De la nécessité des Écritures — Turretin (2.2)
12 avril 2021

Était-il nécessaire que la parole de Dieu soit mise par écrit ? Nous l’affirmons.

Dans leur hostilité au sola scriptura, les catholiques du XVIIe siècle allaient jusqu’à dévaloriser la Bible elle-même. Des modérés comme Bellarmin disaient que les Écritures étaient utiles, mais non nécessaires. Des personnes plus emportées comme le cardinal Stanisław Hozjusz disait : «Il aurait été plus intéressant pour l’Église que les Écritures n’eussent jamais existé » ou bien encore Pedro de Valencia : « Il aurait mieux valu qu’elles [les Écritures] ne fussent jamais écrites. »

Cardinal Stanislas Hozjusz (Hosius) qui niait la nécessité de la Bible pour l’Église. Turretin s’oppose à lui ici.

Formulation de la question (§§ 2-5)

Turretin précise ici les limites de sa défense :

  • Il faut distinguer entre les Écritures prises au sens matériel, c’est à dire la doctrine divine révélée par Dieu et prises au sens formel, quant au texte écrit.
    • En ce qui concerne la doctrine, elle est purement et simplement indispensable à l’Église : sans Écritures, pas d’Église.
    • En ce qui concerne la mise par écrit, ce n’est qu’une nécessité conditionnelle : Dieu aurait pu faire sans texte écrit, mais il a décidé qu’il y en aurait un, et à partir de là, ce texte est nécessaire.
  • Nous discutons donc de cette nécessité relative et hypothétique (considérant que Dieu en ait décidé ainsi) : il ne s’agit pas de savoir si l’Écriture est nécessaire « pour tous les âges, mais uniquement celui-ci, non par rapport à la puissance et la liberté de Dieu, mais par rapport à sa sagesse et son économie (la manière dont il procède) avec l’Homme. L’idée est que, tout comme un parent adapte le support d’enseignement selon la maturité de l’enfant, passant d’images et de coloriages à un travail plus écrit et à plus de lecture, de même Dieu a adapté sa révélation à l’Église selon son degré de maturité : d’abord une révélation orale, puis une révélation mixte orale et écrite, et enfin, depuis la conclusion du canon du Nouveau Testament, une révélation complètement écrite, plus parfaite.

Argumentation (§ 6)

Comme souvent jusqu’ici, mais ce ne sera pas toujours le cas, l’argumentation principale est courte et va droit au but. Il est nécessaire que la révélation de Dieu soit écrite pour trois raisons :

  1. La préservation de cette parole.
  2. La défense de sa parole.
  3. La propagation de sa parole.

En effet, la forme écrite permet une bien meilleure préservation du texte. Il est plus facile de faire référence à un document écrit dans les débats contre ceux qui attaquent la parole de Dieu : il est objectivement écrit devant les yeux de tous, plutôt qu’inscrit uniquement dans les souvenirs de quelques-uns. Enfin, il est bien plus facile de disséminer des livres que de faire apprendre par cœur toute la révélation divine, surtout avec le développement de l’imprimerie.

Objections (§§ 7-13)

§7 : L’Écriture n’était pas nécessaire du temps de Moïse. Elle n’est donc pas non plus nécessaire en notre temps.
Réponse : La première proposition n’implique pas la seconde (non sequitur). En effet, l’Église a gagné en maturité depuis Moïse, et elle est devenue un peuple innombrable dans toutes les nations. Si nous en étions encore à dépendre de patriarches vénérables transmettant la révélation divine à peu de gens, nous ne nous en sortirions pas.

§8 : Il arrive que des croyants voire des Églises entières (surtout au début du christianisme) se retrouvent sans Bible à demeure. L’Écriture n’est donc pas nécessaire à l’Église.
Réponse : Certes, mais jamais aucune Église ne s’est passée du principe même des Écritures.

§9 : Il est écrit que le Saint-Esprit nous enseigne directement tout ce que nous devons savoir (Jérémie 31,34 ; Jean 6,45 ; 1 Jean 2,27). Donc les Écritures ne sont pas nécessaires (oui, cette phrase très pentecôtiste était sur la bouche des catholiques au XVIIe siècle.).
Réponse : Le Saint-Esprit n’apporte pas de nouvelles révélations, mais confirme et imprime plus profondément dans nos cœurs la Parole écrite. Le Saint-Esprit est l’enseignant, mais les Écritures sont bien l’enseignement. Jérémie 31,34 et 1 Jean 2,27 doivent être compris au sens absolu, sans quoi on pourrait se passer de Jérémie et Jean. Il faut comprendre que nous avons une plus grande assistance du Saint-Esprit que sous l’Ancien Testament pour comprendre la révélation. Enfin, la promesse de Jérémie ne sera accomplie qu’au ciel, où nous n’aurons plus besoins de pasteurs et d’enseignants, mais verrons Dieu face à face.

§12 : Christ est notre seul enseignant (Matthieu 23,8). Donc les Écritures ne nous sont pas nécessaires, tant qu’on a Jésus (même remarque que précédemment : cette objection rappelle le discours contemporain des pentecôtistes !).
Réponse : Le ministère de la Parole (la prédication) n’est pas exclu mais inclus dans l’enseignement du Christ, puisque c’est à travers des pasteurs que Christ nous enseigne. Christ n’est pas opposé aux pasteurs dans Matthieu 23,8, mais aux faux enseignants pharisiens.

§13 : Les Écritures ne sont pas utiles à ceux qui ne peuvent pas lire. Elles ne leur sont donc pas nécessaires.
Réponse : Et pourtant, les enseignements oraux que nous leur donnons sont tirés des Écritures. Elles leur sont donc quand même nécessaires.

Étienne Omnès

Mari, père, appartient à Christ. Les marques de mon salut sont ma confession de foi et les sacrements que je reçois.

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