L’engendrement du Fils – Turretin (3.29)
18 février 2023

Le Fils fut-il engendré du Père de toute éternité ? Nous l’affirmons.

Alors que la précédente question insistait sur l’unité du Père avec le Fils, cette fois-ci on va insister sur ce qui les distingue.

Formulation de la question (§§ 2-7)

  • La question ne concerne pas la nature humaine, mais sa nature divine : fut-il engendré de Dieu de toute éternité, ou bien : peut-il être appelé le Fils à cause de sa génération ineffable et secrète du Père n?
  • Nous n’allons pas décrire positivement cette génération : elle est hors de portée de l’esprit humain. Nous allons simplement constater le fait que Dieu le Fils est Fils dans la divinité, d’une façon différente des humains certes, mais réelle.
  • On ne parle pas d’une génération matérielle, où il y a un engendreur en acte, et un engendré passif : Dieu est acte pur. Il n’y a pas non plus communication de matière, comme entre une mère et son enfant. Par conséquent, cet engendrement se fait dans la même substance que le Père.
  • Cette génération s’est faite hors du temps, hors d’un lieu et sans changement, car aucune de ces choses ne convient à Dieu. Tout langage qui laisserait entendre autre chose n’est qu’une faiblesse humaine qui nous force à exprimer “matériellement” ce qui est immatériel et transcendant.

Argumentation principale (§§ 8-19)

À partir du Psaume 2

Je publierai le décret ; l’Éternel m’a dit : Tu es mon fils ! Je t’ai engendré aujourd’hui.

Ps 2,7.
  • Ce verset est attribué directement au Messie par les apôtres en Actes 4,25 ; 13,33 ; Hébreux 1,5.
  • Ce “fils” du Psaume 2 est de qualité divine, puisque son royaume contient toute la terre (Psaume 2,8) qu’il peut briser les nations comme une poterie (verset 9) et que tous les rois de la terre lui doivent hommage (versets 11-12).

À partir des Proverbes

C’est la Sagesse qui parle :

L’Éternel m’a acquise au commencement de ses voies, avant ses œuvres les plus anciennes. J’ai été établie depuis l’éternité, dès le commencement, avant l’origine de la terre. Je fus enfantée quand il n’y avait point d’abîmes, point de sources chargées d’eaux ; avant que les montagnes fussent affermies, avant que les collines existassent, je fus enfantée ; il n’avait encore fait ni la terre, ni les campagnes, ni le premier atome de la poussière du monde. Lorsqu’il disposa les cieux, j’étais là ; lorsqu’il traça un cercle à la surface de l’abîme, lorsqu’il fixa les nuages en haut, et que les sources de l’abîme jaillirent avec force, lorsqu’il donna une limite à la mer, pour que les eaux n’en franchissent pas les bords, lorsqu’il posa les fondements de la terre, J’étais à l’œuvre auprès de lui, et je faisais tous les jours ses délices, jouant sans cesse en sa présence, jouant sur le globe de sa terre, et trouvant mon bonheur parmi les fils de l’homme.

Pr 8,22-30
  • Cette Sagesse est engendrée, distincte de Dieu, comme le montre le verset 22.
  • Elle est engendrée de toute éternité, avant la moindre création (cf vv. 22, 24 et 25).
  • Cette Sagesse est une personne, puisqu’elle accomplit des actes personnels comme bâtir une maison, préparer un festin, établir des rois (cf Proverbes 9,1-3).

Cette Sagesse est notre Seigneur Jésus Christ :

  • L’association est directe en Luc 7,35 : Le Fils de l’homme est venu, mangeant et buvant, et vous dites : C’est un mangeur et un buveur, un ami des publicains et des gens de mauvaise vie. Mais la sagesse a été justifiée par tous ses enfants.
  • Tout comme la Sagesse, Jésus était présent auprès de Dieu avant même le commencement : Jean 1,1.
  • Tout comme la Sagesse, Jésus est bien-aimé de Dieu (Matthieu 3,17) ce qui fait écho à je faisais tous les jours ses délices.
  • Tout comme la Sagesse, Il est avant toutes choses, et toutes choses subsistent en lui. (Colossiens 1,17)
  • Tout comme c’est par la Sagesse que les rois règnent, n’est-il pas dit de Jésus qu’il est roi des rois et seigneur des seigneurs (Apocalypse 19,16).
  • De la même façon que la Sagesse crie sur les places pour appeler à la repentance, ainsi fait Christ.

Les témoins de Jéhovah et d’autres anti-trinitaires plus anciens contestent la traduction acquise et lui préfèrent créer (d’ailleurs Louis Segond 1910 a cette traduction). Le verbe hébreu est קָנָה [qanah], et il ne convient pas de le traduire par “créer”: tout d’abord, il existe un autre verbe pour la création ex nihilo, qui est בָּרָא [bara] utilisé en Genèse 1,1. Ensuite, il désigne en général l’acquisition ou la possession, que ce soit par création (qanah est utilisé pour “acquérir par création” en Genèse 14,19) ou par génération (Genèse 4,1). Mais ici, il est dit que la Sagesse a été qana avant la création. Donc c’est par génération.

À partir de Michée 5,1

Et toi, (Bethléem) Ephrata, le moindre des clans de Juda, c’est de toi que me naîtra celui qui doit régner sur Israël ; ses origines remontent au temps jadis, aux jours antiques.

Il est écrit ici aux temps jadis, קֶ֫דֶם qedem, et non “éternellement”, dira-t-on. Cela n’est pourtant pas exclu, comme le montre l’usage de cette expression (hébraïque) en Habaquq 1,12, où le même mot signifie “éternité”. De même, Dieu éternel de Deutéronome 33,27 utilise ce même mot pour signifier éternel.

À partir de la filiation de Christ

Lorsque Jésus est appelé fils de Dieu, ce n’est pas seulement par prééminence, mais cela décrit quelque chose de réel et unique à lui. Il est appelé “son propre Fils”, au sens de particulier, à lui seul. Lui qui n’a point épargné son propre Fils, mais qui l’a livré pour nous tous, comment ne nous donnera-t-il pas aussi toutes choses avec lui ? (Romains 8,32) Cf. d’autres expressions exprimant cette filiation propre en Jean 5,18 ; Jean 1,14 ; Jean 1,18.

Cette appellation désigne la nature de Christ et non seulement son rang comme on le voit dans Hébreux 1,5 : Car auquel des anges Dieu a-t-il jamais dit : Tu es mon Fils, Je t’ai engendré aujourd’hui ? Et encore : Je serai pour lui un père, et il sera pour moi un fils ? Et de nouveau, lorsqu’il introduit dans le monde le premier-né, il dit : Que tous les anges de Dieu l’adorent !

À partir de Colossiens 1,5 et Hébreux 1,3

Le Fils est l’image du Dieu invisible Colossiens 1,5 et Le Fils est le reflet de sa gloire et l’empreinte de sa personne Hébreux 1,3.

Objections (§§ 20-31)

§20 : Christ est appelé le “premier-né” de Dieu, ce qui signifie qu’il n’est que le premier de beaucoup d’autres créatures et n’a rien de particulier.
→ Cette expression implique une communion avec d’autres, mais le fait qu’il soit “premier” n’implique pas nécessairement qu’il y en ait d’autres après. Premier-né désigne parfois aussi la prééminence.

  • Il est né de Marie le temps où Marie devait accoucher arriva, et elle enfanta son fils premier-né. (Luc 2,6-7)
  • Il ressuscite il est le commencement, le premier-né d’entre les morts, afin d’être en tout le premier. (Colossiens 1,18)
  • On désigne son autorité. Ici, ce nom peut être propre, ou commun. Le Fils est l’image du Dieu invisible, le premier-né de toute la création. Car en lui ont été créées toutes les choses qui sont dans les cieux et sur la terre, les visibles et les invisibles, trônes, dignités, dominations, autorités. Tout a été créé par lui et pour lui. (Colossiens 1,15) Il les a aussi prédestinés à être semblables à l’image de son Fils, afin que son Fils soit le premier-né de beaucoup de frères. (Romains 8,29)
  • Et enfin, il y a cette classe spécifique où il ne partage cette filiation avec personne lorsqu’il introduit dans le monde le premier-né, il dit : Que tous les anges de Dieu l’adorent ! (Hébreux 1,5)

§ 25 : Il est absurde et incohérent de dire que le Fils est le même Dieu que le Père, et en même temps qu’il soit différent.
Le Fils partage la même essence unique que le Père, mais il s’en distingue personnellement. Il est de la même essence que le Père, mais pas dans la même façon de subsister (cf. Turretin 3.27).

Turretin conclut sur quelques citations des pères de l’Eglise, qui condamnent toute spéculation trop avancée sur ce point : il suffit d’établir la génération éternelle du Fils. Pour ce qui est de l’expliquer et de la comprendre, ce n’est pas prudent de trop s’avancer.

  • Athanase : Il n’est pas convenable de chercher comment la Parole est de Dieu, ou comment il est le reflet de Dieu, ou comment Dieu engendre et selon quel mode. Car il est fou d’essayer de telles choses, vu qu’on essaie d’interpréter par des mots ce qui est ineffable et propre à la nature divine et connu uniquement de Lui-même et de son fils (Quatre discours contre les ariens, 2,36.).
  • Hilaire de Poitiers : Tout comme le Père est inexpressible en son innascibilité (fait de ne pas être engendré), ainsi le Fils ne peut pas être exprimé son engendrement, car il est le premier-né de celui qui est inengendré (De la Trinité 3,18).

Étienne Omnès

Mari, père, appartient à Christ. Les marques de mon salut sont ma confession de foi et les sacrements que je reçois.

2 Commentaires

  1. Alvear. A

    Merci pour votre noble travail, c’est d’ une grande bénédiction pour moi.

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    • Étienne Omnès

      Je suis très touché par ton message. Merci beaucoup, j’ai bien besoin de ces encouragements 🙂

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