Apprendre à raisonner (27) : Les définitions
13 juin 2022

Cet article est le vingtième-septième d’une série consacrée à la logique classique (ou aristotélicienne, c’est-à-dire développée par Aristote). Dans le vingtième-sixième, j’ai présenté les erreurs d’argumentation, un septième et dernier type d’erreurs informelles (ou sophismes de mots : les erreurs qui portent sur l’utilisation des mots). Dans cet article, j’expliquerai de manière vague ce qu’est une définition (puisque nous en verrons de nombreuses catégories plus tard). Comme d’habitude, je reprendrai énormément le contenu du livre de Peter Kreeft, Socratic Logic des pages 123 à 124.


Qu’est-ce qu’une définition ?

Une définition nous dit ce qu’une chose est. « Définition » vient du latin definio qui signifie placer des limites autour d’une chose.

  1. Dans le meilleur des cas, une définition nous fait connaître l’essence (désignée par un mot appelé espèce = genre + différence spécifique) d’une chose en la divisant en deux parties1: son genre (sa partie en commun avec d’autres choses, son aspect générique) et sa différence spécifique (sa partie spécifique, propre à elle). C’est ce qu’on peut attendre le plus d’une définition : une idée claire et distincte2. Ce type de définition donne la compréhension d’un mot. Par exemple, la définition de l’essence désignée par l’espèce « homme » est « animal rationnel » où « animal » est le genre et « rationnel » la différence spécifique.
  2. Dans le pire des cas, on peut se contenter d’une définition si elle arrive au moins à dire en quoi la chose définie diffère des autres choses pour qu’on ne les confonde pas. On ne peut plus dire ce que la chose est mais au moins ce qu’elle n’est pas. Si l’on compare cela avec ce qu’il y avant, on n’a plus la clarté de la chose mais au moins sa distinction. Par exemple : Dieu3 est l’Être qui n’est pas matériel, qui n’est pas dans l’espace, ni dans le temps, etc.

Pourquoi est-ce si important de définir les mots ?

Comme je l’ai dit dans un article précédent, on peut comparer un argument (et ses parties : ses propositions et ses mots) avec une maison à trois étages (on va prendre un type d’argument qui s’appelle le syllogisme) auxquels se trouvent plusieurs pièces.

Le lien entre sujet, prédicat, prémisse, conclusion et argument4

Il y a des dépendances :

  1. L’argument (la maison) dépend de ses propositions (les étages)
  2. La conclusion (le troisième étage) dépend des prémisses (les étages en-dessous)
  3. Chaque prémisse (étage) dépend de deux mots (deux pièces : le sujet et le prédicat).

On voit bien que si on remonte le plus loin possible, l’argument dépend de ses mots par l’intermédiaire des propositions. Pour avoir un argument correct, il est donc très important de bien définir ses termes5: c’est la base de la base sans laquelle toute la maison s’écroule. On a vu dans notre liste d’erreurs de raisonnement que beaucoup étaient dues à des ambiguïtés (des mots qui peuvent avoir plusieurs sens). Définir les mots permet d’éviter ce genre de problèmes.


Illustration : Éducation d’Alexandre par Aristote, gravure de Charles Laplante, publiée dans le livre de Louis Figuier, Vie des savants illustres – Savants de l’antiquité (tome 1), Paris, 1866, pages 134-135.

  1. Notions expliquées dans cet article.[]
  2. Une expression très chère à Descartes.[]
  3. Dieu dans la conception du théisme classique.[]
  4. Peter Kreeft, Socratic logic, South Bend, Indiana : ST. Augustine’s Press, 2014, [1re éd. 2004], p. 30.[]
  5. C’est pour cette raison que Socrate passe beaucoup de temps à définir les mots dans les dialogues écrits par Platon. Étape importante de la méthode socratique. Par exemple, dans le premier livre de la République où il évalue trois définitions de la justice et les trouve défaillantes. C’est un bon exercice pour s’entraîner sur les définitions, comme de nombreux autres livres de Platon d’ailleurs.[]

Laurent Dv

Informaticien, époux et passionné par la théologie biblique (pour la beauté de l'histoire de la Bible), la philosophie analytique (pour son style rigoureux) et la philosophie thomiste (ou classique, plus généralement) pour ses riches apports en apologétique (théisme, Trinité, Incarnation...) et pour la vie de tous les jours (famille, travail, sexualité, politique...).

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