Le croyant peut-il être certain de sa propre élection, non par conjecture, mais par une foi infaillible ? Nous l’affirmons, contre les papistes et les remontrants.
Nous avons prouvé que le salut est sûr en lui-même. Tout cela est bien joli, mais ne peut-on pas dire, comme les catholiques romains, qu’il est orgueilleux d’être sûr de son salut ? Contre les pontificii, nous le nions.
- L’opinion de l’Église romaine est exprimée par le Concile de Trente : Nul ne peut savoir avec une certitude de foi qu’il a obtenu la grâce de Dieu1. Et il anathématise ceux qui disent que l’homme renouvelé et justifié est lié par la foi à croire qu’il appartient assurément au nombre des prédestinés.
- L’opinion des arminiens, ou remontrants considèrent que l’élection étant par nature ouverte, il est dangereux d’être trop certain de son salut, car ce n’est littéralement qu’à notre mort que nous sommes définitivements sauvés.
Quelques précisions sur la question :
- On ne se demande pas s’il est possible de savoir a priori si l’on est sauvé ou pas. Cela est impossible. La question est : est-ce qu’à partir du témoignage de ma conscience (a posteriori), je peux savoir si je suis sauvé ? Nous l’affirmons.
- La question n’est pas au sujet d’une révélation extraordinaire par laquelle nous apprendrions les projets de Dieu à notre sujet. Notre question est : peut-on être sûr de notre salut d’une façon naturelle et ordinaire, à l’exception de révélations spéciales ? Nous l’affirmons.
- Nous ne parlons pas d’une certitude invulnérable et toujours parfaite. Bien sûr qu’il y a des temps où l’on doute et où l’on se croit même perdu. Mais nous affirmons qu’il est nécessaire que cette conviction sincère et subjective de salut existe chez les élus.
- Nous ne parlons pas non plus d’une certitude en l’air, malgré notre mauvais comportement ou notre apostasie. La question est : est-ce qu’un croyant marchant dans la sainteté peut être sûr de son salut ? Nous l’affirmons.
Argumentation (§§9-14)
Premièrement, il est écrit que nous pouvons savoir être des fils de Dieu et que nous avons la foi à salut.
- Romains 8,15-6 : vous avez reçu un Esprit d’adoption, par lequel nous crions : Abba ! Père ! L’Esprit lui-même rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu.
- Jean 6,69 : nous avons cru et nous avons connu que tu es [le Christ,] le Saint de Dieu.
- Marc 9,24 : Je crois ! viens au secours de mon incrédulité !
- 1 Jean 2,3 : Si nous gardons ses commandements, nous savons par cela que nous l’avons connu.
- 2 Timothée 1,12 : je sais en qui j’ai cru.
- 2 Corinthiens 13,5 : Examinez-vous vous-mêmes, pour savoir si vous êtes dans la foi; éprouvez-vous vous-mêmes. Ne reconnaissez-vous pas que Jésus-Christ est en vous ?
Deuxièmement, il y a des indices dans l’Écriture qui montrent que lorsque Dieu inscrit un nom dans le livre de vie, il le fait savoir au concerné.
- 2 Corinthiens 3,3 : Vous êtes manifestement une lettre de Christ, écrite par notre ministère, non avec de l’encre, mais avec l’Esprit du Dieu vivant, non sur des tables de pierre, mais sur des tables de chair, sur les cœurs. Si nous sommes d’accord que cette « lettre » raconte le salut de cette personne, alors c’est que nous pouvons lire dans nos propres cœurs notre propre salut.
- Apocalypse 2,17 : À celui qui vaincra je donnerai de la manne cachée, et je lui donnerai un caillou blanc; et sur ce caillou est écrit un nom nouveau, que personne ne connaît, si ce n’est celui qui le reçoit. Le caillou blanc fait référence à un rituel judiciaire, par lequel on signifiait à un condamné son acquittement par un caillou blanc qu’on lui donnait.
Troisièmement, cela est confirmé par le témoignage et le sceau du Saint-Esprit :
- Romains 8,16 : L’’Esprit lui-même rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu.
- Ephésiens 4,30 : N’attristez pas le Saint-Esprit de Dieu, par lequel vous avez été scellés pour le jour de la rédemption.
- 1 Jean 3,24 : Nous connaissons qu’il demeure en nous par l’Esprit qu’il nous a donné.
- 1 Corinthiens 2,12 : Or nous, nous n’avons pas reçu l’esprit du monde, mais l’Esprit qui vient de Dieu, afin que nous connaissions les choses que Dieu nous a données par sa grâce.
Quatrièmement, l’exemple des saints, qui étaient certains de la grâce qu’ils avaient reçue et de la force de celle-ci :
- Abraham en Romains 4,19-21 : Il ne douta point, par incrédulité, au sujet de la promesse de Dieu; mais il fut fortifié par la foi, donnant gloire à Dieu.
- David dans les Psaumes ; 16,8 : J’ai constamment l’Éternel sous mes yeux ; 23,6 : Oui, le bonheur et la grâce m’accompagneront tous les jours de ma vie, et j’habiterai dans la maison de l’Éternel jusqu’à la fin de mes jours. Cf aussi le Psaume 31.
- Paul en Romains 8,38-9 : J’ai l’assurance que ni la mort ni la vie, ni les anges ni les dominations, ni les choses présentes ni les choses à venir, ni les puissances, ni la hauteur ni la profondeur, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ notre Seigneur.
Cinquièmement, les effets de la foi engendrent nécessairement la certitude de croyance :
- Ephésiens 3,12 : En lui nous avons, par la foi en lui, la liberté de nous approcher de Dieu avec confiance.
- Hébreux 10,22 : Approchons-nous donc avec un cœur sincère, dans la plénitude de la foi.
- Romains 5,2 : À qui nous devons d’avoir eu par la foi accès à cette grâce, dans laquelle nous demeurons fermes, et nous nous glorifions dans l’espérance de la gloire de Dieu.
- Jean 16,22 : Mais je vous reverrai, et votre cœur se réjouira, et nul ne vous ravira votre joie.
Réponses aux objections
Bien que le sens du divin puisse un temps sommeiller et être supprimé chez les fils de Dieu (en tant qu’acte second, par mal de peine ou de faute, de façon à ce qu’ils soient dérangés par différents doutes), il n’est pourtant jamais enlevé en tant qu’acte premier. Au final, ils se sortiront de ces épreuves par la grâce d’un Dieu élisant et soutenant, et Dieu les restaurera à la joie de leur salut et fera réjouir les os brisés (Psaumes 51,8, 12). Car comme Dieu est fidèle, il souhaite en effet mettre à l’épreuve les croyants mais pas les rejeter. Il tolère qu’ils trébuchent mais pas qu’ils s’effondrent. S’il juge utile parfois que les croyants soient pressés, jamais il ne souhaite qu’ils soient opprimés, mais il soutient et édifie ceux qui trébuchent. (2 Corinthiens 4,8-9)
François Turretin, Institution de théologie élenctique, 4.13.18
Sur l’occasion de péché que cette doctrine engendrerait :
La doctrine de la certitude de la grâce est loin d’être la mère de la sécurité et l’accoucheuse de la licence morale, et il n’y a pas de plus grand encouragement à la vraie piété qu’un sens vif de l’amour de Dieu et de ses bienfaits. Cette doctrine prend si bien possession et enflamme si bien notre esprit qu’elle est tout en feu d’un amour réciproque pour Lui.
Ibid., 4.13.22.
- Concile de Trente, session 6, chapitre 9, canons 13-15.[↩]
Et que pensez-vous de 1 Corinthiens 9:24-27 ?
Et de Philippiens 2:12 ?