La Trinité, un article fondamental — Turretin (3.24)
3 janvier 2023

Le mystère de la Trinité est-il un article de foi fondamental ? Nous l’affirmons, contre les sociniens et les remontrants.

Il y a toujours, et il y a toujours eu, des groupes qui remettaient en cause l’aspect fondamental de la croyance trinitaire, soit parce qu’ils étaient anti-trinitariens — comme les sociniens — soit parce qu’ils considéraient que c’était un obstacle à la foi évangélique — comme les remontrants. Turretin défend que c’est un article fondamental de la foi chrétienne.

Formulation de la question (§§ 2-6)

  • Ce ne sont pas seulement ceux qui nient la Trinité qui sont réfutés ici, mais aussi ceux qui pensent qu’on peut librement ignorer ce dogme.
  • On ne parle pas d’une connaissance parfaite du dogme trinitaire, qui n’est généralement pas maîtrisée chez les chrétiens ordinaires. On parle d’une simple confessions des principes les plus basiques. Est-il nécessaire pour être sauvé de croire en un seul Dieu en trois personnes ?
  • On ne parle donc pas de la confession d’un modèle trinitaire particulier, ou de la maîtrise de toute l’argumentation biblique. Nous ne parlons ici que de la simple confession : « Je crois en un seul Dieu, en trois personnes : Père, Fils, Saint-Esprit. »

La question revient à cela : est ce que le mystère de la Trinité est un article fondamental, nécessaire à la foi de tous les croyants, si bien que non seulement le déni, mais même l’ignorance ne peut pas cohabiter avec le salut.

Argumentation principale (§§ 7-10)

Tout d’abord, l’Écriture dit que la vie éternelle en dépend.

  • Jean 17,3 : Or, la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ. Il est à noter que l’on parle bien ici de Jésus-Christ en tant que Dieu, et non seulement en tant que médiateur. Si cela ne vous convainc pas, considérez les deux autres passages :
  • 1 Jean 5,20 : Nous savons aussi que le Fils de Dieu est venu, et qu’il nous a donné l’intelligence pour connaître le Véritable ; et nous sommes dans le Véritable en son Fils Jésus-Christ. C’est lui qui est le Dieu véritable, et la vie éternelle.
  • Jean 14,1 : Croyez en Dieu, et croyez en moi.

Ensuite, le dogme trinitaire contient le principal objet de foi et d’adoration, il définit le Dieu que nous adorons, c’est pourquoi nous ne baptisons pas au nom de « Dieu » mais au nom de la Trinité (Matthieu 28,19). Nous ne croyons pas en « un » Dieu vaguement défini mais tel qu’il s’est révélé dans la Bible. Cela se confirme par les passages suivants :

  • 1 Jean 2,23 : Quiconque nie le Fils n’a pas non plus le Père.
  • Jean 5,23 : Que tous honorent le Fils comme ils honorent le Père.

Ensuite, il y a plusieurs doctrines fondamentales qui dépendent de la confession trinitaire, telles que la messianité de Jésus, son incarnation, la mission du Saint Esprit… Sans cela, les principales causes du salut disparaissent (la grâce du Père, les mérites du Fils, la sanctification du Saint-Esprit).

Ensuite, c’est la doctrine la plus spécifique au christianisme, celle qui nous distingue le plus des juifs, des musulmans et des païens.

Enfin, c’est la foi uniforme des Anciens. Comme le dit le symbole d’Athanase : Quiconque veut être sauvé doit, avant tout, tenir la foi catholique : s’il ne la garde pas entière et pure, il périra sans aucun doute pour l’éternité. Voici la foi catholique : nous vénérons un Dieu dans la Trinité et la Trinité dans l’Unité.

Réponses aux objections (§§11-21)

§11 : La Trinité était inconnue du temps de l’Ancien Testament.
Réponse : La Trinité était moins connue, mais pas inconnue sous l’Ancien Testament. Turretin consacrera une question entière pour prouver la Trinité dans le seul Ancien Testament.

§ 18 : La Trinité est un dogme complètement abstrait, sans impact sur la vie chrétienne.
Réponse Elle est pratique aussi puisqu’elle contribue à notre gratitude et notre adoration, qui sont des activités chrétiennes.

La question se clôture sur une liste de pères de l’Église avant Nicée citant la foi trinitaire, qui montre à quel point la Trinité fait partie de la foi des anciens.

  • Pline le jeune, certes païen, mais témoignant des chrétiens du IIe siècle: Ils affirment que leur seule faute ou erreur consistent à chercher à se réunir un certain jour avant le lever du soleil pour chanter collectivement un hymne à Christ en tant que Dieu, et se lier par un serment de ne commettre aucune méchanceté, et de n’être coupable d’aucun vol, ou adultère, de ne porter aucun faux témoignage, ni de rompre un serment. (Correspondance, 10,96)
  • Tertullien reprend ce témoignage et l’authentifie.
  • Clément de Rome, un père apostolique : N’avons-nous pas un seul Dieu et un seul Christ et un Esprit déversé sur nous ? (Aux Corinthiens, 46)
  • Aristide, au IIe siècle dit quelque chose de semblable. Le Martyrologe romain rapporte qu’Aristide présenta à l’empereur Hadrien un traité sur la religion chrétienne, en présence de l’empereur, dans lequel il donnait un discours démotntrant que Jésus était le seul vrai Dieu.
  • Ignace d’Antioche, père apostolique : Nous avons un médecin, Jésus-Christ le Seigneur notre Dieu, Fils unique de Dieu engendré de toute éternité, mais après cela aussi homme par la Vierge Marie.
  • Théodoret de Cyr : Christ est la Parole de Dieu, non projetée, mais essentielle.
  • Athénagoras, dans son apologie : Nous affirmons que Dieu et le Fils sa Parole et le Saint-Esprit sont uns dans la puissance, le Père le Fils et le Saint-Esprit.
  • Justin Martyr prouve longuement la divinité de Christ dans son Apologie.
  • Irénée de Lyon : Christ lui-même avec le Père est le Dieu des vivants, qui a parlé par Moïse, et fut aussi manifesté aux pères (Contres les Hérésies, 4,5).
  • Clément d’Alexandrie affirme aussi la divinité et l’adoration de la Parole dans les Stromates (ch. 7) ou dans le Protreptique (1,11 et 3,12).

Étienne Omnès

Mari, père, appartient à Christ. Les marques de mon salut sont ma confession de foi et les sacrements que je reçois.

1 Commentaire

  1. Alain Rioux

    Il serait intéressant de réellement mettre en exergue, à l’instar des Athanase et des Grégoire de Naziance, le caractère sotériologique des dogmes de la très Sainte Trinité et de l’Incarnation, En effet, chez les Pères grecs, selon une perspective récapitulative, le dogme trinitaire implique le « sola gratia ». Car, le Saint-Esprit incorpore au Fils, qui allie au Père, lequel est l’origine de la béatitude éternelle: proprement, le salut. De sorte qu’on peut très bien confesser le « sola gratia », sans être obligatoirement supra-lapsarien: Osée 13/9…Quant à l’Incarnation, la doctrine de l’universelle chefferie du Christ découle du dogme confessé par le second Concile de Constantinople en 553: l’enhypostasie. Car, si Jésus-Christ est l’exlucsive Personne éternelle du Fils de Dieu, qui a assumé la nature humaine, alors il est le chef de toute la création. A ce titre, les bienfaits de sa résurrection glorieuse, la reconnaissance de justice, sa cause, et la vie nouvelle, sa conséquence, sont octroyés à quiconque est incorporé moralement en lui par la foi, selon une analogie conjugale ou politique. Le « Sola fide » émanera, donc, logiquement de la fonction du Christ, en tant que Personne morale de l’Église, nouvel Israël, comme sa tête.

    Réponse

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