Christ est-il la cause et la fondation de l’élection ? Nous le nions contre les arminiens et luthériens.
Hors du bon plaisir de Dieu, y a-t-il d’autres causes qui font que nous sommes élus au salut ? Les arminiens, les luthériens, les papistes et les amyraldiens, chacun pour des raisons différentes, affirmaient qu’il y avait bien quelque chose en plus de la volonté de Dieu qui déterminait la prédestination : Christ lui-même.
La question est, plus précisément : Christ est-il venu pour sauver ceux que son Père a choisis, ou bien le Père nous a-t-il choisis sous l’impulsion de Christ ? À qui revient l’initiative première de l’élection ? Les réformés soutiennent la première solution, les autres la seconde. Cette seconde option (Christ est cause de l’élection) est la base du système arminien : leur idée est que le Père a élu Christ, qui est la cause de l’élection, et c’est toute sa prédestination : c’est par notre seul libre arbitre que nous choisissons Christ qui cause ensuite le salut.
Contre cela, tout en reconnaissant que Christ est la cause et base de notre salut, les réformés nient qu’il soit la cause et base de notre élection, du choix de Dieu nous donnant le salut. Cela est en Dieu seul, son seul bon plaisir, et il ne le « délègue » pas.
Argumentation principale (§§ 5-8)
Premièrement, les Ecritures attribuent au seul bon plaisir (εὐδοκία) de Dieu le fait de l’élection. Par conséquent, toute cause extérieure à Dieu est exclue.
- Romains 9,15 : Car il dit à Moïse : Je ferai miséricorde à qui je fais miséricorde et j’aurai compassion de qui j’ai compassion.
- Matthieu 11,25-6 : Jésus prit la parole, et dit : Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre, de ce que tu as caché ces choses aux sages et aux intelligents, et de ce que tu les as révélées aux enfants. Oui, Père, je te loue de ce que tu l’as voulu ainsi.
- Romains 9,11 : Le dessein d’élection de Dieu subsiste, sans dépendre des œuvres, et par la seule volonté de celui qui appelle.
- Romains 9,16 : Cela ne dépend ni de celui qui veut, ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde.
- Luc 12,32 : Ne crains point, petit troupeau; car votre Père a trouvé bon [εὐδόκησεν] de vous donner le royaume.
La cause de notre élection n’est donc pas le bon plaisir de Dieu plus le Christ, mais le seul bon plaisir de Dieu qui nous donne le Christ comme moyen du salut.
Deuxièmement, un effet ne peut pas être une cause. Or Christ est l’effet de notre élection. Il n’est donc pas la cause. Nous savons qu’il est l’effet de l’élection ainsi :
- Christ a été élu et prédestiné à être notre médiateur (Ésaïe 42,1 ; 1 Pierre 1,20 ; Jean 3,16). D’abord il y a eu le choix de nous sauver et donc en conséquence celui d’élire Christ pour accomplir notre salut.
- 1 Jean 4,10 : Cet amour consiste, […] en ce qu’il nous a aimés et a envoyé son Fils comme victime expiatoire pour nos péchés. Notez l’ordre : d’abord l’élection, puis la prédestination du Fils.
Troisièmement, pour que Christ soit prédestiné à sauver les élus, il faut qu’il y ait déjà des élus à sauver, avant sa prédestination. Christ n’est pas mort pour « quiconque » (encore indéterminé) qui aurait foi à l’avenir, mais pour une liste déterminée de personnes, comme on le voit ici:
- Matthieu 1,21 : C’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés.
- Jean 10,11 : Le bon berger donne sa vie pour ses brebis ; 15 : Comme le Père me connaît et comme je connais le Père ; et je donne ma vie pour mes brebis.
- Jean 15,13-4 : Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. Vous êtes mes amis, si vous faites ce que je vous commande.
- Éphésiens 5,25 : Maris, que chacun aime sa femme, comme Christ a aimé l’Église, et s’est livré lui-même pour elle. Notez comment fonctionne l’analogie : un mari n’est pas marié à une femme indéterminée, mais à une épouse particulière. De même Christ est associé à une Église déterminée.
Quatrièmement, l’intention de la fin doit précéder la destination des moyens. En français plus courant, ca veut dire qu’on doit déjà avoir une idée de ce qu’on veut faire avant de décider comment on le fait. Or dans cette question, le salut est la fin, et Christ le moyen. Donc il y a une détermination de qui est sauvé avant la détermination d’envoyer Christ les sauver, tout comme il doit y avoir un malade particulier avant qu’un médecin ne puisse venir le voir.
Objections (§§ 6-19)
§ 6 : Christ est la cause du salut, donc il est la cause de l’élection !
→ Il faut distinguer les deux car le salut requiert plus de causes que la seule élection.
§ 7 : Il est écrit en Éphésiens 1,4 : En [Christ] Dieu nous a élus avant la fondation du monde, pour que nous soyons saints et irréprochables devant lui. Donc Christ est la cause de notre élection.
→ Si c’était l’interprétation à donner à Éphésiens 1,4, il y aurait écrit ὄντας [étant], qui décrit un état déjà causé, au lieu de εἶναι [soyons], qui convient à un moyen à mettre en oeuvre. En effet εἶναι [soyons] indique plutôt que Christ est un moyen de devenir saint et irréprochable, et non la cause du choix. Cela est confirmé aussi :
- Par le fait que nous sommes élus en Christ et non à cause de lui.
- De même, si Christ était la cause de l’élection et non le moyen, nous serions déjà saints dès notre conversion.
- Paul lui-même donne l’intérprétation correcte de ces paroles en 1 Thessaloniciens 5,9 : Dieu ne nous a pas destinés à la colère, mais à la possession du salut par notre Seigneur Jésus-Christ. Cf. aussi 2 Thessaloniciens 2,13.
D’autres bonnes objections pourraient être répondues ici, mais je laisse le soin aux arminiens de finasser sur ce point précis tout d’abord, et je leur répondrai ensuite si Dieu le veut.
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