’empereur romain. C’est d’ailleurs ce que présente le psaume 2.

Objection : Jésus a dit : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. »
Réponse : Exactement, et c’est pour cela que César doit rendre obéissance à Dieu (Psaume 2:10-11). Il n’appartient pas à l’Église de diriger le monde vers Dieu, mais aux dirigeants du monde de se tourner vers Dieu. C’est un devoir qu’ils ont, et que leur rappelle l’Église (normalement).

On pourrait étendre très largement cette défense à beaucoup d’autres textes. Le seul verset « Il faut qu’il règne jusqu’à ce qu’il ait mis tous ses ennemis sous ses pieds, et le dernier ennemi qui sera vaincu est la Mort » (1 Corinthiens 15:25-26) est très parlant aussi.

Conclusion

J’ai montré que loin d’être une corruption tardive, l’idée de chrétienté était en réalité une partie de l’Évangile. J’ai aussi montré que a) l’Évangile n’amène pas une contre-culture, mais une vraie culture. L’Église n’est pas un contre-pouvoir, mais un organe du vrai pouvoir. Et b) ce ne sont pas des individus seulement qui se convertissent à Dieu, mais aussi des nations : voilà notre chrétienté.

Même dans cette phase de l’histoire, et surtout dans cette phase, nous pouvons et devons attendre l’arrivée d’une chrétienté. Après tout, le mandat missionnaire dit bien : « Allez et faites des nations des disciples ». Comment voulez-vous accomplir pleinement le mandat missionnaire si vous refusez de toucher à la sphère publique ? Par conséquent, choisir de soutenir politiquement des candidats qui soutiennent des éléments de chrétienté est tout à fait sensé de la part des chrétiens.


Illustration : Jan Matejko, Le Baptême de la Lituanie (Chrzest Litwy), huile sur toile, 1888 (Varsovie, Musée national).

Étienne Omnès

Mari, père, appartient à Christ. Les marques de mon salut sont ma confession de foi et les sacrements que je reçois.

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