La distinction des personnes de la Trinité — Turretin (3.27)
27 janvier 2023

Les personnes divines peuvent-elles être distinguées de l’essence, et l’une de l’autre, et comment ?

Nous nous sommes contentés jusqu’ici de la formule « Un seul Dieu en trois personnes distinctes ». Problème : que veut dire « distinctes » ici ? On a proposé différentes options :

  • Une distinction réelle : le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont trois êtres différents ; c’est l’opinion des trithéistes.
  • Une distinction formelle : le Père, le Fils, et le Saint-Esprit ont la même et unique matière divine, ils ne se distinguent que par la forme : ils sont trois « espèces » de Dieu partageant l’unique matière divine. Problème : Dieu est immatériel, et parfaitement simple, il ne peut se diviser et il n’y a aucune sorte d’espèce en lui.
  • Une distinction virtuelle et éminente : Dieu est absolument unique, mais par une distinction de raison pure « supérieure » on peut distinguer entre un Père et un Fils et un Saint-Esprit. C’est l’opinion modaliste, pour lesquels le Fils et le Père ne sont que deux catégories théologiques sans fondement réel en Dieu.
  • Une distinction personnelle où les distinctions sont expliquées en termes de personnes au sens scolastique, soit substance individuelle de nature raisonnable. La différence entre les personnes, ce sont les relations elle-mêmes entre ces subsistances. Celle-ci, utilisée par Thomas d’Aquin, n’est cependant ni retenue, ni rejetée par Turretin, qui lui en préfère une autre :
  • Une distinction modale : Les personnes de la Trinité sont trois modes ou « façon d’être » de Dieu.

Pour autoriser cette distinction dans la divinité, il n’est pas nécessaire qu’il y ait des exemples semblables ou adéquats parmi les créatures.

Turretin, Instituts de Théologie Elenctique, 3.27.12

Après quelques paragraphes techniques qui n’ont d’intérêt que dans un débat scolastique, Turretin expose en quoi consiste la distinction entre Père, Fils et Saint-Esprit.

Il y a une distinction entre les personnes par leur simple ordre entre eux :

  • Le Père est toujours mentionné en premier dans l’Écriture, le Fils en second et le Saint-Esprit (quand il est mentionné) en troisième.
  • Le Père a toujours été vu comme occupant une position prééminente par les pères de l’Église, au point qu’on l’appelait « fontaine de la Divinité », non absolument quant à l’existence, mais quant à la communication de celle-ci.

Il y a une distinction quant aux propriétés personnelles : il y a des propriétés qui n’appartiennent qu’à une personne et non à l’essence ou à une autre personne. Pour le Père, c’est d’être inengendré (ἀγεννησία) ; pour le Fils, c’est d’être engendré (γέννησις) ; et le Saint Esprit procède (ἐκπόρευσις). Pour Turretin, ce ne sont pas des « consciences » distinctes, mais seulement des modifications et caractères de l’essence. Ces caractères ne sont d’ailleurs pas le principe de leur distinction, mais leur simple marque de distinction.

Il y a une distinction qui provient des œuvres extérieures à la Trinité. Si vu de l’extérieur (ad extra), les œuvres viennent d’un seul Dieu, il y a tout de même un ordre ad intra qui correspond à un mode, ou façon de faire de Dieu.

Tout comme le Père est de lui-même, il agit par lui-même ; Tout comme le Fils est du Père, il agit à partir du Père (d’où les paroles de Christ : Le Fils ne fait rien de lui-même, sinon ce qu’il voit faire du Père, Jean 5,19). Et comme le Saint-Esprit vient des deux autres, il agit à partir des deux autres. Le nom dépend aussi de l’action de la personne concernée. Ainsi la voix entendue depuis le ciel a pour terme le Père ; l’incarnation revient au Fils et l’apparence sous forme de colombe termine sur le Saint-Esprit.

Ibid, 3.27.20.

Étienne Omnès

Mari, père, appartient à Christ. Les marques de mon salut sont ma confession de foi et les sacrements que je reçois.

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