Les seuls textes sources de la Bible sont hébreux et grecs – Turretin (2.11)
15 juin 2021

Le texte hébreu de l’Ancien Testament et grec du Nouveau EST-IL lE seul authentique ? Contre les papistes, nous affirmons

Lorsque venait le temps de choisir le texte source de la Bible, pour la traduction, il y avait débat entre protestants et catholiques : les catholiques favorisaient la Vulgate et prétendaient que les textes hébreux et grecs étaient trop corrompus pour changer la Vulgate. Au contraire, il fallait corriger les textes à partir de la Vulgate. Turretin s’y oppose et défend l’authenticité du texte source.

Cela dit, cette attaque ne concernait pas tout le monde. En réalité, il y avait dans le camp catholique les factions suivantes:

  1. Les « hébraïsants » déjà mentionné dans un article précédent. Ces biblistes catholiques faisaient confiance aux textes hébreux et grecs.
  2. La majorité des auteurs catholiques cependant affirment qu’il valait mieux corriger l’hébreu à partir de la Vulgate plutôt que l’inverse.
Thomas Stapleton, un opposant à Turretin sur l'authenticité des textes hébreux et grecs
Thomas Stapleton, un exemple d’auteur opposé à Turretin sur cette question.

Le débat entre catholiques portait aussi sur l’interprétation d’un canon du concile de Trente où ledit concile déclare & ordonne, que cette mesme Edition Ancienne & Vulgate, qui a déja esté approuvée dans l’Eglise par le long usage de tant de siecles, doit estre tenuë pour authentique dans les Disputes, les Prédications, les Explications, & les Leçons publiques, & que personne, sous quelque prétexte que ce puisse estre, n’ait assez de hardiesse, ou de témérité, pour la rejetter. Les hébraïsants disaient que cela ne s’appliquait qu’à la Vulgate comme traduction et non comme source. Mais l’opinion majoritaire maintenait que cela s’appliquait aussi à la Vulgate comme source. Bref, Turretin de son côté affirme:

Notre opinion est que l’Hébreu de l’Ancien et le Grec du Nouveau Testament ont toujours été et sont encore la seule version authentique par laquelle toutes les controverses de foi et de religion (et de toute version) doivent être approuvées et mises à l’épreuve.

François Turretin, ITE, 2.11.2

Définition de l’authenticité (§§ 3-5)

Un écrit authentique est un écrit dans lequel toutes choses sont abondamment suffisantes pour inspirer la confiance ; un écrit auquel on doit le plus grand crédit de son espèce ; un écrit dont on peut être absolument sûr qu’il vient de l’auteur qui lui donne son nom; un écrit où tout est écrit comme l’auteur le souhaitait.

Op. cit., §3

Il fait ensuite la distinction entre une authenticité primaire (les autographes, où livres concrets produits directement par les auteurs de la Bible) et une authenticité secondaire (les copies fiables que nous avons de ces livres). Les livres de nos bibles ont une authenticité secondaire.

Argumentation (§ 6)

  • Seuls les textes sources sont inspirés par Dieu et donc eux seuls sont authentiques. (2 Timothée 3,16)
  • C’est sur ces textes anciens que nous devons corriger nos traductions, et non d’autres. C’est ce qu’enseignent des pères de l’Église comme Gratien : « Tout comme la foi des livres anciens doit être mise à l’épreuve par les volumes en hébreu, ainsi la vérité du nouveau [testament] a besoin des écrits grecs comme règle. » (Décrets, 1.9.6) ou bien Jérôme qui dit qu’il faut défendre l’authenticité du texte hébreu comme la source des traductions, qui doivent être corrigées par lui (Lettres 72 Ad Vitalem et 106 Ad Suniam et Fretellam)
  • Ces textes ont toujours été considérés comme authentiques, chez les juifs comme les chrétiens, et jamais personne n’a défendu qu’ils avaient « cessé » de l’être.
  • Si ce n’étaient pas ces textes hébreux et grecs, alors il n’y aurait pas de textes authentiques, puisque même la Vulgate ne prétend pas avoir été écrite par Dieu. Plus de certitudes dans l’Écriture, on pourrait utiliser le texte comme un nez de cire ou une règle lesbienne tournée selon ce qui nous plaît (sic).
  • Même des auteurs majoritaires comme Bellarmin, Benito Arias Montano, Jean Louis Vivès, Alfonso Salméron, Jacques Bonfrère, Didacus Masius, Siméon Marotte de Muis, Cornelius Jansen, pensaient que l’on pouvait corriger la Vulgate en ayant recours aux originaux. C’est donc que les originaux sont supérieurs.

Objections (§§ 8-13)

§10 Il n’y a pas de vérité dans l’affirmation que l’édition hébraïque de l’Ancien Testament et l’édition grecque du Nouveau Testament sont mutilées ; et cela n’est pas prouvé par les arguments de nos opposants. Il ne manque pas l’histoire de la femme adultère (Jean 8,1-11) parce que même si elle manque dans le texte syriaque, nous l’avons dans tous les manuscrits grecs. Il ne manque pas 1 Jean 5,7 parce que même si certains hérétiques le remettent en cause, toutes les copies grecques l’ont, comme le reconnaît Sixte de Sienne: « ce sont les mots d’une vérité jamais remise en doute, et contenues dans les copies grecques depuis le temps des apôtres ». Il ne manque pas non plus la finale longue de l’évangile de Marc, même si elle est absent de plusieurs copies au temps de Jérôme (ce qu’il reconnaît lui-même); maintenant elle est présente dans tous, même la version syriaque, et elle est clairement nécessaire pour compléter l’histoire de la résurrection de Christ.

La question des points-voyelles (§§ 11-13)

Turretin aborde dans les trois derniers paragraphes la vexante question des « points-voyelles » masorétiques. L’hébreu n’écrivant que les consonnes, les scribes juifs massorètes avaient inventé un système de notations de voyelles avec des points… bien après les temps bibliques. Sachant qu’en hébreu, des mots très différents peuvent s’écrire avec les mêmes consonnes, comment être sûrs des voyelles — et donc des mots — hébreux?

  1. Bellarmin lui-même dit les erreurs qui viennent des points n’interfèrent pas avec la vérité parce qu’ils viennent de l’extérieur et ne changent pas le texte.
  2. Si le texte hébreu tombe, alors la Vulgate aussi, puisque Jérôme a fait une traduction et non une réécriture indépendante du texte.
  3. Même si l’usage des points était tardif, il n’en résulte pas qu’ils ont été placés selon le bon plaisir des scribes, mais qu’ils ont suivi les règles du langage hébraïque, et des systèmes précédents de notation des voyelles. Ce nouvel usage ne signifie pas une corruption arbitraire, mais la standardisation d’un usage plus ancien.
  4. Cet argument est circulaire : on dit que les Écritures sont corrompues parce que les points-voyelles sont faux, et nous savons que les points-voyelles sont faux parce que les Écritures sont corrompues. Or la grande majorité des spécialistes, contemporains de Turretin ou anciens, juifs ou chrétiens, protestent de l’authenticité des points-voyelles.

Turretin refuse d’entrer dans la grammaire hébraïque, mais affirme qu’il est plus sain et sûr de considérer Moïse ou Esdras comme l’inventeur des points-voyelles.

Étienne Omnès

Mari, père, appartient à Christ. Les marques de mon salut sont ma confession de foi et les sacrements que je reçois.

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