Que penser de la régulation des naissances ?
21 avril 2022

Récemment, j’ai eu l’occasion de discuter avec plusieurs chrétiens de la régulation des naissances. Suite à cette discussion, j’ai écrit un courriel à ces personnes pour revenir plus précisément sur les éléments de mon argumentaire et les ressources le soutenant. Je vous en propose un extrait que j’ai modifié pour lui donner une structure plus perceptible. Certains éléments de ce texte répondent directement à des remarques formulées lors de la conversation et ne suivent donc pas l’exposé logique des idées.


Ma thèse défendue est la suivante :

(1) Un couple peut décider de réguler les naissances, mais il ne peut pas le faire (2) pour toutes les raisons ni (3) par tous les moyens.

Un couple peut décider de réguler les naissances

Sur le point (1), tout le monde autour de la table était d’accord, donc je ne prendrai pas le temps de le défendre ici. 

Il faut des raisons sérieuses pour repousser une naissance

J’affirme le point (2) pour deux raisons principales.

  1. Premièrement, je pense que nous devons avoir des raisons sérieuses pour justifier notre volonté de réguler, parce que la procréation fait l’objet d’un commandement créationnel (le fameux « multipliez-vous »). Ce commandement est certes donné dans le cadre d’une alliance qui fut brisée ensuite par la chute1, mais il est répété dans l’alliance avec Noé en Genèse 9, dont l’horizon temporel est, lui, clair : tant que la terre subsiste2. On peut avoir des raisons légitimes de ne pas appliquer un commandement, notamment quand celui-ci entre dans des situations précises en conflit avec d’autres commandements et qu’ainsi l’un prime l’autre3.
  2. Deuxièmement, je pense que nous devons avoir des raisons sérieuses pour justifier notre volonté de réguler parce que la procréation fait l’objet de promesses. La Bible nous répète en plein d’endroits que les enfants sont une bénédiction, qu’ils sont le signe que Dieu bénit et même qu’une grande famille est une bénédiction4. Lorsque quelqu’un nous dit qu’une chose est bonne pour nous, il n’y a que deux raisons qui puissent nous pousser à nous priver de cette chose. Soit, nous ne croyons pas cette personne. Soit, nous la croyons mais nous nous privons de ce bien en vue d’un bien supérieur. Je peux refuser un aliment qu’on me propose soit parce que je ne crois pas qu’il soit à mon goût ou selon mon appétit du moment, soit parce que je pense qu’il vaut mieux réserver ma faim pour un aliment encore meilleur.

J’ai défendu de manière plus exhaustive ces deux points dans une série encore incomplète de trois articles :

À ces deux arguments s’ajoute un troisième point lié à ma compréhension réformée de l’Église, même si je pense que des baptistes pourraient tout de même y souscrire, pour des raisons complémentaires :

  1. La première création est associée à un mandat de multiplication (« multipliez-vous ») ; de même, la nouvelle création dont l’Église est le peuple est associée à un mandat de multiplication (« discipulez » toutes les nations). Dieu n’annule pas, par sa nouvelle création, l’ancienne. Au contraire, la nouvelle création est une transformation glorieuse de l’ancienne (Romains 8). Dieu ne détruit pas les humains pour les remplacer par des chrétiens. Il régénère des humains en chrétiens. Dieu ne crée pas ex nihilo un nouveau corps au Christ : il ressuscite son corps mortel pour en faire un corps glorieux, etc. De même, nous pensons que les deux mandats s’accordent admirablement : faire des enfants est un des moyens que Dieu nous donne pour faire des disciples. Les enfants sont en effet placés d’une manière toute spéciale sous l’influence de leurs parents. Ils passeront pendant des années beaucoup plus de temps avec leurs parents (des années clés de leur formation personnelle, intellectuelle, émotionnelle) qu’avec n’importe quel évangéliste ou mentor. Dès lors, les parents sont en position privilégiée pour les instruire dans tout ce que Jésus a enseigné (c’est un des éléments donnés en Matthieu 28 de ce que comporte « faire des disciples », le précédent étant le baptême). Ainsi donc, le mandat de faire des disciples, bien loin d’annuler le mandat créationnel que j’ai mentionné au premier point, vient le renforcer et lui donner une portée éternelle, jusqu’à la nouvelle création. L’ordre d’enseigner nos enfants nous est d’ailleurs donné dans les deux Testaments. Il suffit, en réalité, de regarder les Églises pour constater combien Dieu se plaît à utiliser la famille pour accomplir sa mission. Une étude réalisée par Ipsos en 2017 signalait que la majorité (62 %) des membres des Églises évangéliques françaises provenait d’une famille chrétienne.

Puisque multiplier le genre humain par l’éducation des enfants est un commandement, fait l’objet de promesses et contribue à l’accroissement de l’Église, on comprend qu’il faut des raisons sérieuses et solides de ne pas le faire.

Tous les moyens de réguler ne sont pas licites

Je passe au point (3), à savoir que nous ne pouvons pas réguler par tous les moyens.

Les méthodes abortives ou potentiellement abortives

La plupart des évangéliques admettent qu’on ne peut pas réguler par l’avortement, non pas parce que la Bible nous l’aurait interdit explicitement, mais parce que le meurtre est mauvais (ce que la raison et la Bible enseignent toutes deux) et qu’un embryon est (1) une vie (2) humaine (3) qui n’a rien fait qui soit passible de mort. Certains évangéliques, lorsqu’ils sont informés scientifiquement, reconnaissent que les pilules contraceptives, stérilets et implants sont aussi illicites, dans la mesure où leur mécanisme est potentiellement abortif, l’effet abortif de ces pilules variant de un à trois avortements par an jusqu’à un à trois avortements par vie féconde d’une femme selon le type de pilule utilisé. J’ai aussi des documents et études scientifiques sur ce sujet, qui permettent d’aboutir à ces ratios5.

Les méthodes barrières

Pour d’autres raisons, je pense que les méthodes barrières (celles qui consistent à empêcher la semence de l’homme de parvenir dans les organes sexuels de la femme, préservatif par exemple) ne sont pas non plus licites. Pour comprendre pourquoi cela, il faut préciser certaines choses. La sexualité a quatre buts :

  1. La procréation ;
  2. L’union du couple dont participe le plaisir (ce sont les deux finalités naturelles) ;
  3. Représenter l’union du Christ et de l’Église (c’est la finalité surnaturelle) ;
  4. Être un rempart à l’immoralité (1 Corinthiens 7,9, c’est une finalité palliative).

En réalité, ces quatre finalités sont surnaturelles lorsqu’on est chrétien. La première pour les raisons que j’ai donné au point 3., la deuxième parce que cette union contribue à la sanctification des membres du couple, la troisième pour une raison évidente et la quatrième parce qu’elle contribue aussi à la sanctification.

Je pense qu’il n’est pas licite de s’opposer à la finalité naturelle d’une action. Par « naturelle », j’entends la finalité à laquelle une action est ordonnée en raison de la manière dont Dieu l’a conçue.

Ainsi, on ne doit rien faire qui contrevienne à l’union du couple et l’amour mutuel (rien qui soit sans consentement, rien qui soit nuisible à la santé de l’autre, etc.) ; on ne doit rien faire non plus qui torde l’union du Christ et de l’Église (cela recoupe les choses précédentes et, bien sûr, proscrit l’infidélité) ; on ne doit rien faire qui pousse l’autre au péché (par exemple, se refuser durablement à l’autre, « ne vous privez pas l’un de l’autre, dit Paul ») ; enfin, on ne doit rien faire qui empêche un acte naturellement fécond de l’être. 

Le principe selon lequel on ne doit pas s’opposer à la finalité naturelle d’un acte porte un nom : la loi naturelle. La question qui demeure donc, pour établir mon raisonnement, est la suivante :

Existe-t-il une telle loi qui nous contraigne, sur le plan éthique, à agir de manière conforme à la nature des choses ?

La loi naturelle

Il y a des raisons philosophiques de le penser, mais je ne les détaillerai pas ici. Ce sont ces raisons qui font qu’un grand nombre de penseurs dans l’histoire, chrétiens ou non, adhèrent à cette éthique. Pour ceux que ça intéresse, un petit livre aux éditions Davenant s’attelle à défendre philosophiquement la loi naturelle et s’intitule Natural Law. Il y a encore des raisons exégétiques de penser que la Bible suppose l’existence d’une telle Loi. Nous avons traduit et publié une série de cinq articles qui parcourent l’ensemble de la Bible à ce sujet.

Je ne mentionnerai qu’une raison exégétique ici, parce qu’elle touche directement à la sexualité et qu’elle est particulièrement d’actualité. En Romains 1, Paul parle de l’homosexualité. Et remarquons qu’il la condamne, non pas parce qu’elle serait anti-biblique ou anti-chrétienne. Il dit qu’elle est « contre nature ». Il dit aussi que les hommes qui pratiquent l’homosexualité se détournent de « l’usage naturel de la femme ». Il se trouve qu’une des principales différences entre l’homosexualité et l’hétérosexualité n’est pas que l’une procurerait du plaisir et l’autre non mais que l’une est procréative et l’autre non. Une des raisons évidentes qui nous montre que l’homosexualité est « contre nature » n’est pas l’impossibilité d’avoir un rapport homosexuel plaisant et consenti dans le cadre d’une relation d’affection mutuelle stable mais l’impossibilité d’avoir un rapport homosexuel qui aboutisse à une procréation. La nature elle-même nous enseigne que les organes sexuels féminins et masculins (qui se trouvent aussi être les organes de la procréation) sont complémentaires et que leurs fonctions s’expriment l’un avec l’autre. Ainsi, notamment dans ce passage mais aussi dans une foule d’autres, la Bible suppose l’existence d’un ordre que l’on peut connaître par nature et condamne comme illicites les actions qui consistent à contrevenir à cet ordre. Dans le cas de la sexualité, lorsque l’on considère ses deux finalités naturelles, c’est en particulier en contrevenant à la finalité procréative que l’homosexualité pèche. La philosophe Elizabeth Anscombe, qui écrivait il y a 50 ans, soit plus de 30 ans avant qu’un premier pays ne reconnût le mariage homosexuel, prédisait que les sociétés qui acceptaient à son époque la contraception finiraient par accepter le mariage homosexuel, dans la mesure où les deux reposent sur une conception de la sexualité indépendante de la procréation. Il ne s’agit pas de dire que la sexualité se réduit à la procréation, mais qu’elle l’englobe nécessairement.

Quels moyens licites pour réguler ?

Dieu nous aurait-il donc laissés à l’aveugle à ce sujet, sans aucune responsabilité à exercer dans ce domaine ? Eh bien non, comme je l’ai dit, je pense qu’il est licite de réguler les naissances, une fois exclus les moyens illégitimes de le faire et les raisons trop légères. Les deux sont importants. On peut réguler pour de bonnes raisons d’une mauvaise manière, ou réguler d’une bonne manière pour de mauvaises raisons. Quels moyens légitimes nous reste-t-il lorsqu’on a exclu les moyens abortifs et qu’on applique le filtre de la loi naturelle ? Les méthodes qui prennent en compte le cycle féminin.

Il se trouve que Dieu a créé l’homme de telle manière qu’il puisse toujours procréer, mais la femme de telle sorte qu’elle ne le peut que quelques jours par cycles. Plusieurs moyens existent pour savoir à quel moment du cycle la femme se trouve, certains sont plus fiables que d’autres, la méthode Billings semble être celle qui obtient les résultats les plus concluants6. L’OMS elle-même signale une efficacité pratique similaire voire supérieure des méthodes naturelles sur les méthodes hormonales et de loin supérieure aux méthodes barrières (car aucune méthode n’a une efficacité dépassant 100 % par an, autrement dit, lorsqu’une méthode est très efficace et approche de 98 % par an, 2 femmes sur 100 l’utilisant par an auront une grossesse, sachant par ailleurs qu’un peu moins de la moitié d’entre elles avorteront). Le point commun entre toutes les méthodes d’observation du cycle consiste à faire acquérir au couple une meilleure connaissance du cycle féminin afin qu’ils en usent soit pour favoriser une naissance en ayant des rapports au moment où le cycle est fécond, soit pour retarder une naissance en évitant les rapports durant cette période qui dure entre 3 et 10 jours par cycle selon les femmes et selon les cycles. Certaines bandelettes d’analyse hormonale des urines facilement accessibles en pharmacie permettent même de vérifier l’exactitude de l’observation du cycle.

Il se trouve que dans les pays moins médicalisés que nous, les femmes ont souvent une connaissance innée de ces choses et sentent, non seulement lorsqu’elles ont leurs règles mais aussi lorsqu’elles ont leur ovulation. On remarque que les femmes des patriarches dans la Bible savaient exactement quel jour il fallait « négocier » pour obtenir le droit de coucher avec leur mari afin d’avoir une grossesse. Dans nos pays, où les mères n’enseignent plus cela à leurs filles et où les cycles naturels sont perturbés par la prise de pilule assez tôt (soit pour traiter l’acné, soit pour éviter une grossesse), il est nécessaire de réapprendre cela. Malgré tout, l’OMS estime que plus de 95 % des femmes sont capables de déterminer où en est leur cycle une fois des explications simples données. En Occident, le couple tient souvent un tableau pour se souvenir de leurs observations du cycle. Lorsqu’on réalise ces formations au Pérou, on utilise plutôt des dessins avec des feuilles et des fleurs pour se repérer dans le cycle. La méthode est adaptée pour les périodes après arrêt d’une pilule, pour la période d’allaitement et pour la pré-ménopause. Aucune culture sur terre n’a eu de difficulté à suivre les formations Billings, c’est peut-être pour les occidentaux que la compréhension d’un corps cyclique est le plus difficile. L’homosexualisation et la pornification de notre société conduisent effectivement à faire croire aux femmes que leur sexualité, sur le plan de la procréation, de la libido comme de tout le reste fonctionnerait exactement comme celle de l’homme alors qu’elle est cyclique sous tous ces rapports et que celle de l’homme est plus ou moins constante. Il se trouve d’ailleurs aussi que les idéaux de beauté féminins de notre époque s’éloignent des idéaux traditionnels qui étaient liés à la capacité de procréer pour tendre vers le « ventre plat ».

Les bénéfices pour le couple

Maintenant que vous voyez mieux, je l’espère, comment fonctionnent ces méthodes, je peux vous donner quelques avantages pour le couple que nous avons pu constater à pratiquer cela. Je répète au passage qu’on peut utiliser ces méthodes et néanmoins réguler pour de mauvaises raisons. Nous avons connu un cas, au cours des formations Billings, d’une jeune femme écologiste qui utilise cette méthode parce qu’elle n’est pas chimique, mais hors du cadre du couple. Elle l’utilise simplement pour savoir quand elle peut sortir et avoir des rapports sans « danger » de grossesse.

  1. Cette méthode oblige l’homme à faire attention à la sexualité de sa femme, au caractère cyclique de ses désirs, de son humeur et de sa capacité à donner la vie. L’homme qui a un désir constant (ou plutôt, non cyclique) doit se mettre au pas de son épouse et respecter la façon dont elle est conçue.
  2. Cette méthode pousse le couple à communiquer régulièrement sur les humeurs de la femme, ses désirs et les évolutions qu’elle sent dans son corps. Une intimité plus grande en ressort7.
  3. Cette méthode fait reposer la responsabilité d’une grossesse sur le couple et l’homme en particulier (car c’est lui qui tient le carnet des observations) et non sur la femme qui aurait oublié la pilule, par exemple. C’est l’homme qui est chargé, après avoir questionné sa femme, de déterminer où en est le cycle.
  4. Cette méthode oblige l’homme à soumettre ses désirs à un but noble : la construction d’un foyer. Oui le désir sexuel est bon, mais il est d’autant meilleur qu’on en fait usage pour une finalité qui le dépasse, afin qu’il ne devienne pas un but en soi. 
  5. À ce sujet, cette méthode, qui implique des moments d’abstinence et des moments de retrouvailles introduit une périodicité, une variété dans la vie sexuelle du couple qui stimule le désir. Des études réalisées chez les couples pratiquant Billings montrent qu’au final, ils ont plus fréquemment des rapports que les couples qui fonctionnent « à l’aveugle »8
  6. Cette méthode est l’occasion, pour le chrétien, de vivre régulièrement les périodes d’abstinence pour la prière dont parle Paul en 1 Corinthiens 7 et qui sont très souvent absentes de la vie des couples qui ne pratiquent pas de telles méthodes.
  7. Puisque l’abstinence est la privation d’un bien, et qu’elle est ressentie temporairement comme un manque, elle pousse le couple à évaluer régulièrement (à chaque cycle) le sérieux des raisons qui poussent le couple à ne pas vouloir de nouvelle grossesse. Puisque la sexualité est une bonne et agréable chose, s’en priver temporairement nous donne tout naturellement de nous poser la question : est-ce qu’on veut vraiment s’en priver durant ces quelques jours pour une bonne raison ? Si oui, alors le couple soumet son bon désir au but plus noble de la construction d’un foyer ; si non, alors le couple jouit de la sexualité dans l’optique de la construction du foyer. Ainsi, qu’on s’abstienne ou non, la sexualité ne devient jamais une fin en soi mais est toujours ordonnée à la construction du foyer, soit en l’agrandissant d’une nouvelle vie, soit en retardant une grossesse pour prendre soin des vies déjà présentes. Ainsi, loin de rendre irresponsables les couples, cette méthode les pousse au contraire à évaluer régulièrement et sérieusement la construction de leur foyer là où la contraception peut très bien être vécue en stoppant ce genre de réflexion pendant des mois ou des années. On ne peut donc pas opposer la responsabilité et liberté que Dieu nous donne à l’application de ces méthodes. C’est en réalité tout l’inverse : ce sont les seules méthodes qui responsabilisent à ce point.
  8. Sur un plan plus philosophique, la pilule favorise une mentalité transhumaniste, là où la régulation naturelle promeut une mentalité qui se soumet à la façon dont fonctionnent les choses telles que Dieu les a faites. Le transhumanisme, c’est la modification de la bonne nature créée par Dieu pour atteindre les objectifs que l’homme se fixe. C’est changer son genre parce qu’on se sent de l’autre genre. Elle constitue une forme de rébellion face à l’ordre établi par Dieu. La médecine n’a, selon moi, pas ce but mais doit consister à rétablir ce qui est cassé, et non à augmenter, améliorer ou modifier la création de Dieu. Prendre la pilule, c’est utiliser la technique pour modifier hormonalement la femme et empêcher certains de ses organes d’atteindre leur fonction, comme si l’on empêchait un oeil de voir. Cela est rendu d’autant plus explicite dans les pays anglo-saxons qui consomment moins de pilules mais utilisent plus fréquemment des méthodes chirurgicales. Utiliser un préservatif, c’est mettre un obstacle à la finalité naturelle d’un acte. La contraception, c’est la maîtrise de la nature par la technique. La régulation naturelle, c’est la maîtrise de soi : c’est maitriser ses désirs, aussi bons soient-ils, dans un objectif vertueux. 

Procréation et bien commun de notre peuple

J’ajoute un dernier point d’ordre démographique et sociétal à toute cette discussion. En réalité, une société n’a pas le choix de se multiplier ou non. Soit elle se multiplie et elle subsiste, soit elle ne le fait pas et elle disparaît. Il existe en démographie un « seuil de renouvellement des générations », qui correspond à un taux de natalité de 2 environ. Tant qu’une société est supérieure à ce seuil, elle se multiplie et les jeunes peuvent prendre soin des vieux car ils sont en plus grand nombre qu’eux. Dans les sociétés développées, ça se fait par les cotisations aux caisses de retraites, dans les sociétés primitives, ça se fait par le fait que, par exemple, ceux qui chassent sont assez nombreux pour donner une partie de ce qu’ils ont pris à ceux qui ne peuvent plus chasser. Dans une société où le taux est inférieur à 2, il se pose des problèmes pour subvenir aux besoins de ceux qui ne sont plus actifs. Ces problèmes peuvent être palliés en partie de deux manières : soit en faisant travailler plus longtemps en repoussant l’âge de départ à la retraite, ce qui implique un confort moindre pour les personnes concernées, car le travail fatigue les plus âgés ; soit en important de l’étranger des jeunes, immigrés, qui cotiseront pour nos vieux. Remarquons que ces immigrés viennent en écrasante majorité de peuples qui, eux, sont au dessus de ce seuil de 2. Ces sujets bien concrets (l’immigration et la retraite) reviennent de manière régulière dans l’actualité française (depuis que nous sommes passés en dessous de 2, et plus nous nous en éloignons) et sont tous deux sources de tension et de division. À mon humble avis, la société française paye par ces tensions sa mentalité abortive et contraceptive et Dieu juge par ce moyen l’Occident qui, d’année en année, s’acharne de manière croissante contre la vie, la famille et la fécondité dans ses lois, son discours culturel et ses idéaux d’épanouissement individualistes. Il se trouve que nous avons été prospères tant que notre taux est demeuré au-dessus de 2 et que c’est presque systématiquement le cas dans le monde que les sociétés qui se multiplient sont celles qui prospèrent, pour des raisons mathématiques simples. Ainsi, une société peut faire le choix de ne plus se multiplier, mais elle fait alors le choix de disparaître, à plus ou moins long terme. Un peuple qui tombe à 1 enfant par femme diminue de moitié à chaque génération, certains pays européens ne sont pas loin de ce chiffre.

De ce constat se tire donc une quatrième raison, qui vient s’ajouter aux trois que j’ai données tout au début pour la nécessité d’avoir de sérieuses raisons de retarder une naissance : nous élevons des enfants ni pour nous-mêmes ni uniquement pour eux-mêmes, mais aussi pour qu’ils puissent se rendre utiles au monde et le servir. Or ne pas faire un enfant, c’est aussi contribuer, tout bêtement, au déclin de notre société qu’alimente notre faible natalité, à la difficulté de subvenir aux besoins des inactifs. Notre mentalité individualiste fait que cette dernière raison nous parle peu, mais j’ai été frappé de voir qu’elle revenait régulièrement dans les écrits des générations précédentes de chrétiens.

La confiance en Dieu

Enfin, j’aimerais dire que ce sujet est aussi une question de foi en Dieu. Dieu nous promet que les enfants sont une bénédiction et qu’il pourvoit à nos besoins et à ceux de nos enfants. Le croyons-nous vraiment ? Pensons-nous qu’il est irresponsable de faire confiance à Dieu et qu’il serait plus responsable de se fier à son propre jugement si limité ? Il est courant de prier Dieu pour qu’il nous conduise dans le choix de notre métier et de notre conjoint. Dieu veut être intime à notre vie au point que nous lui remettions les besoins les plus élémentaires. Lui avons-nous demandé de nous conduire quant au nombre d’enfants qu’il voudrait que nous ayons ? Sommes-nous prêts à ce qu’il change les projets qu’on avait imaginés ? Dans sa bonté, il ne nous promet pas simplement que les enfants sont une bénédiction, mais il nous donne aussi de comprendre pourquoi ; certaines raisons que j’ai données aident à le comprendre (bon pour la société, pour la croissance de l’Église, pour l’intimité du couple, etc.). Quand bien même nous ne saurions pas pourquoi cela est bon, le fait que Dieu soit la bonté même doit suffire pour que nous ayons confiance en lui lorsqu’il nous dit que les enfants sont comme les flèches d’un guerrier qui est béni d’en avoir rempli son carquois9. Depuis que nous prenons le temps de discuter avec des familles saines et nombreuses, nous avons pu constater combien cela est vrai, mais je ne pourrais terminer s’il fallait donner toutes les raisons que nous avons pu voir. Il se trouve que, souvent, la compréhension suit l’obéissance. On découvre après coup combien Dieu avait raison et cela nous encourage à lui faire confiance pour d’autres domaines encore. Si néanmoins cela vous intéresse, je peux vous suggérer des articles et livres-témoignages à ce sujet ou des personnes à contacter.

Je ne cherche pas à comprendre pour croire, mais je crois pour comprendre.

Anselme de Cantorbéry, Proslogion.

Une conception irréfléchie ?

Je sais, car je l’ai entendu, que certains trouvent risible, dépassée ou ridicule cette opinion. Comprenez qu’elle est la position unanime des chrétiens durant vingt siècle10, qu’elle repose sur une réflexion sociétale, biblique, philosophique, scientifique et pratique ; qu’elle est finalement la conséquence d’une réflexion bien plus profonde et sérieuse que la simple affirmation d’une liberté sans cadre du chrétien. Comme toute obéissance, sa mise en pratique coûte. Comme toute obéissance, sa mise en pratique paye largement. Je ne mentionne pas le fait qu’elle soit la position historique de l’Église comme un argument en soi. L’important n’est pas tant de savoir ce que pensaient ceux qui nous précèdent mais surtout de savoir pourquoi ils pensaient ainsi. En effet, si l’on peut relativiser les opinions variées en disant qu’elles sont simplement des interprétations différentes, on peut aussi prendre un peu de recul, considérer qu’un consensus a existé et se demander si, une fois de plus, il n’existe pas des facteurs culturels nouveaux qui aient pu égarer l’Église sur un tel sujet. Il ne s’agit pas de se soumettre aveuglément à une tradition mais de la recevoir intelligemment. L’humilité exige qu’on n’affirme pas légèrement et rapidement que les chrétiens se sont tous largement plantés pendant des siècles et que nous, qui avons considérablement moins réfléchi qu’eux à ces sujets, nous aurions obtenu la lumière. Il se peut qu’ils se soient trompés, mais il est à priori plus vraisemblable que le dernier venu qui a moins réfléchi soit dans l’erreur plutôt que l’ensemble des grands théologiens, philosophes et éthiciens des siècles passés qui ont formulé leur raisonnement dans des écrits étendus et construits.

Un obstacle à l’Évangile ?

Il me semble aussi assez peu pertinent de répliquer que cette éthique mettrait un obstacle entre l’Évangile et les gens du monde. Avant tout parce que c’est prendre les choses à l’envers. On doit d’abord se demander ce que Dieu enseigne et ensuite se demander comment en parler à ceux qui nous entourent. Et, effectivement, si Dieu n’enseigne pas cela, alors il ne faut pas l’imposer aux consciences. Mais s’il l’enseigne, alors qu’importe que cela plaise ou non aux gens du monde. Il se trouve qu’aujourd’hui dire à un homosexuel qu’il doit abandonner cette pratique s’il veut suivre le Christ est infiniment plus controversé que de dire à un couple qu’une des raisons de leur existence en tant que couple est la fondation d’un foyer et l’accroissement du genre humain. En effet, la plupart des couples ont, si ce n’est l’occasion, du moins le désir, d’avoir des enfants alors que la majorité des homosexuels n’ont aucune envie d’abandonner leur pratique et qu’ils l’établissent aujourd’hui comme faisant partie de leur identité même. Faut-il donc aussi abandonner l’enseignement naturel et biblique sur l’homosexualité au motif que cela pourrait rebuter quelqu’un vis-à-vis de l’Évangile ? Notre devoir n’est pas de rendre l’Évangile, que Paul présente comme une folie aux yeux du monde, acceptable ou agréable. Notre devoir est de prêcher la loi de Dieu, dans toute la rigueur de ses exigences parfaites et les promesses de Dieu, dans toute l’étendue de leur miséricorde. C’est seulement ainsi que l’enseignement chrétien tiendra sur ses deux jambes. Abandonnez la Loi, et l’appel à la repentance n’a plus aucun sens. Abandonnez l’Évangile, et la Loi devient un outil de condamnation sans rédemption. Oui, l’Évangile implique aussi de dire aux gens qu’ils doivent changer de conduite et de manière de penser. L’Évangile, c’est la liberté, non pas de faire ce qu’on veut, mais la liberté vis-à-vis du péché. Nous pouvons agir selon nos désirs. Mais nous devons conformer nos désirs à notre raison et conformer notre raison à celle de Dieu.

Conclusion

Cet article est nécessairement incomplet et comporte des sauts argumentatifs que la série que je mentionne visera à combler. Néanmoins, je pense qu’il offre une esquisse du raisonnement qui a poussé les chrétiens dans l’histoire à s’opposer aux diverses méthodes contraceptives. Ce raisonnement est entièrement valable, aujourd’hui encore. Loin d’une conception bibliciste qui cherche un verset biblique précis derrière chaque exigence éthique ou affirmation dogmatique, il s’agit d’une compréhension globale, naturelle et biblique, qui relève à la fois d’une anthropologie réfléchie à même de satisfaire le philosophe érudit et d’un bon sens « paysan », accessible à tous les hommes. La force de cette éthique naturelle, en plus de sa cohérence traversant tous les domaines variés de l’éthique comme les questions relatives à la peine de mort, à la médecine de la fin de vie, à la sexualité, au mensonge, aux impôts, etc., c’est aussi d’offrir un terrain commun entre le chrétien et le non-croyant. En effet, bien que la Bible enseigne l’existence d’une Loi naturelle, la connaissance de cette loi et son contenu sont plutôt supposés qu’enseignés par les Écritures. C’est donc qu’elle est accessible à la raison naturelle et c’est bien pour cette raison que, dans l’histoire, la notion de loi naturelle ne prit pas naissance avec le christianisme, bien qu’il en fût probablement le meilleur et le plus prolifique exégète. Ainsi, loin d’éloigner les gens de l’Évangile, l’éthique naturelle construit un pont entre l’éthique biblique et la réflexion qu’un non-chrétien peut avoir en observant simplement la façon dont les choses sont faites.


Illustration en couverture : Eugenio Zampighi (1859-1944), Scène de famille avec nouveau-né.

  1. Les dispositions naturelles de cette alliance demeurent. Ainsi, même si le commandement n’était pas répété, il demeure en vigueur tant que la création demeure.[]
  2. Martin Luther fait remarquer avec justesse qu’il ne s’agit pas d’un commandement du même ordre que les autres. Il est plus grand encore que cela car il a été gravé en nous, dans nos organes et nos désirs. Le docteur allemand parle de « complexion » de notre nature.[]
  3. Voir cet article sur les conflits d’absolus moraux.[]
  4. Voir cet article où je recense ces passages.[]
  5. C’est dans le cadre de la série mentionnée plus haut que je compte aborder en détail ces données.[]
  6. La formation du personnel médical en France sur les méthodes naturelles est grandement lacunaire voire erronée, comme le montre cette thèse soutenue en 2007 et étudiant la formation des étudiants de Paris V sur le sujet.[]
  7. Une corrélation statistique significative a été mise en lumière entre l’usage de contraceptif, l’avortement d’un côté et le taux de divorces de l’autre dans cette étude. À l’inverse, l’usage des méthodes naturelles est associé à un taux significativement moindre de divorces.[]
  8. HARGOT Thérèse, Pour une libération sexuelle véritable, François-Xavier de Guibert, 2019.[]
  9. Psaume 127. Notons la notion de plénitude. Un archer est d’autant mieux préparé qu’il dispose d’un plus grand nombre de flèches. De même, une grande famille est une grande bénédiction.[]
  10. Voir, par exemple, NOONAN J. T., Contraception et mariage. Évolution ou contradiction dans la pensée chrétienne ?, Paris : éd. du Cerf, 1969, 724 pp. ou PROVAN Charles, The Bible and Birth Control, Monongahela : Zimmer Printing, 1989.[]

Maxime Georgel

Maxime est interne en médecine générale à Lille. Fondateur du site Parlafoi.fr, il se passionne pour la théologie systématique, l'histoire du dogme et la philosophie réaliste. Il affirme être marié à la meilleure épouse du monde. Ils vivent ensemble sur Lille avec leurs trois enfants, sont membres de l'Église de la Trinité (trinitelille.fr) et sont moniteurs de la méthode Billings.

4 Commentaires

  1. Erwan LE BIHAN

    Bonjour,
    Vous dites que faire des enfants est bon pour la société. Sauf que les commandements de Jésus-Christ ne
    sont pas faits pour faire une société plus forte, plus prospère, plus glorieuse.
    Les commandements doivent être accomplis pour avoir des récompenses individuelles.
    Il est écrit dans cet article que Dieu pourvoira financièrement aux besoins des familles nombreuses.C’est ce que croient les Catholique, qui ne croient pourtant pas dans le créationnisme. Le créationnisme s’appuie sur la bible. Mais l’expérience montre que faire des enfants est source de souffrances pour beaucoup.
    Les enfants ne sont pas forcément une bénédiction.
    Nous ne sommes plus sous la loi mais l’amour agape a été plus franchement révélé depuis Jésus-Christ.Aussi l’important est l’amour agape pas de faire des enfants.
    Faire des enfants est irresponsable pour beaucoup de potentiels parents : faire des enfants si c’est se stresser, s’appauvrir, être déçu de ce qu’ils deviennent ?
    Le plus faible argument est : cela remplit les églises. Mais Dieu n’est pas glorifié quand on remplit les églises de personnes non réellement sauvées.
    Dieu est souverain et fait croire qui il veut. Il n’a pas besoin de familles chrétiennes pour cela.

    Réponse
    • Maxime Georgel

      Bonjour,

      Je dis que les enfants sont bons pour la société non pas parce qu’ils seraient l’accomplissement des commandements de Jésus-Christ mais parce que c’est vrai. Si la natalité tombe à 1, alors la population est divisée par 2 en une génération et nous ne pouvons pas subvenir aux besoins des inactifs. Ça n’a strictement rien à voir avec les récompenses ni même avec la Bible. C’est simplement un constat qui s’impose, ce n’est pas matière à débat. Je ne parle pas dans l’article uniquement de ce que les chrétiens doivent faire, mais de ce que les êtres humains doivent faire pour leur bien. Il ne s’agit donc pas des « récompenses individuelles ». Par ailleurs, les récompenses des chrétiens ne sont pas individuelles, comme l’explique Jonathan Edwards :

      « Le Christ nous dit que celui qui donne une coupe d’eau froide à un disciple au titre de disciple, ne perdra pas sa récompense. Mais cela ne pourrait pas être vrai, si une personne n’avait pas de plus grande récompense pour avoir fait beaucoup de bonnes œuvres que si elle n’en avait fait que peu. Il n’y aura pas d’ombre au bonheur de ceux qui ont des degrés inférieurs de bonheur et de gloire, d’autres étant plus avancés dans la gloire qu’eux ; parce que tous seront parfaitement heureux, chacun sera parfaitement satisfait. Tout vase jeté dans cet océan de bonheur est rempli, bien qu’il y ait des vases beaucoup plus grands que d’autres ; et il n’y aura pas d’envie dans le ciel, mais l’amour parfait régnera dans toute la société.

      Ceux qui ne seront pas aussi glorieux que les autres, n’envieront pas ceux qui sont plus élevés, mais ils auront un amour si grand, fort et pur pour eux, qu’ils se réjouiront de leur bonheur supérieur ; leur amour pour eux sera tel qu’ils se réjouiront d’être plus heureux qu’eux-mêmes ; de sorte qu’au lieu d’avoir une ombre à leur propre bonheur, cela s’ajoutera à leur propre bonheur. Ils verront qu’il est convenable que ceux qui ont été les plus éminents dans les œuvres de justice soient les plus élevés dans la gloire ; et ils se réjouiront de voir cela se faire, car c’est ce qu’il y a de mieux à faire.

      Il y aura une harmonie parfaite dans cette société ; ceux qui sont les plus heureux seront aussi les plus saints, et tous seront à la fois parfaitement saints et parfaitement heureux. Mais il y aura différents degrés de sainteté et de bonheur selon la mesure de la capacité de chacun, et donc ceux qui sont les plus bas dans la gloire auront le plus grand amour pour ceux qui sont les plus hauts dans le bonheur, parce qu’ils verront une plus grande partie de l’image de Dieu en eux ; et ayant le plus grand amour pour eux, ils se réjouiront de les voir les plus heureux et les plus hauts dans la gloire.

      Et ainsi, d’autre part, ceux qui sont les plus hauts dans la gloire, comme ils seront les plus aimables, ils seront aussi pleins d’amour : tout comme ils excelleront dans le bonheur, ils excelleront proportionnellement dans la bienveillance divine et l’amour pour les autres, et auront plus d’amour pour Dieu et pour les saints que ceux qui sont plus bas dans la sainteté et le bonheur. Et d’ailleurs, ceux qui excelleront dans la gloire excelleront aussi dans l’humilité.

      Ici, dans ce monde, ceux qui sont au-dessus des autres sont des objets d’envie, parce que les autres les conçoivent comme étant élevés par cela ; mais au ciel il n’en sera pas ainsi, et les saints du ciel qui excellent dans le bonheur le feront aussi dans la sainteté, et par conséquent dans l’humilité. Les saints du ciel sont plus humbles que les saints de la terre, et plus nous allons parmi eux, plus grande est l’humilité ; les ordres les plus élevés des saints, qui connaissent le mieux Dieu, voient le mieux la distinction entre Dieu et eux, et par conséquent sont comparativement les plus petits à leurs propres yeux, et sont donc les plus humbles.

      L’exaltation de certains dans le ciel au-dessus des autres sera si loin de diminuer le bonheur parfait et la joie des autres qui sont inférieurs, qu’ils en seront même plus heureux ; l’union dans leur société sera telle qu’ils participeront au bonheur de l’autre. Alors s’accomplira dans sa perfection ce qui est déclaré dans 1 Cor. 12:22. « Si l’un des membres est honoré, tous les membres s’en réjouissent. »

      Ainsi, comme l’explique Edwards, même les récompenses ont en vue le bien de tout le corps et non des individus.

      Deuxièmement, le fait que les enfants sont une bénédiction est indiqué, non pas par les papistes, mais par la Bible : « les enfants sont un don de Dieu, un héritage merveilleux » (Psaume 127). C’est même tellement protestant que Luther disait :

      « En effet, cette parole que Dieu prononce : « Croissez et multipliez-vous », n’est pas un commandement ; elle est plus qu’un commandement, elle est une œuvre divine qu’il ne nous appartient pas d’empêcher ou de négliger, mais qui est tout aussi nécessaire que le fait que je sois un homme ; elle est plus nécessaire que de manger et de boire, de balayer et de jeter les ordures, de dormir et de veiller. C’est une complexion et une manière d’être implantée à l’homme, aussi bien que les organes qui s’y rapportent. C’est pourquoi, de même que Dieu n’ordonne à personne d’être homme ou femme, mais agit en sorte que l’on est nécessairement l’un ou l’autre, de même il n’ordonne pas aux hommes de se multiplier, mais il agit de telle manière qu’ils se multiplient nécessairement. Et si l’on empêche cette fonction de s’exercer, celle-ci ne se laisse pourtant pas brider et s’exerce néanmoins en fornication, adultère et péché secret, car c’est là une affaire de nature et non de libre choix. […] La parole de Dieu qui t’a créé et qui a dit : « Crois et multiplie-toi », cette parole vit et règne en toi ; tu ne peux d’aucune façon te soustraire à elle, sous peine de devoir commettre sans fin des péchés horribles. »

      et encore :

      « Bien que ce soit chose aisée de prendre femme, c’en est une autre que de veiller à l’entretien de celle-ci, des enfants et de la maisonnée. Ainsi, personne ne semble remarquer la foi de Jacob. Bien des hommes détestent la fertilité de leur épouse, pour la simple raison qu’ils auront à nourrir et élever leurs rejetons. Voici ce qu’ils disent couramment : « Pourquoi devrais-je me marier, si je suis pauvre ? Je ferais mieux de supporter tout seul le fardeau de ma pauvreté, sans aller me jeter dans la misère et la nécessité. » Mais c’est à tort qu’on blâme si rapidement le mariage et la fécondité. En effet, en doutant de la bonté de Dieu vous faites preuve d’incrédulité, et vous attirez sur vous-même une bien plus grande misère en faisant fi de la bénédiction divine. Si vous aviez foi en la grâce de Dieu et en ses promesses, vous recevriez assurément, à n’en pas douter, la preuve de son soutien. Mais parce que vous n’espérez pas dans le Seigneur, vous ne prospérerez jamais. »

      Quant à la mention du créationnisme, je ne vois pas le rapport.

      Enfin, je n’ai pas dit que ça remplissait les Eglises, j’ai dit que Dieu utilisait l’éducation pour sauver réellement des gens, comme il le promet tout au long de l’Ecriture et comme de nombreux exemples dans la Bible (Timothée, par exemple) comme dans nos Églises (62% en France) l’illustrent. Je suis donc d’accord, il ne faut pas faire des enfants pour remplir les Églises d’infidèles, mais pour les remplir de fidèles et Dieu s’engage à bénir nos efforts éducatifs pour que nos enfants soient aussi ses enfants. Il ne s’agit pas de dire que Dieu aurait besoin de familles chrétiennes. Dieu n’a pas besoin de la Bible non plus, ni de la prédication de l’Evangile, ni des pasteurs, ni du témoignage des chrétiens. En revanche, il se plait à utiliser les familles, la Bible, la prédication de l’Evangile, les pasteurs, le témoignage des chrétiens pour amener des personnes à la foi. Dieu n’agit pas de manière violente, mais de manière intelligente.

      Quant aux remarques sur l’irresponsabilité des parents, elles sont gratuites et légères. Je laisse ça à ceux qui n’ont pas eu à assumer cette responsabilité et qui jugent de l’extérieur ; ce qui est votre cas, pour parler clairement.

      Vous n’avez visiblement pas compris l’argumentaire de mon article, ni sur la société, ni sur le fait que les enfants sont une bénédiction, ni sur la croissance de l’Église.

      Bien à vous.

      Réponse
  2. Erwan le bihan

    Bonjour,

    Donner des arguments démographiques pour promouvoir une conduite morale est mondain.Décider qu’une manière de faire doit être suivie au nom du « bien » de la société déplaît à Dieu.
    J’ai parlé du créationnisme car les littéralistes s’appuient sur la bible pour y croire.
    C’est une question de foi. Alors que l’expérience de la vie, ce qu’on peut observer montre que faire beaucoup
    d’enfants enfonce beaucoup de familles dans la pauvreté. L’avortement ne doit pas être un tabou, c’est parfois meilleur.
    L’éducation d’enfants dans la foi serait bénie ? Non je reprends un argument des incroyants contre les religions qui me semble pertinent.
    Les croyants se cherchent une raison d’agir.Et lisent la bible dans cette optique. Ainsi ils veulent une raison d’élever leurs enfants dans la foi et lisent la bible en cherchant tout ce qui irait dans ce sens.

    Réponse
    • Maxime Georgel

      Que l’éducation soit bénie par Dieu est une affirmation de Dieu lui-même. C’est lui qui nous ordonne d’instruire nos enfants dans le Seigneur. Il ne s’agit pas d’un argument démographique, mais d’un argument biblique : 99% des personnages bibliques fidèles sont des enfants de fidèles.

      Par ailleurs, les familles les plus nombreuses que je connaisse (14 et 11 enfants respectivement) ne sont ni pauvres ni malheureuses. Vous faites un amalgame regrettable et ces considérations sociétales (car bien que vous vous en défendiez, c’est bien de la société dont vous vous préoccupez) ne peuvent renverser les promesses de Dieu.

      Par ailleurs, rien ne peut justifier qu’on tue un enfant, pas même la crainte qu’il puisse être pauvre.

      Enfin, c’est la Bible qui nous ordonne de chercher le bien de la ville et de la société où nous sommes. Ce n’est donc pas mondain, c’est divin.

      Réponse

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