Les livres de l’Ancien Testament font-ils toujours partie du canon de l’Église ? Contre les anabaptistes, nous l’affirmons.
Les mennonites de l’époque de Turretin avaient rédigé leur confession de foi en 1617, sous la direction de Sijwaert Pietersz et de Peter J. Twisck, à partir d’expressions tirées des écrits de Menno Simmons. Dans l’article 11, il était écrit :
L’Ancien Testament doit être exposé à partir de, et réconcilié avec le Nouveau Testament, et doit être enseigné à part dans le peuple de Dieu : Moïse avec sa loi punissante, dure et menaçante doit être prêché aux pécheurs impénitents car ils sont toujours sous la loi ; mais Christ avec le Nouvel Évangile apportant la joie doit être prêché à tous les pécheurs croyants et repentants car ils ne sont pas sous la loi, mais sous la grâce.
À cette nouvelle loi de Jésus christ tous les décrets, conciles et ordonnances humaines contraires doivent laisser la place ; mais tous les chrétiens doivent nécessairement, en matière de foi, se réguler et se conduire uniquement en suivant l’Évangile béni de Christ.
Ce point est d’ailleurs confirmé lors de la dispute de Frankenthal en 1571. Contre cela Turretin écrit :
Les orthodoxes maintiennent que c’est à la fois l’Ancien et le Nouveau Testament qui appartiennent aux chrétiens, et que nos doctrines et pratiques doivent être tirées des deux testaments.
Il cite alors la confession de foi de la Rochelle (article 4 et 5) et la confession helvétique (article 1) :
Nous reconnaissons que ces livres [la liste des livres de l’Ancien comme du Nouveau Testament listés dans l’article 3] sont canoniques et la règle très certaine de notre foi.
Confession de la Rochelle, article 4.
Cette Parole est la règle de toute vérité et contient tout ce qui est nécessaire au service de Dieu et à notre salut.
Confession de la Rochelle, article 5.
Nous croyons et confessons que les livres canoniques des saints Prophètes et des saints Apôtres, qui composent le Vieux et le Nouveau Testament, sont véritablement la parole de Dieu. […] Tous les membres de l’Église peuvent trouver dans l’Écriture sainte tout ce qui leur est nécessaire pour rendre leur foi salutaire, et régler leurs moeurs d’une façon agréable à Dieu.
Confession helvétique, article 1.
Formulation de la question (§§ 2-4)
La question ne porte pas sur l’administration de Moïse, la façon dont on reçoit la grâce divine dans l’Ancien Testament. Évidemment qu’elle est abrogée par Christ. Il s’agit plutôt de savoir si l’Ancien Testament peut servir de fondation à la doctrine chrétienne.
La question n’est pas non plus de savoir si Christ a réformé et amélioré la loi donnée sous l’Ancien Testament (ça, c’est Socin qui l’attaquait). Il s’agit plutôt de savoir si les Écritures de l’Ancien Testament sont aussi pertinentes pour les chrétiens. Peuvent-ils servir de fondation à notre foi et doctrine ? Peut-on prouver la doctrine de Christ à partir de l’Ancien Testament ?
La question n’est pas non plus de savoir s’il y a une distinction entre Ancien et Nouveau Testament. Bien sûr que le Nouveau Testament est plus clair et plus complet que l’Ancien Testament. Il s’agit plutôt de savoir si toute la doctrine chrétienne et évangélique est contenue seulement dans le Nouveau Testament, ou bien si elle se trouve aussi dans l’Ancien. Turretin répond oui à tout.
Argumentation (§§ 5-11)
- Christ recommande d’écouter et d’obéir à l’Ancien Testament. C’est là un argument suffisant. Luc 16,29 : « Abraham répondit : Ils ont Moïse et les prophètes ; qu’ils les écoutent. »
Il va de soi que ce dialogue est fictif et ne sert qu’à des buts pédagogiques :
Menno Simmons – Ce précepte ne s’applique qu’aux Juifs ! On le voit au fait que ce texte est adressé à ceux qui veulent échapper à la punition éternelle, ce qui relève de la loi, et les chrétiens relèvent uniquement de la grâce.
François Turretin – Ce précepte ? En voilà un autre de précepte, qui nous vient de l’apôtre Pierre : « Nous tenons pour d’autant plus certaine la parole prophétique, à laquelle vous faites bien de prêter attention, comme à une lampe qui brille dans un lieu obscur, jusqu’à ce que le jour vienne à paraître et que l’étoile du matin se lève dans vos cœurs. » (2 Pierre 1,19) S’applique-il uniquement aux Juifs et non aux chrétiens ?
Simmons – Non, cette fois-ci c’est pour les chrétiens, puisque le jour qui se lève est celui de l’Évangile, il avait déjà commencé du temps de Pierre.
Turretin– Pas d’accord, le mot grec qui est traduit par jusqu’à, ἕως οὗ, désigne un futur (c’est le sens qu’il a en Matthieu 28,20 et 1 Corinthiens 15,25). Ainsi donc ce n’est pas le jour de la parution de l’Évangile dont on parle, mais celui de la résurrection. Ce précepte s’applique à nous ici et maintenant.
- L’Église est bâtie sur la fondation des prophètes de l’Ancien Testament et des apôtres d’après Éphésiens 2,20 : « Vous avez été édifiés sur le fondement des apôtres et des prophètes. »
Menno Simmons – Holà ! Il s’agit des prophètes du Nouveau Testament, ceux dont on parle dans Éphésiens 3,5 et 1 Corinthiens 12,28.
François Turretin – Non : Paul parle ici de la fondation perpétuelle des Églises.
Simmons – Ah oui ? Alors pourquoi les apôtres sont-ils mentionnés avant les prophètes ? N’est-ce pas pour montrer un ordre chronologique : d’abord les apôtres qui ont fondé l’Église, puis les prophètes?
Turretin – Non, car ces listes n’ont pas d’ordre chronologique particulier. En Éphésiens 4.11 les prophètes du Nouveau Testament viennent avant les évangélistes, alors que chronologiquement il faut un évangéliste avant un prophète.
- Romains 15,4 : « Tout ce qui a été écrit d’avance l’a été pour notre instruction, afin que, par la patience, et par la consolation que donnent les Écritures, nous possédions l’espérance. »
- Timothée n’a eu besoin que du canon de l’Ancien Testament pour être enseigné par sa mère dans la vraie foi et pratique. (2 Timothée 3,15-16)
- Christ dirige les Juifs vers les Écritures de l’Ancien Testament, qui parlent de lui : « Vous sondez les Écritures, parce que vous pensez avoir en elles la vie éternelle : ce sont elles qui rendent témoignage de moi. » (Jean 5,39)
- L’Ancien comme le Nouveau Testament contiennent la même doctrine et pratique. C’est ce que dit Paul : « Évangile qui avait été promis auparavant de la part de Dieu par ses prophètes dans les saintes Écritures » (Romains 1,2), ou bien « selon mon Évangile et la prédication de Jésus-Christ, conformément à la révélation du mystère caché pendant des siècles, mais manifesté maintenant par les écrits des prophètes » (Romains 15,25-26). Voir aussi Actes 20,27 ; 26,22 ; Matthieu 22,37, 39.
- Si l’Ancien Testament n’appartenait pas aux chrétiens, on ne pourrait pas amener les juifs à Jésus en leur montrant qu’il est la réalisation de leur religion. Or Christ et les apôtres ont souvent fait référence à l’Ancien Testament pour prouver que Jésus est la vraie voie de Moïse (Luc 24,27, 44 ; Actes 10,43; 17,11 ; 26,22 ; Romains 3.21).
Objections (§§ 12-21)
§ 13 : Il est pourtant écrit : « Il nous a aussi rendus capables d’être ministres d’une nouvelle alliance, non de la lettre, mais de l’Esprit ; car la lettre tue, mais l’Esprit vivifie. » (1 Corinthiens 3,5-6) ; Nous devons donc prêcher l’Esprit du Nouveau Testament, plutôt que la lettre de l’Ancien.
Réponse : « Lettre » ne désigne pas ici les livres de l’Ancien Testament, mais l’administration de l’ancienne alliance. La nouvelle complète et parachève l’ancienne, l’ancien testament doit donc aussi être prêché.
§ 14 :
C’est une chose pour l’ancienne alliance de devenir obsolète quant à son administration. avec ses accidents extérieurs (ce que Paul affirme dans Hébreux 8,13). C’en est une autre très différente de devenir obsolète quant à la chose administrée et la substance ou forme interne de l’alliance elle-même (ce que nous nions). – ITE 2.8.14
§ 17 : Pourtant le Nouveau Testament est plus parfait que l’Ancien. C’est donc lui qu’il faut privilégier.
Réponse :
Bien que le Nouveau Testament soit plus parfait en intensité par rapport à la doctrine salutaire, il ne l’est pas en extension pour ce qui concerne l’ensemble de la révélation divine
§ 19 : Christ est appelé la « fin de la loi » (Romains 10,4). Nous devons donc plus prêcher Moïse, mais prêcher Christ !
Réponse :
Christ est appelé la «fin de la loi» à la fois parce qu’il était la cible que toute la loi visait et qu’il en est la perfection et l’accomplissement.
C’est pourquoi la meilleure réponse qu’on peut apporter aux mennonites est la parole de Jésus : « Ne croyez pas que je sois venu pour abolir la loi ou les prophètes ; je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir. » (Matthieu 5,17)
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